ENJEUX AUTISME

Quand Casey devient chef de chorale

Ce jour-là, mon fils ne s’est pas seulement intégré à sa communauté : pour un moment, il en est devenu le leader

Devenir un membre apprécié de la communauté devrait être la norme pour tous les enfants, mais, trop souvent, ce n’est pas le cas pour les enfants autistes.

Les reportages dans les médias abondent en récits de parents qui luttent pour que leur enfant autiste soit intégré au sein de leur communauté. Les histoires d’exclusion du système d’écoles publiques, de restaurants, de magasins ou d’aéroports sont monnaie courante.

Autrement dit, les enfants autistes sont trop souvent victimes d’une exclusion systématique de leur communauté. Or cette exclusion a un coût, que tous doivent assumer.

Voici ce à quoi ressemble une réelle inclusion.

Au cours des années, nous avons reçu de nombreux appels de l’école de notre fils. Casey est atteint d’autisme, un trouble neurologique du développement souvent caractérisé par des comportements répétitifs et stricts, des troubles de la socialisation et un développement intellectuel inégal, parmi de nombreuses autres difficultés. Il n’a pas toujours été facile pour lui de participer aux activités courantes d’une école publique qui pratique l’intégration.

Recevoir un appel de l’école de Casey n’est par conséquent pas un événement inhabituel. Mais ce jour-là avait été une bonne journée.

L’enseignant m’a raconté que Casey s’était rendu à sa répétition de chorale hebdomadaire, mais que la chef de chœur était en retard ce jour-là. Normalement, elle commence la répétition par un échauffement. Elle chante une ligne et les enfants répètent en chantant eux aussi, à la manière d’une chanson à répondre.

La chef de chœur est finalement arrivée, mais alors qu’elle n’avait pas fini de se préparer, les enfants ont commencé à devenir agités. Spontanément, Casey s’est levé et a entonné la première ligne de l’échauffement que chante habituellement la chef de chœur : « Debout ». Il chantait tout doucement.

Tous les enfants se sont calmés, puis ils se sont levés et ont chanté en réponse « Debout ». Casey a ensuite chanté la deuxième ligne de l’échauffement : « Pieds écartés », et les enfants ont répondu, en chantant, « Pieds écartés ».

Casey a dirigé le chœur pendant tout l’échauffement comme si c’était le plus extraordinaire des événements.

Étonnée, la chef de chœur s’est placée en retrait pour observer ce petit moment de magie. Pendant un instant, Casey a fait partie intégrante de sa communauté. Il en était même le chef !

EFFETS DURABLES

Les données indiquent que le fait d’avoir des « interactions entre pairs » significatives avec des enfants au développement normal a chez les enfants autistes un effet bénéfique important sur le plan social et intellectuel, tout en ayant également des bienfaits pour les enfants qui interagissent avec eux.

Une méta-analyse de 45 études ayant examiné sur plusieurs années les effets des « interventions entre pairs » est arrivée à la conclusion que d’enseigner aux enfants dont le développement est normal comment être à la fois les mentors et les amis des enfants autistes constitue un moyen « très efficace » de favoriser la création d’interactions sociales positives et durables.

Les types d’interactions étudiés allaient du jumelage entre enfant neurotypique et enfant autiste (réseautage entre pairs) au mentorat entre pairs (des enfants enseignent à d’autres enfants), en passant par le jeu de groupe, où tous les enfants travaillent ensemble à l’atteinte d’un objectif commun.

Comme l’ont montré les auteurs de ces études, les résultats obtenus n’étaient pas que temporaires, mais présentaient plutôt un potentiel d’effets à long terme.

Ceux-ci étaient susceptibles de planter le germe d’une amélioration des compétences langagières, d’une meilleure adaptation aux autres contextes d’intégration et de relations plus positives et durables avec les pairs.

BÉNÉFIQUE POUR TOUS

Mais qu’en est-il des pairs qui ne sont pas atteints d’autisme ?

Un sondage mené à la suite d’une étude sur la participation d’enfants neurotypiques à la socialisation d’enfants autistes a révélé que 83 % des premiers ont affirmé avoir « grandement apprécié » l’expérience, tandis que 17 % ont indiqué l’avoir « appréciée ». Les enseignants ont également signalé les bienfaits de l’entraide entre les élèves et l’importance de promouvoir la tolérance et la compréhension.

Enseigner à tous les enfants comment interagir de manière significative les uns avec les autres constitue en d’autres mots une façon de créer une véritable conscience communautaire, et tous en bénéficient.

Lorsque Casey a pris les rênes de la chorale ce jour-là, il n’a pas seulement prouvé sa capacité de leadership, mais il a également démontré qu’il avait un sentiment d’appartenance à son groupe, tout comme les autres enfants.

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