Innovation

La fin du déneigement et des nids-de-poule ?

Déneiger les routes sera-t-il bientôt chose du passé ? Un chercheur américain a mis au point un nouveau type de béton qui permet de faire disparaître la neige dès qu’elle touche la chaussée, même durant les pires tempêtes. Son invention pourrait contribuer à réduire la prolifération des nids-de-poule.

Recevant moins de 70 centimètres de neige en moyenne par hiver, la ville d’Omaha, au Nebraska, ne semble pas le meilleur endroit du monde pour mener des recherches de pointe sur le déneigement. C’est pourtant là que le professeur Chris Tuan a mis au point un « béton chauffant » qui fait fondre la neige tombant au sol.

En entrevue avec La Presse, le chercheur explique s’être intéressé au sujet à la demande du département américain de la Défense, qui cherchait comment déglacer efficacement les pistes d’atterrissage utilisées par ses gros transporteurs. Il existe bien des systèmes permettant de chauffer les trottoirs avec des conduites d’eau chaude – comme compte le faire Montréal dans la rue Sainte-Catherine –, mais le coût d’un tel aménagement serait trop élevé pour de grandes surfaces comme un tarmac.

« Tout est une question de prix. Si on utilise des tuyaux, ça coûte cher à installer, puis il y a des frais de fonctionnement et d’entretien. »

— Chris Tuan, chercheur américain

Il a ainsi eu l’idée de miser sur l’électricité pour chauffer la surface des pistes. Pour y arriver, il a développé un béton conducteur. Comme le béton « traditionnel », son mélange est principalement fait de ciment, de sable et d’eau. La recette de Chris Tuan intègre toutefois 20 % de morceaux d’acier et de poudre de charbon, deux éléments conducteurs. Des tiges d’acier sont disposées à l’intérieur de la dalle afin de l’alimenter en électricité.

TESTS CONCLUANTS

Le béton chauffant du professeur Tuan a déjà fait ses preuves sur une route de l’État du Nebraska, qui a revêtu en 2002 l’un de ses ponts de 52 dalles faites à base de son mélange. Chauffer ce pont pendant trois jours coûte en moyenne 250 $, soit beaucoup moins que s’il fallait le déneiger et y épandre du sel ou des produits chimiques.

Autre avantage, M. Tuan avance que la possibilité de maintenir le béton au-dessus du point de congélation permettrait de prévenir l’apparition des nids-de-poule, qui se forment sous l’action du gel et du dégel.

Avant de remiser les souffleuses au musée, le chercheur admet qu’il faudra réduire le coût de son béton. Le mélange recouvrant le pont du Nebraska a coûté près de 800 $ par mètre cube. Beaucoup trop cher alors que le béton se vend aux États-Unis environ 150 $ le mètre cube.

Déjà, les travaux du chercheur sur des matériaux de remplacement ont permis de réduire de moitié le coût du béton chauffant. Sa plus récente recette coûte 400 $ par mètre cube et s’avère tout aussi efficace. La Federal Aviation Administration, qui finance ses travaux, compte recouvrir une piste d’un aéroport d’Atlantic City, au New Jersey, pour tester son produit à plus grande échelle.

Même si son béton coûte encore cher, Chris Tuan pense qu’il pourrait être utilisé dès maintenant à certains endroits stratégiques où se produisent la majorité des accidents en raison de la glace, comme les intersections ou les sorties d’autoroutes.

Le professeur a d’ailleurs entrepris de commercialiser son béton, un produit qui risque d’intéresser fortement des villes nordiques comme Montréal. Le déneigement coûte plus de 150 millions chaque hiver à la métropole, sans compter la facture entraînée par le colmatage des nids-de-poule.

SÉCURITAIRE

Même si le béton produit de la chaleur et conduit l’électricité, il est tout à fait sécuritaire, assure Chris Tuan. Le béton ne peut chauffer à plus de 10 degrés Celsius, trop peu pour occasionner des brûlures. « Quand on touche la dalle, elle semble même froide parce qu’elle est conçue pour demeurer juste au-dessus du point de congélation », explique-t-il.

Et bien branchées, les dalles chauffantes ne présentent aucun risque d’électrocution, assure Chris Tuan, qui a testé plusieurs fois son produit en y posant ses propres mains. « Mais c’est sûr que ce n’est pas le genre de produit qu’on peut acheter à la quincaillerie et couler soi-même. Il faut certaines connaissances en génie électrique », dit-il.

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