Opinion Jeu vidéo

Au-delà de la programmation, le génie créatif

La récente sortie du PDG d’Industrielle Alliance, Yvon Charest, témoigne que la portée de l’industrie du jeu vidéo et de la créativité interactive numérique demeure méconnue. Nous ressentons le besoin de rétablir certains faits.

Rappelons d’abord que la stratégie fiscale du Québec dans le domaine du jeu vidéo nous a permis de nous hisser parmi les chefs de file mondiaux en nombre de studios et d’emplois dans ce secteur. Un véritable miracle québécois. Au-delà des mesures de soutien, les entreprises qui ont fait le pari du Québec y ont trouvé une main-d’œuvre non seulement qualifiée, mais aussi, et surtout, créative.

Notons aussi que des 120 studios membres de l’Alliance numérique, une douzaine sont effectivement des filiales étrangères, ce qui traduit un large bassin d’entreprises québécoises qui bien qu’agissant à plus petite échelle, tirent fièrement leur épingle du jeu dans un marché mondial hautement compétitif.

Nos entreprises doivent leur succès à leur génie créatif ; à leur habileté à produire des univers captivants à l’aide de scénarios vraiment divertissants et de personnages plus vrais que nature.

Ainsi, l’ensemble de l’écosystème du jeu vidéo au Québec a accès et a recours aux crédits d’impôt au multimédia pour les accompagner dans la création de leurs produits multimédias.

En plus des studios étrangers, des entreprises québécoises, telles que Behaviour, Compulsion Games, Illogika, Budge, Squeeze et Frima, misent sur ce talent et sont devenues de grands employeurs qui se démarquent mondialement. Pour s’assurer de recruter les meilleurs talents en fonction de leur portfolio de projets, elles recrutent ici, mais aussi à l’étranger.

Plus récemment, une nouvelle génération de studios indépendants, comme Hyroglyphik Games, Scavengers, Borelays et Reflector, a émergé et a rapidement connu du succès. Ils sont plusieurs à remporter régulièrement des prix partout dans le monde pour cette créativité tellement exceptionnelle.

Les filiales étrangères

Une économie saine et agile en 2017 implique nécessairement la mondialisation des marchés. Notre écosystème connaît tout ce succès parce que des filiales étrangères sont actives chez nous. Si elles sont d’importants employeurs, elles sont aussi des partenaires d’affaires de choix pour tout le milieu des affaires québécois. Elles permettent à nos entrepreneurs de se constituer un portfolio et un carnet d’adresses franchement compétitif.

L’empreinte des filiales étrangères agit donc positivement dans notre valeur commerciale et pour notre image de marque régionale. Quant à la proposition de fermer l’admissibilité des mesures fiscales aux filiales étrangères, nous sommes d’avis qu’une telle pratique serait non seulement contre-productive, mais également illégale selon les règles de saine gouvernance internationale dictées par l’OMC.

Pas juste des programmeurs

Nous aimerions aussi situer combien l’abolition des crédits d’impôt ne réglerait en rien les besoins criants en main-d’œuvre en TI dans l’ensemble de l’économie québécoise. Cette réflexion ne tient simplement pas la route. La production d’un jeu vidéo demande beaucoup plus que l’apport de programmeurs, d’ingénieurs informatiques et des autres spécialistes en TI. En effet, les studios doivent recourir à l’apport du directeur artistique, du designer, du réalisateur, du scénariste, du producteur, de l’artiste conceptuel, de l’environnement ou des personnages et autres métiers artistiques.

L’industrie du jeu vidéo emploie un large spectre de spécialistes, chacun y allant de son expertise pour contribuer au succès du produit final.

En fait, la communauté des professionnels des industries de la créativité numérique est en grande partie des créatifs et même des artistes. Un ingénieur qui travaille dans l’industrie du jeu vidéo et qui a un intérêt marqué pour la création, qu’elle soit visuelle, interactive ou pour la scénarisation, ne trouverait peut-être pas facilement son bonheur dans le secteur manufacturier, aussi innovant soit-il.

Les studios créent également des emplois spécifiques, comme des spécialistes de la capture de mouvement et des designers de jeu, pour lesquels de nouveaux codes d’emploi ont dû être créés. En d’autres mots, notre secteur est un moteur de création d’emplois qui va bien au-delà des TI et qui permet à des jeunes issus d’autres parcours scolaires de travailler sur des projets hautement innovateurs et d’envergure mondiale.

Le défi de l’éducation

Le Québec doit composer avec une économie vigoureuse et des finances publiques saines ; une situation enviable lorsque l’on se compare. Nous croyons toutefois que notre plus grande vulnérabilité se situe dans l’éducation de nos jeunes.

Nous devons donc poursuivre nos efforts afin d’encourager la persévérance scolaire et augmenter le taux de diplomation, ne serait-ce que pour rattraper les autres provinces canadiennes.

En ce sens, l’accent mis sur la réussite scolaire par le gouvernement constitue une mesure beaucoup plus structurante en vue d’accroître le bassin de travailleurs qualifiés de manière durable que de miser sur le transfert d’employés d’une industrie à une autre.

Les jeunes doivent savoir que de bons emplois sont disponibles grâce à une formation de qualité. Nos studios sont déjà actifs à cet égard notamment par des offres de stage, de formation, des partenariats avec les universités et des organismes, comme Fusion jeunesse, qui luttent contre le décrochage scolaire. À titre d’exemple, le programme CODEX d’Ubisoft, financé à hauteur de 8 millions sur cinq ans, permet le développement de la relève au Québec. L’Alliance numérique a également créé un comité qui se concentre sur la promotion des carrières technologiques auprès des femmes.

Nous ne présumons pas que tous ces étudiants se retrouveront un jour au sein d’un studio et nous ne jugeons pas de leur motivation qui les pousse vers d’autres secteurs d’activité, comme la finance, les assurances ou l’agroalimentaire. Nous croyons cependant qu’une plus grande proportion de jeunes qualifiés et diplômés en technologie est un plus pour le Québec.

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