Étude sur la disparition des insectes

Les écosystèmes risquent la « catastrophe »

Des signaux d’alarme avaient déjà été lancés, mais jamais avec une telle force. Une nouvelle étude montre que les populations d’insectes disparaissent de façon « alarmante » partout sur la planète, ce qui provoque le risque d’un « effondrement catastrophique » des écosystèmes de la Terre. Au banc des accusés : l’agriculture et les pesticides. Voici pourquoi il faut prendre cet avertissement au sérieux.

Comme 3 milliards d’humains rayés de la carte chaque année

Chaque année, la masse totale des insectes qui peuplent la Terre fond de 2,5 %. Ça peut paraître insignifiant quand on pense à quelques moustiques ou coccinelles en moins, mais c’est loin de l’être. Les insectes sont peut-être légers pris un à un, mais considérés dans leur ensemble, ils sont 17 fois plus lourds que tous les humains de la Terre. En poids, c’est donc comme si 3 milliards d’humains disparaissaient chaque année ; grosso modo l’équivalent de toute la population mondiale sauf celle du continent asiatique.

La « base » des écosystèmes

Pourquoi s’émouvoir pour des fourmis, des scarabées et des grillons ? Parce que ces bestioles, même si elles ne sont pas les plus charismatiques du règne animal, forment la base des écosystèmes. Du fourmilier à la taupe, des lézards aux grenouilles, des hérissons à la plupart des chauves-souris en passant par un grand nombre d’oiseaux et de poissons, de nombreux animaux se nourrissent d’insectes. Si ces derniers déclinent, eux déclineront aussi. L’effet domino se propagera jusqu’au sommet de la chaîne alimentaire. « Les répercussions que cela aura pour les écosystèmes de la planète sont, c’est le moins qu’on puisse dire, catastrophiques », écrivent les auteurs, qui évoquent des « famines » chez les vertébrés. Notons que les insectes jouent aussi un rôle crucial dans la pollinisation des plantes et le contrôle de nombreux parasites.

Des mots très forts

« Catastrophique », « alarmant », « horrible » : l’article scientifique, publié dans le journal Biological Conservation, utilise des mots très forts qu’on trouve rarement dans une publication révisée par les pairs. L’auteur principal de l’article, Francisco Sanchez-Bayo, de l’Université de Sydney, en Australie, affirme n’avoir reçu aucun commentaire des réviseurs à propos de ce vocabulaire. « J’ai l’impression qu’ils étaient d’accord avec nous ! Nous avons essayé d’être objectifs, et les figures que nous présentons prouvent que le problème est énorme et pourrait devenir catastrophique pour les écosystèmes de la planète si on ne fait rien pour le régler », a dit le chercheur à La Presse.

« La plus grande extinction depuis le Crétacé »

Un débat fait rage parmi les scientifiques quant à savoir si la Terre vit actuellement la sixième grande période d’extinction de son histoire. À la lumière des résultats obtenus sur les insectes, les auteurs de l’étude n’ont plus aucun doute. « Comme les insectes comprennent les deux tiers de toutes les espèces terrestres de la planète, les tendances observées confirment que la sixième extinction majeure affecte profondément les formes de vie sur notre planète », écrivent-ils. « Puisque les déclins affectent une majorité d’espèces de chaque taxon, il est évident que nous assistons à la plus grande extinction sur Terre depuis le permien tardif et le Crétacé », ajoutent-ils.

Pesticides et changements climatiques

Les auteurs ont classé les causes probables de l’effondrement des insectes par ordre d’importance : 

1. La perte d’habitat due à l’agriculture et à l’urbanisation.

2. La pollution, surtout celle causée par les pesticides et les fertilisants synthétiques.

3. Les pathogènes et les espèces invasives.

4. Les changements climatiques.

« La conclusion est claire : à moins de changer nos méthodes de production de nourriture, les insectes dans leur ensemble prendront le chemin de l’extinction d’ici quelques décennies », disent les auteurs.

Adieu, papillons, mites et abeilles

Parmi les insectes les plus touchés par l’hécatombe, on compte les bousiers (ces insectes qui se nourrissent d’excréments), les mites, les abeilles et les papillons. Quelques conclusions de l’étude touchent le Canada. On y apprend par exemple que la moitié des 14 espèces de bourdons étudiées dans le sud de l’Ontario sont en déclin et qu’une baisse « majeure » touche 68 % des espèces de coccinelles depuis le milieu des années 80. Notons que certaines espèces d’insectes profitent des disparitions des autres pour proliférer. Cela ne parvient toutefois pas à compenser la baisse générale, et on ignore les impacts de ces changements sur les écosystèmes.

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Nombre d’études menées sur les populations d’insectes partout sur la planète dont les résultats ont été compilés par les auteurs pour obtenir leurs conclusions.

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