Chronique

Le coût du soutien financier à Bombardier

Je soulignais dans ma chronique de samedi dernier combien la réaction très épidermique du milieu financier torontois à l’égard des contributions remboursables du gouvernement fédéral à Bombardier contrastait avec le silence que ce même milieu a observé depuis le lancement d’un programme subventionnaire de 500 millions destiné à l’industrie automobile canadienne.

Cette chronique de samedi dernier a suscité une quantité importante de réactions de lecteurs qui – de façon quasi unanime – ont déploré l’attitude paradoxale de Bay Street et surtout son dénigrement systématique de la multinationale montréalaise.

On le sait, la presse financière torontoise a largement décrié la décision du gouvernement fédéral d’accorder pour 372 millions de prêts sans intérêt à Bombardier, dont 250 millions sont destinés au développement de l’avion d’affaires Global 7000 et 120 millions à ceux de la C Series.

On décrie à Toronto la récurrence des demandes d’aide financière de Bombardier aux différents ordres de gouvernement. Un commentateur a même chiffré à plus de 1,3 milliard l’aide financière cumulée du gouvernement fédéral à Bombardier depuis 1966.

Le hic, c’est que Bombardier n’est devenue propriétaire de Canadair qu’en 1986 lorsque la société de la Couronne, acculée à la faillite, a été privatisée par le gouvernement de Brian Mulroney.

S’il est vrai que de 1966 à 1986, Canadair a coûté des centaines de millions de l’argent des contribuables canadiens, on ne peut imputer cette disgrâce financière au bilan de Bombardier.

Cela fait donc maintenant 30 ans que Bombardier est active dans le secteur de l’aéronautique. De 1986 jusqu’au lancement de la C Series, en 2008, Bombardier a obtenu des gouvernements fédéral et québécois un total de 586 millions de prêts remboursables sous forme de redevances.

Selon une compilation réalisée par l’entreprise, Bombardier a versé à ce jour 741 millions aux deux gouvernements pour les 586 millions qu’elle a obtenus et qui ont servi à financer le développement de la famille des jets régionaux CRJ, celle des avions turbopropulsés de la série Q et les jets d’affaires Global.

Bombardier a remboursé presque 200 millions de plus que ce qu’elle a obtenu et elle continue de verser des redevances aux deux gouvernements chaque fois qu’elle livre un nouvel avion Q-400, le dernier programme qu’il lui reste à rembourser.

Intérêt ou redevances

Pour réaliser le lancement de la C Series, Bombardier a profité en 2008 des mêmes programmes de financement de la recherche et du développement et a obtenu d’Ottawa et de Québec 750 millions en prêts remboursables sous forme de redevances.

Bombardier a commencé à rembourser ses deux prêts depuis qu’elle a livré ses premiers C Series. À chaque avion qu’elle vend, les deux gouvernements prélèvent des redevances. Ces deux prêts doivent être complètement remboursés d’ici 15 ans et pourraient l’être avant cet échéancier si le nombre d’avions livrés atteint le niveau attendu.

Le prêt additionnel de 372 millions que vient de consentir le gouvernement fédéral à la multinationale québécoise devra lui aussi être remboursé d’ici 15 ans dans le cas de la C Series, et d’ici 17 ans pour ce qui est du Global 7000, qui ne doit entrer en production qu’en 2018.

Lors de la conférence de presse tenue pour annoncer ce nouveau prêt du gouvernement fédéral, le ministre du Développement économique Navdeep Bains a semé un peu de confusion en le présentant comme un prêt remboursable, mais sans intérêt.

Les gouvernements ne peuvent pas consentir de prêts sans intérêt à Bombardier parce que le congé d’intérêt serait alors considéré comme un avantage financier, donc une subvention gouvernementale, ce qui conviendrait aux normes de l’Organisation mondiale du commerce.

Évidemment, les gouvernements ont pris un certain risque en accordant des prêts qui seront remboursables en fonction des ventes de la C Series. Bombardier a toutefois démontré avec ses programmes antérieurs sa capacité à honorer et même bonifier ses engagements.

Enfin, ceux qui reprochent encore aux gouvernements canadien et québécois de s’impliquer financièrement dans le développement de Bombardier, il faut rappeler que depuis 1986, l’entreprise estime avoir versé pas moins de 17 milliards en taxes et impôts divers (notamment sur les revenus de ses employés) aux différents ordres de gouvernement, ce qui n’est quand même pas rien.

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