Applications

Téléphone, dis-moi comment manger mieux…

Photographier son pain grillé tartiné de beurre d’arachides, son café et des rondelles de banane. C’est ce qu’on a fait dès le réveil pour tester l’application Foodvisor.

Cette application française, comme son nom le laisse deviner ( !), a pour « mission de révolutionner le coaching nutritionnel grâce à l’IA », soit l’intelligence artificielle. Rien de moins. Foodvisor dit être « la première application qui permet d’obtenir les informations nutritionnelles de son repas à partir d’une simple photo ».

Les applis de décryptage alimentaire sont alléchantes. Selon un sondage réalisé en octobre par l’Institut français d’opinion publique (IFOP), 64 % des Français sont attirés par les applications alimentaires, 35 % en ont déjà utilisé et 29 % envisagent de le faire. Un an après son lancement, Foodvisor compte 1 million d’utilisateurs dans le monde, dont… 10 000 au Canada.

le Test

Comment ça marche ? Après avoir téléchargé l’application gratuite, on entre sa taille, son poids, son âge et son niveau d’activité physique au travail. Foodvisor nous conseille alors un certain seuil de calories et de nutriments à consommer par jour, différent selon notre objectif (perte, stabilisation ou gain de poids).

Au déjeuner, on photographie notre assiette de fruits. L’application reconnaît bien les rondelles de banane et les quartiers d’orange. Par contre, elle confond les tranches de poire avec des tranches de pomme, ce qui se comprend. Prochaine photo : deux tartines de beurre d’arachides, que l’application ne reconnaît pas. Il faut entrer manuellement l’information et estimer les quantités. Ce sera pire au repas du midi, alors qu’on mange une salade composée avec du poulet rôti. Foodvisor détecte qu’on mange… du chou rouge. On peut assez rapidement ajouter ou enlever les ingrédients et ajuster les quantités.

« Reconnaître les plats mélangés, c’est plus compliqué pour nous », reconnaît Aurore Tran, directrice du marketing de Foodvisor. Il vaut mieux séparer les aliments et les servir sur une assiette, blanche de préférence, même si l’appli reconnaît une pomme simplement posée sur un bureau – on a fait le test. Il est aussi possible de scanner le code-barres des produits pour en obtenir la valeur nutritive.

Frites et bière

La jeune pousse Foodvisor a été fondée par trois jeunes ingénieurs français intéressés aux algorithmes de reconnaissance par photo, vite rejoints par Aurore Tran. « Quand on a commencé, au début de 2016, on reconnaissait cinq aliments, dont les frites et la bière, dit en rigolant Aurore Tran. C’était ce qu’on avait l’habitude de consommer. »

« En trois ans, on a de plus en plus d’images, de plus en plus de data, et donc on reconnaît mieux les aliments, avec une meilleure précision. »

— Aurore Tran, directrice du marketing de Foodvisor

Très populaire, l’application MyFitnessPal, qui permet aussi de tenir un journal alimentaire, dit par comparaison avoir une base de données comptant 300 millions d’aliments différents (qui ne sont toutefois par reconnus par photo).

Laurence Brouard-Trudel, fondatrice de Lau à la bouffe, titulaire d’un baccalauréat en sciences de la nutrition de l’Université d’Ottawa et diplômée de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, a examiné Foodvisor à la demande de La Presse. On lui a soumis le bilan dressé après une journée d’utilisation. Selon ses calculs approximatifs, l’appli a légèrement sous-estimé la quantité de glucides, de protéines, de lipides – et donc de calories – consommés.

« Est-ce que je recommande cette application pour un usage quotidien ? Non, dit Laurence Brouard-Trudel. Elle peut cependant être bien utile pour établir ses objectifs (perte de poids, gain de masse ou maintien) et se donner une base solide pour bien débuter son cheminement personnel en termes d’alimentation et de saines habitudes de vie. »

« Pour les personnes qui ignorent la valeur nutritive des plats et qui aimeraient mieux connaître leur consommation alimentaire, les applications peuvent être utiles, mais de façon temporaire et dans un but éducatif. »

— Karine Gravel, nutritionniste et docteure en nutrition

« Ce n’est malheureusement pas toujours le cas », estime Mme Gravel.

Application ou obsession ?

Voir en photos tout ce qu’on boit et mange en 24 heures aide à prendre conscience de tout ce qu’on avale. À moyen ou long terme, il vaut toutefois mieux se connecter à… soi. « Nos sensations de faim et de rassasiement de même que nos préférences alimentaires sont nos meilleurs outils pour nous renseigner sur le moment idéal pour manger, la quantité juste et le choix des aliments correspondant aux besoins de notre corps », observe Karine Gravel. Sinon, il est facile de grignoter juste parce que Foodvisor nous dit qu’on a encore des calories au compteur (fait vécu).

Avis aux intéressés : bien que l’appli soit déjà disponible, Foodvisor sera lancée officiellement au Canada à la fin de 2019. « C’est normal et même souhaitable d’avoir des préoccupations saines à l’égard de son alimentation, reconnaît Karine Gravel. On veut manger sainement, avoir un poids corporel confortable et être en bonne santé. Toutefois, ces préoccupations peuvent facilement devenir malsaines. Quand la valeur nutritive des aliments occupe nos pensées de façon excessive et que l’on doit constamment photographier sa nourriture avant de manger, c’est mauvais signe. »

Trois autres applis

Fooducate

Fooducate est une appli américaine qui permet de scanner le code-barres d’un produit au supermarché pour savoir s’il est bon pour notre santé. Une cote (A, B, C ou D) est donnée, et un choix de meilleurs aliments est proposé. On a fait le test avec des craquelins Bons grains de Dare, qui ont eu la note B. Fooducate suggère de plutôt acheter des craquelins Triscuit ou Mary’s. Gros hic : plusieurs produits offerts au Québec ne sont pas répertoriés. En anglais seulement.

Yuka

L’appli française Yuka permet aussi d’évaluer ses achats en scannant le code-barres des produits. Trois critères sont pris en compte : la valeur nutritive, la présence d’additifs et le fait que ce soit biologique ou pas. Malheureusement, Yuka n’est pas encore disponible au Québec. « Le développement au Canada est prévu pour l’été 2019 », indique Ophélia Bierschwale, responsable des relations de presse de Yuka.

ProfilAN

Développée par les Diététistes du Canada, ProfilAN permet de suivre nos habitudes alimentaires et notre activité physique. On y trouve un journal alimentaire, qu’on remplit en ajoutant manuellement tout ce que l’on consomme. Les données sont tirées du Fichier canadien sur les éléments nutritifs de Santé Canada. Attention : la traduction en français ne fonctionne pas toujours et ProfilAN se base sur l'ancienne version du Guide alimentaire canadien.

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