Centre Vidéotron

Une facture de 730 000 $ pour la Ville de Québec

Malgré la présence de plusieurs grands noms comme Metallica et Madonna et des records d’assistance aux matchs de hockey junior, les quatre premiers mois du Centre Vidéotron se sont soldés par un lourd déficit d’exploitation. Québecor a perdu au moins 1,4 million de dollars dans l’aventure, une facture qui sera assumée à 50 % par les contribuables de Québec.

Ces informations, révélées hier matin par le chef de l’opposition à l’hôtel de ville de Québec, dépassent de loin les prévisions faites par le maire Régis Labeaume. Celui-ci avait plutôt prédit une facture d’environ 600 000 $ par année pour la Ville, sans la présence d’une équipe de la Ligue nationale de hockey (LNH).

« Si 2016 est un reflet de ce qu’ont été les quatre derniers mois de 2015, où il y a eu quand même beaucoup d’événements, on parle d’un déficit potentiel de 2,2 millions sur un an », a dénoncé à La Presse le conseiller Paul Shoiry, chef du parti Démocratie Québec.

En vertu d’une entente conclue avec QMI Spectacles – une filiale de Québecor – pour la gestion de l’amphithéâtre, la Ville de Québec doit assumer la moitié des déficits d’exploitation, jusqu’à concurrence de 2,5 millions par année. La municipalité est propriétaire de l’immeuble, financé avec 370 millions en fonds publics.

« DES CHOSES À CACHER ? »

Comment expliquer les pertes subies depuis l’inauguration du 8 septembre 2015 ? Impossible de le savoir. L’administration Labeaume a signé une lettre d’entente avec Québecor en février dernier pour garder confidentiels les états financiers de l’amphithéâtre.

Des représentants de la Ville – dont la trésorière – se sont rendus dans les bureaux de QMI il y a quelques semaines pour en prendre connaissance. Ils ont été autorisés à prendre des « notes personnelles », mais aucun document officiel n’est conservé à l’hôtel de ville. Cela permet à Québec de se soustraire à la Loi sur l’accès aux documents publics.

« On doit se fier au trésorier de la Ville, mais ça aurait quand même été intéressant de savoir ce qui coûte cher, et ce qui fait en sorte qu’il y a un déficit d’opération. Ça nous fait juste dire : est-ce qu’il y a des choses à cacher là-dedans ? »

— Paul Shoiry, chef du parti Démocratie Québec

Michel Magnan, professeur de comptabilité financière à l’Université Concordia, trouve lui aussi « étonnant » le voile de secret qui entoure les activités du Centre Vidéotron.

« Qu’est-ce qui fait des pertes ? Est-ce que le niveau de dépenses est approprié ? Est-ce qu’il y a des charges qui sont imposées par la compagnie mère Québecor au Centre [Vidéotron] ? On n’en a aucune espèce d’idée. Il faut espérer que l’employé de la Ville qui va consulter les informations soit assez ferré en analyse financière », a fait valoir M. Magnan.

Sans présumer de quelque malversation que ce soit, l’expert de Concordia estime que cette façon de faire soulève plusieurs enjeux quant à « la reddition des comptes, la transparence et la bonne gouvernance ».

LABEAUME CONFIANT

Le comité exécutif et le conseil municipal de Québec ont approuvé hier soir le versement d’un chèque de 729 167 $ à QMI, pour couvrir la moitié des pertes d’exploitation encourues pendant les quatre premiers mois d’exercice de l’amphithéâtre.

La Ville avait prévu une rentrée d’argent de 1,3 million de dollars pour les premiers mois d’exploitation de l’amphithéâtre, mais elle a en fin de compte dû se contenter de 370 000 $. Cette somme a été tirée en majeure partie d’une redevance de 4 $ sur la vente des billets et de revenus de stationnement (36 000 $). QMI Spectacles n’a pas versé de loyer à Québec en raison de son déficit d’exploitation.

Régis Labeaume ne s’est pas du tout montré inquiet par le déficit des premiers mois. « On ne peut pas penser que dans les quatre premiers mois, une entreprise qui démarre va faire des surplus, a-t-il dit au conseil municipal, hier soir. Moi, je n’ai jamais vu ça. »

Le maire a rappelé que Québecor avait déjà versé 33 millions pour pouvoir afficher le logo de Vidéotron sur l’aréna, et il a répété que la Ville « n’est jamais à risque » dans le cadre de l’entente conclue avec l’entreprise.

Chez Québecor, le porte-parole Martin Tremblay a lui aussi tenu à défendre le bilan du groupe à ce jour. Il estime qu’il est « normal et attendu » qu’une entreprise prenne quelques années avant de rentabiliser un nouveau projet.

« Il était clair que la première année d’exploitation du Centre Vidéotron allait nécessiter des coûts de démarrage non récurrents, a-t-il indiqué. Il était également prévisible que l’exploitation d’un tel amphithéâtre requière des ajustements lors des premiers mois afin d’optimiser les activités. »

Quoi qu’il en soit, Québecor – et la Ville de Québec – devront vraisemblablement ajuster le modèle financier du Centre Vidéotron pour atteindre la rentabilité sans une équipe de hockey professionnel, du moins à court terme. À moins d’un revirement de situation important, les gouverneurs de la Ligue nationale de hockey annonceront demain qu’ils ont retenu une seule ville pour l’expansion, soit Las Vegas.

Avec Le Soleil

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L’ENTENTE AVEC QUÉBECOR

C’est en 2011 que la Ville de Québec a conclu une entente avec Québecor pour la gestion de l’amphithéâtre sur une période de 25 ans. En vertu de cet accord, l’entreprise a versé 33 millions de dollars pour afficher le logo de sa filiale Vidéotron sur l’immeuble, nommé du même coup Centre Vidéotron. Québecor donnera 30 millions supplémentaires si elle parvient à attirer une équipe de la Ligue nationale de hockey. Le groupe s’engage aussi à verser 2,5 millions en loyer annuel (sans équipe), ainsi que 4 $ pour chaque billet vendu. De son côté, la Ville s’est engagée à assumer 50 % du déficit d’exploitation de l’amphithéâtre, jusqu’à concurrence de 2,5 millions par année.

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Forte popularité

Le Centre Vidéotron attire les foules depuis son inauguration le 8 septembre dernier. Pendant la dernière conférence téléphonique de Québecor, le président du groupe, Pierre Dion, a confirmé que l’amphithéâtre avait fracassé un record d’assistance de la Ligue de hockey junior majeur. En mars dernier, on dénombrait déjà 800 000 visiteurs pour les événements sportifs et autres concerts. Les revenus de billetterie ne sont toutefois pas au rendez-vous pour la Ville de Québec, qui touche 4 $ par billet vendu. Sa redevance s’est élevée à 334 000 $ pendant les quatre premiers mois d’activité, alors qu’elle s’attendait plutôt à 600 000 $, indique Le Soleil. Des artistes de fort calibre sont attendus au cours des prochains mois, dont Céline Dion et Simple Plan.

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