Chronique

Discipline, distance, détermination

Il faut que je vous avoue quelque chose : je cours. Je sais, nous sommes nombreux à courir à La Presse. Après quoi ? Je ne sais pas, mais nous courons. Sans doute parce que le jogging est à la mode, mais aussi parce que c’est un sport facile à pratiquer, beau temps, mauvais temps, à l’aube comme en fin de journée.

Je ne vous apprends rien en vous disant cela.

Mais mon amie Florence, qui dirige la section Pause, a eu l’idée d’une chronique sur le jogging. « Je trouve ça chouette d’avoir des chroniques dans Pause Oxygène, et je sais que tu fais beaucoup de course, m’a-t-elle dit. Aurais-tu une idée pour une chronique sur la course ? Parce que ça sent le printemps ! »

Comment lui dire non ?

J’ai alors demandé à Dorys Langlois, mon entraîneur, s’il voulait m’accompagner pour une petite sortie. C’est plus sympa de parler de course quand on court. Dorys m’a gentiment dit oui, en me précisant par courriel : « Ouais, je peux faire ça !… mais je ne jase pas beaucoup ! » Quiconque connaît Dorys sait en effet que c’est un homme de peu de mots !

Nous avions rendez-vous avant-hier, à 12 h 30, au centre-ville. Dehors, il tombait un petit crachin. Pas grave. Il ne faisait pas froid. Nous avons couru en jasant, rue Peel, jusque dans le Vieux-Montréal. Direction : tour de l’Horloge et retour. Ça nous a fait 8 km.

« Dorys, as-tu remarqué un engouement pour la course au printemps ?

 – C’est sûr, m’a-t-il répondu. Il y a beaucoup de gens qui vont courir la première belle journée, mais souvent, ils ne retournent plus du reste de l’été. »

C’est vrai, vous serez d’accord, l’important, c’est de trouver la motivation pour continuer. Pas juste une fois, mais deux, trois fois par semaine, à longueur d’année. Comment faire ? Dans mon cas, je dirais que la recette, c’est le groupe. Je cours en groupe avec Dorys deux fois par semaine, et avec des amies, le vendredi.

« Dorys, c’est quoi, ta recette ?

 – On fait de mini-étapes. On se rend jusque-là, on fait tel événement, on va à l’intérieur quelques semaines, puis on retourne à l’extérieur.

« La gang motive beaucoup, beaucoup. Le sentiment d’appartenance à un groupe, c’est très important. »

— Dorys Langlois, entraîneur de course

 – Tu as commencé à courir à quel âge ?

 – À 14 ans. J’étais trop petit pour jouer au hockey. J’étais pas bon, en plus. J’ai commencé à courir, pis je me trouvais meilleur que dans d’autres sports. J’ai jamais arrêté. Disons que là où j’étais, à Pohénégamook, il y avait quatre choix de sport. C’était soit hockey ou baseball, badminton ou athlétisme. Il n’y avait pas d’autres sports organisés.

 – Tu as rapidement performé ?

 – Surtout pas. C’est relatif, performer.

 – Tu faisais des courses, tu avais de bons temps, non ?

 – Absolument pas. Ça a pris du temps. Mon premier coach, pour lui, le chrono n’avait aucune importance. Tout ce qui était important, c’est que tu progresses.

 – Progresser, ça veut dire améliorer son chrono, non ?

 – C’est ça, mais par rapport à toi. Pas par rapport aux autres. Peu importe dans la course si tu finis 2e ou 50e, si tu fais mieux en général, d’une fois à l’autre ou d’une saison à l’autre, c’est ça qui est le plus important.

 – Je peux encore m’améliorer ?

 – Par rapport à certains facteurs, oui, tu peux encore t’améliorer. Il en reste moins, mais encore un petit peu… »

Au coin des rues Peel et René-Lévesque, on a failli se faire frapper par une automobiliste en traversant la rue au feu vert. Il n’y a pas que les coureurs qui deviennent fous au printemps, les conducteurs aussi !

« Toi, Dorys, tu es toujours resté motivé, tu n’as jamais connu une petite baisse ?

 – Non, parce que j’aime tellement le "après". J’aime pas toujours le "pendant", la plupart du temps, oui, mais j’aime toujours le "après". J’aime aussi courir pour visiter. Quand tu vas en vacances, c’est toujours agréable. La gang aussi me motive.

 – Qu’est-ce que tu conseillerais aux gens qui commencent à courir ?

 – D’y aller de façon progressive. Les gens décident du jour au lendemain de courir et vont vouloir faire du mieux qu’ils peuvent trop rapidement. Il faut être patient, avoir des objectifs réalistes, apprendre à se connaître, être content de son effort, pas juste de son chrono. Ça prend autre chose que le chrono. »

Trois mots résument son approche : discipline, distance, détermination.

Au bout d’une quinzaine de minutes, j’ai fermé le dictaphone de mon iPhone que je tenais à la main pour enregistrer notre conversation, et nous avons continué à bavarder de choses et d’autres. De course, bien sûr, mais aussi d’enfants, de chevaux (il a entraîné des chevaux de course pendant 10 ans) et de « bobos » qui surviennent souvent quand on court mal ou trop.

Bref, c’était super agréable. Merci, Dorys. 

Et merci, Florence, de m’avoir suggéré cette chronique sur le jogging. On recommence le printemps prochain. Peut-être même avant.

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