Blocus ferroviaire

« La situation est critique »

Des mises à pied temporaires pourraient survenir dès vendredi si le blocus ferroviaire en appui aux chefs héréditaires de la communauté wet’suwet’en, dans le nord de la Colombie-Britannique, se poursuit. C’est l’avertissement lancé par 21 chefs de grandes entreprises manufacturières canadiennes, dont 10 au Québec, au premier ministre Justin Trudeau, sommé « d’assumer son leadership ». Pendant ce temps, les tensions politiques s’intensifient au parlement d’Ottawa et à Kanesatake, où l’autorité du grand chef Serge Otsi Simon est contestée.

Blocus ferroviaire

Une vingtaine d'entreprises interpellent Ottawa

Des mises à pied pourraient être annoncées dès vendredi

Fait plutôt rare, les chefs de 21 grandes entreprises manufacturières canadiennes, dont 10 au Québec, sont sortis mardi sur la place publique pour prévenir Ottawa : si le service ferroviaire n’est pas rétabli d’ici vendredi, des mises à pied pourraient survenir.

« Jusqu’à présent, aucune de ces entreprises n’était prête à s’afficher pour parler de l’impact que ça avait sur ses affaires », dit Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), qui a organisé cette sortie avec son pendant canadien. « Plusieurs de ces entreprises sont cotées en Bourse et vendent aux États-Unis, elles ne veulent pas alerter les marchés ou leurs clients. Si elles ont choisi d’aller sur la place publique, c’est que la situation est critique. »

MEQ estime que chaque jour au Québec, ce sont 120 millions de dollars en marchandises qui sont bloquées, 425 millions à l’échelle du Canada. Le « point de bascule », estime Mme Proulx, sera atteint vendredi, jour 16 de la crise. 

« Plusieurs me disent : “Si ce n’est pas réglé d’ici vendredi, c’est clair qu’on va ralentir les lignes de production ou en fermer, et ça pourrait mener à des mises à pied temporaires.” »

— Véronique Proulx, PDG de MEQ

Depuis près de deux semaines, le réseau ferroviaire canadien est perturbé par une série de manifestations en appui aux chefs héréditaires de la communauté wet’suwet’en, dans le nord de la Colombie-Britannique, opposés au passage du gazoduc Coastal GasLink sur ce qu’ils considèrent comme leur territoire ancestral. 

Les contestataires ont bloqué des portions cruciales du réseau ferroviaire, notamment près de Belleville, en Ontario, point de passage obligé du transport de marchandises entre l’ouest et l’est du pays. À travers le pays, une demi-douzaine de blocus, certains temporaires, continuaient d’empêcher le passage de trains mardi en fin de journée.

Le Canadien National (CN) a confirmé la mise à pied temporaire d’environ 450 travailleurs dans ses activités dans l’est du pays après avoir annulé plus de 500 trains dans la dernière semaine en raison du blocage de voies ferrées par des manifestants.

Les mises à pied touchent du personnel opérationnel, incluant des employés travaillant à l’Autoport à Montréal, Lévis, Moncton et Eastern Passage, près de Halifax.

L’entreprise montréalaise a parlé d’une situation « regrettable », soulignant que l’impact des manifestations sur l’économie et sur ses employés échappe au contrôle du CN. 

VIA Rail a pour sa part annoncé la reprise des trains de passagers pour jeudi dans le corridor Montréal-Québec-Ottawa. 

Leadership réclamé

Tandis que le premier ministre Justin Trudeau a réitéré hier dans un discours officiel en Chambre sa volonté de « travailler jour et nuit » pour trouver une solution pacifique à la crise, l’opposition aux Communes a dénoncé une réponse considérée « faible », le chef conservateur par intérim, Andrew Scheer, taxant le discours de « salade de mots ».

Parmi les entreprises qui ont choisi d’aller sur la place publique, on retrouve notamment Les Aliments Maple Leaf, J.D. Irving et les québécoises Groupe Novatech et Tremcar.

Toutes, résume Mme Proulx, demandent au gouvernement Trudeau de « prendre ses responsabilités et d’assumer son leadership ». « Les entreprises ne se sentent pas écoutées, dénonce-t-elle. Il faut une solution, ça ne peut pas perdurer, on ne peut pas arrêter tout le commerce. »

À la Fédération des chambres de commerce du Québec, on commence également à taper du pied. « On se demande ce que ça prendrait pour que ça se règle, dit Charles Milliard, PDG. Il y a des problèmes d’approvisionnement en matières premières, et des entreprises qui n’ont pas cette habitude prennent le micro. On commence à manquer de mots pour expliquer poliment la situation… »

Confusion au port

Plus tôt en journée, mardi, le premier ministre du Québec, François Legault, avait affirmé qu’au « cours des prochains jours, on ne pourra plus recevoir de bateaux au port de Montréal ».

Questionné à savoir s’il avait une « date limite » pour que la crise se règle, il a dit qu’elle se situait dans « les prochains jours », ajoutant que « les gens [lui] disent qu’à partir de demain, ça va devenir très, très difficile ».

« Si on n’est plus capables d’accueillir des bateaux au port de Montréal parce qu’on ne sait plus où mettre les conteneurs, on va avoir un sérieux problème avec les bateaux. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Quelques heures après cette sortie, le Port de Montréal s’est montré rassurant et affirmé que « la situation [sur son site] est gérable » pour le moment, malgré le blocus ferroviaire qui perturbe les activités économiques au pays.

« C’est certain que la situation devient de plus en plus complexe plus les jours avancent au niveau logistique, […] [mais] on ne voit pas de situation qui nous obligerait à empêcher les bateaux d’arriver ou de repartir à ce stade-ci », a affirmé Mélanie Nadeau, directrice des communications du Port.

« Cela dit, une partie du service ferroviaire au port de Montréal est effectivement impactée depuis maintenant une semaine », a-t-elle ajouté.

Ruptures de stock

Les Québécois pourraient voir l’impact du blocus ferroviaire sur les tablettes des supermarchés et des pharmacies si la situation persiste encore quelques jours, selon la section locale du Conseil canadien du commerce de détail.

« Déjà, dans l’est du pays, on commence à avoir des ruptures de stock. Des soupes, du ketchup. Les produits frais vont commencer à être problématiques dans certains cas », a indiqué Marc Fortin, président de l’organisation. Il croit que ces problèmes d’approvisionnement vont se déplacer vers le Québec si le blocus se poursuit.

En plus des produits alimentaires, les produits pharmaceutiques en provenance d’Asie – souvent déchargés au port de Vancouver avant de prendre le train vers l’Est – pourraient bientôt manquer.

« Encore quatre ou cinq jours et on va commencer à parler d’une situation critique, a-t-il ajouté. Il faut régler la problématique. »

Les meuniers n’en dorment plus

Les fabricants de farine, qui sont directement dépendants du blé de l’Ouest canadien, sont parmi les premiers producteurs alimentaires à avoir subi l’impact du blocus. Certains d’entre eux n’auront bientôt plus rien à moudre.

« Au moment où l’on se parle, j’ai 1600 tonnes de grains pognées au Manitoba, qui ne bouge pas. Je suis à la veille d’arrêter mon moulin », a affirmé Steve Castegan, vice-président exécutif et directeur général à La Meunerie Milanaise. 

« Dans moins d’une semaine, je vais arrêter de produire. Il faut que ça bouge. C’est majeur pour nous. »

— Steve Castegan

Même portrait pour les Aliments Breton, qui exploitent des moulins un peu partout au Québec. « Il y a de l’approvisionnement qui ne se fait pas actuellement. On cherche des alternatives », a expliqué la porte-parole Julie Lamontagne.

« Le service ferroviaire a une importance critique pour nos opérations nous espérons que la situation se résoudra rapidement », a de son côté indiqué Jackie Anderson, en charge des communications pour ADM, l’entreprise américaine qui exploite l’immense minoterie située sous l’enseigne « Farine Five Roses » au centre-ville de Montréal.

Sylvie Cloutier, présidente du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ), explique : « On ne produit pas au Québec de blé en quantité suffisante pour approvisionner les boulangeries et les pâtisseries, et tous ceux qui requièrent du blé. C’est beaucoup de monde. »

En plus du grain, beaucoup d’entreprises n’ayant pas accès au réseau de distribution de gaz naturel craignent de manquer de propane, souvent nécessaire pour la transformation, a dit Mme Cloutier.

« Il pourrait y avoir des ruptures de stock assez rapidement pour des produits de base, a-t-elle ajouté. Si on n’a plus de farine, c’est certain qu’il va y avoir des produits qui vont manquer. »

Camionneurs sollicités

L’Association du camionnage du Québec, quant à elle, est sur un pied d’alerte. Depuis vendredi, le lien d’urgence entre le ministère des Transports et l’association a été réactivé. Ce lien existe en cas de blocus de route et de grève.

« On a été en vigile tout le week-end, soutient Marc Cadieux, président-directeur général de l’Association du camionnage du Québec, et mardi après-midi, on nous a demandé de faire une ronde pour savoir quels seraient les transporteurs disponibles pour prendre des volumes supplémentaires. Pour l’instant, on cible le transport de gaz propane qui pourrait redevenir un produit nécessaire. Ce ne sont pas des besoins qui pour l’instant ont été demandés en urgence, mais on se prépare si l’urgence arrive », tient-il à nuancer.

Les transporteurs ont confirmé avoir déjà reçu des appels de leurs clients, qui utilisent à la fois le train et les camions pour transporter leur marchandise, pour savoir s’ils pouvaient transporter plus de volume pendant la période de turbulences. Il s’agit, entre autres, d’aliments et de matériaux de construction.

— Avec la collaboration d'Hugo Pilon-Larose et d'Isabelle Dubé, La Presse et de La Presse canadienne

Blocus ferroviaire

La tension monte à Ottawa

Justin Trudeau a convié tous les leaders de l’opposition à une rencontre sur la crise... à l’exception d’Andrew Scheer

Ottawa — Le débat sur le blocus ferroviaire a viré à la foire d’empoigne à Ottawa, mardi, Justin Trudeau allant jusqu’à déclarer Andrew Scheer persona non grata d’une réunion entre leaders qu’il avait convoquée pour discuter de moyens de dénouer l’impasse.

Alors que le mouvement d’appui à la communauté wet’suwet’en montre peu de signes d’essoufflement au pays, le premier ministre avait choisi de lancer les travaux en livrant une allocution officielle à la Chambre des communes.

Pas d’annonce concrète, mais encore une fois, le vœu d’une résolution pacifique et d’un dialogue « honnête avec des partenaires disposés » à en établir un – et l’engagement de son gouvernement à « travailler jour et nuit » pour éviter que les choses « s’aggravent ».

Réitérant sa volonté de préserver l’état de droit, Justin Trudeau a qualifié la situation de « moment charnière pour notre pays et notre avenir ». Aux autochtones, il a signalé qu’il savait bien que « trop souvent, leur confiance a été trahie » par la Couronne.

Il a déploré que certains veuillent que le gouvernement « agisse dans la précipitation » et pensent que « l’usage de la force est utile ». C’est alors que le chahut en provenance des banquettes conservatrices s’est intensifié.

Une fois son tour de parole venu, le leader conservateur par intérim Andrew Scheer a descendu en flammes la « salade de mots » qu’il venait d’entendre. « C’était la réponse la plus faible de l’histoire du Canada à une crise nationale », a-t-il persiflé.

Il a ajouté que ces « activistes radicaux » ayant « le luxe de ne pas se présenter au travail chaque jour », et dont plusieurs ont « peu ou pas de liens » avec les Premières Nations, « ne cesseront pas tant que notre secteur pétrolier et gazier ne sera pas stoppé ».

Ses troupes l’ont bruyamment applaudi lorsqu’il a martelé qu’il était derrière la « vaste majorité des membres de la communauté wet’suwet’en qui appuient le projet de Coastal GasLink » et la « majorité des chefs héréditaires » qui approuvent aussi le gazoduc.

« RIEN À DIRE »

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, avait également des récriminations à formuler à l’endroit de Justin Trudeau. « Tu ne convoques pas le Parlement pour faire une adresse ministérielle si t’as rien à dire », a-t-il raillé.

Surtout que « les pistes de solution ne sont pas beaucoup plus claires » à la lumière de ce discours, a-t-il regretté, suggérant que la solution pourrait passer par une suspension temporaire des travaux du gazoduc de Coastal GasLink.

Il n’a pas non plus épargné Andrew Scheer et ses propos « franchement provocateurs ». 

« Vous ne verrez jamais quelqu’un du Bloc québécois se placer au centre des Premières Nations et dire “parmi vous, il y a les bandits, et il y a les gentils”. »

— Yves François-Blanchet, chef du Bloc québécois

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh est pour sa part allé plus loin. « C’était un discours divisif et répréhensible, qui était en fait raciste », a-t-il offert à sa sortie d’une réunion de concertation à laquelle l’avait convié Justin Trudeau.

Réunion à laquelle tous les chefs avaient été invités… sauf Andrew Scheer.

Pourquoi ? « Il s’est disqualifié de toute conversation constructive sur comment on va pouvoir résoudre de façon paisible cette situation », a justifié le premier ministre avant de s’engouffrer en Chambre pour une période des questions qui s’est avérée houleuse.

Le chef intérimaire des conservateurs y a vu une manœuvre de diversion. « Je suis triste pour [les trois autres chefs] parce qu’ils ont été utilisés par le premier ministre. C’était un exercice de communication après un discours faible, désastreux », a lancé M. Scheer.

ET MAINTENANT, ON FAIT QUOI ?

À en croire certains des ministres qui sont impliqués dans le dossier, au premier chef la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, il faut continuer à faire preuve de patience.

« Ils [les chefs hériditaires wet'suwet'en] ont proposé une rencontre à la fin du mois, a-t-elle dit en point de presse. Ce que nous disons maintenant, c’est que nous aimerions une rencontre le plus rapidement possible, et nous attendons leur invitation. »

Les discussions évoluent « d’heure en heure », a renchéri le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, qui a rencontré samedi dernier des Mohawks de Tyendinaga, en Ontario. 

« C’est un exercice de confiance. Ils sont très méfiants. »

— Le ministre Marc Miller

De son côté, le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, a concédé que la crise avait de « réels impacts » sur l’économie. « Il est impossible de le quantifier précisément, car la situation est fluide, mais nous surveillons cela étroitement », a-t-il assuré au micro.

L’ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a conseillé à Justin Trudeau de « prendre un avion » et mettre le cap sur le territoire wet’suwet’en – une option qui n’est pas sur la table, a indiqué à La Presse le bureau du premier ministre, mardi.

Les chefs héréditaires de la Première Nation de Wet’suwet’en sont opposés au projet, mais les conseils de bande, élus, se sont entendus avec le promoteur de Coastal GasLink, LNG Canada.

QUÉBEC AUSSI S’IMPATIENTE

Pendant ce temps, du côté de Québec, on montrait aussi des signes d’impatience.

La « situation ne fait que s’empirer », et il faut « vraiment une action dans les prochaines heures, les prochains jours », a indiqué le premier ministre François Legault en point de presse, se montrant insatisfait de la prise de parole de Justin Trudeau aux Communes.

Si rien ne bouge, « il y a des magasins qui ne seront plus capables de fournir toutes les denrées nécessaires », a-t-il prédit, se montrant ouvert à offrir une compensation aux entreprises qui paient le prix de la crise actuelle.

« On pourra faire une analyse après le conflit, [analyser les] dommages et qu’est-ce qui sera compensé, mais actuellement […] on est en train de perdre le contrôle. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, s’est dit « excédé » par l’absence de leadership du gouvernement Trudeau. « Personne ne bouge, tout le monde a peur et pendant ce temps-là, il y a des victimes dans notre économie », a-t-il dénoncé.

« Certainement que les autochtones ont des droits, mais certainement pas celui de bloquer des voies ferrées. […] Est-ce que si ce n’était pas des autochtones, les gens pourraient rester là aussi longtemps ? Bien sûr que non », a-t-il enchaîné.

PAS D’INTERVENTION POLICIÈRE

L’enjeu du blocus ferroviaire dure depuis que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a appliqué une injonction contre des opposants au gazoduc Coastal GasLink, dans le nord de la Colombie-Britannique.

L’opposition conservatrice a de nouveau réclamé au ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, d’ordonner l’intervention de la police fédérale, mais ce dernier a réitéré mardi que ce n’était pas dans les cartons.

« Le concept de l’indépendance policière requiert que les agents de police soient libres de toute directive politique dans l’exercice de leurs fonctions », a-t-il répondu à l’élu qui le questionnait mardi en Chambre, le conservateur Pierre Paul-Hus.

Une source gouvernementale indique qu’Ottawa n’a pas le pouvoir de donner une telle directive, puisque « la police locale n’est pas sous juridiction fédérale », ce qui inclut les cas où la GRC agit comme force locale sous contrat, comme en Colombie-Britannique.

APPEL AU CALME

En matinée, des chefs autochtones avaient convergé à Ottawa pour lancer un appel au calme en conférence de presse. « Ce que nous voulons, c’est un apaisement des tensions et un dialogue », a plaidé Perry Bellegarde, chef de l’Assemblée des Premières Nations.

À ses côtés, le grand chef du conseil de Kanesatake, Serge Otsi Simon, a proposé une levée des barricades – une sortie qui a provoqué un mécontentement au sein de la communauté (voir autre onglet).

Ce geste de « bonne foi » n’en serait pas un d’abdication, a-t-il fait valoir. « Je suggère que peut-être le temps est venu de les lever parce qu’il y a des impacts économiques qui s’en viennent », a-t-il exposé.

Un débat d’urgence s’est d’ailleurs tenu mardi soir à la Chambre des communes au sujet des relations du Canada avec les peuples autochtones, à la requête du néo-démocrate Peter Julian et du bloquiste Alain Therrien.

— Avec Fanny Lévesque et Hugo Pilon-Larose, La Presse

Blocus ferroviaire

Des Mohawks de Kanesatake défient leur grand chef

Serge Otsi Simon a appelé à la levée du blocus ferroviaire qui paralyse le pays

Kanesatake — Une dizaine de membres de la communauté mohawk de Kanesatake manifestaient devant les bureaux du conseil de bande, mardi après-midi, en réaction aux propos du grand chef Serge Otsi Simon sur la levée du blocus ferroviaire.

L’ambiance était tendue devant les bureaux du conseil de bande. Les portes de l’édifice étaient entourées d’une chaîne et d’un gros cadenas.

Des affiches aux messages évocateurs directement adressés au grand chef Serge Otsi Simon étaient déposées à l’entrée. « Vous n’êtes pas la voix de Kanesatake, vous êtes une honte », pouvait-on lire sur l’un des cartons.

« Il [Serge Otsi Simon] n’a aucun leadership, fait preuve de lâcheté et ne nous représente pas », résume l’un des 10 manifestants présents. L’homme, qui a préféré garder l’anonymat, s’est insurgé contre la façon dont la police et le gouvernement traitent la communauté wet’suwet’en du nord de la Colombie-Britannique. Il s’exprimait ouvertement sur le manque de communication entre Serge Otsi Simon et la population de Kanesatake, remettant en question l’autorité du grand chef. Ces tensions étaient déjà bel et bien présentes avant la crise ferroviaire qui secoue le pays depuis presque deux semaines, affirme-t-il.

Pour une levée du blocus

Plus tôt dans la matinée lors d’un point de presse à Ottawa, le grand chef Simon a appelé à la levée du blocus ferroviaire qui paralyse tout le pays, mené en soutien aux Wet’suwet’en qui s’opposent au projet d’oléoduc Coastal GasLink.

« Ça ne voudrait pas dire que vous baissez les bras. On arrête le blocage et on maintient le dialogue. »

— Serge Otsi Simon, grand chef de Kanesatake

Les impacts économiques sont grands, et il y aurait d’autres façons de se montrer solidaire envers la Première Nation de Wet’suwet’en, juge le grand chef de Kanesatake. « Notre appui aux chefs héréditaires n’est pas diminué », a-t-il ajouté.

« Il parle sans consulter la population, son avis ne nous représente pas », explique calmement Jacob Cree, installé près d’un feu de camp. « Une grande partie des gens de sa communauté considèrent que le blocus a attiré l’attention des médias sur l’enjeu du gazoduc. Nous comprenons que ces actions pacifiques dérangent et ça ne fait plaisir à personne de manifester, mais ces actions restent nécessaires pour se faire entendre. »

Le grand chef Simon a préféré ne pas donner d’entrevue afin de « tenter de calmer la situation, vu les tensions avec un certain groupe de la communauté », a déclaré son attaché de presse Ian Préfontaine en fin d’après-midi.

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