Rapport de l'UNICEF

Les enfants kamikazes, nouvelle arme de Boko Haram

Affaibli par les offensives de l’armée dans la région du lac Tchad, Boko Haram multiplie les attentats suicides – qui demandent peu de moyens – au Nigeria et dans les pays limitrophes. Un rapport dévoilé hier par l’UNICEF indique que le groupe islamiste a utilisé 10 fois plus d'enfants en 2015 pour semer la terreur. Et la grande majorité d’entre eux étaient des filles.

Pourquoi utiliser des enfants ?

Le recours à des enfants présente des avantages sur plusieurs plans pour Boko Haram, estime Frank Chalk, professeur d’histoire de l’Université Concordia qui suit de près la situation au Nigeria. D’abord, dit-il, les enfants sont plus conciliants et plus faciles à manipuler que les adultes. Ils agissent sans nécessairement savoir ce qu’ils font, la charge explosive pouvant être déclenchée à distance, sont endoctrinés ou sont forcés d’obtempérer sous la menace. Le fait d’utiliser des enfants permet par ailleurs, selon lui, de contourner plus facilement les contrôles de sécurité. John Campbell, analyste du Council on Foreign Relations, note que l’attentat suicide a été introduit en Afrique de l’Ouest il y a quelques années à peine par Boko Haram, qui l’utilise parce qu’il permet de « faire un maximum de victimes et suscite beaucoup d’attention des médias ».

Quel objectif politique poursuit Boko Haram en multipliant les attaques suicides ?

Le nouveau président du Nigeria, Muhammadu Buhari, avait promis à son arrivée en poste en mai 2015 d’en finir avec l’insurrection avant la fin de l’année. La promesse était ambitieuse, mais il semble que l’armée a enregistré des progrès substantiels dans le nord-est du pays, forçant le mouvement extrémiste à abandonner les localités qu’il contrôlait. Une partie des rebelles se terrent au Cameroun, qui sert, selon Frank Chalk, de base de repli. Les attentats dans ce pays visent selon lui à terroriser la population locale pour l’inciter à collaborer. Les attentats au Nigeria ont plutôt pour objectif de rappeler que l’organisation conserve une force de frappe non négligeable malgré les cris de victoire du gouvernement, ajoute le spécialiste.

John Campbell, du Council on Foreign Relations, croit que le recours aux attentats suicides reflète le désir de Boko Haram de recourir à une forme de résistance « asymétrique » et ne doit pas être vu comme un signe de faiblesse.

Boko Haram est-il en voie de disparaître ?

« J’aimerais croire ce que dit le gouvernement nigérian, mais je ne le vois pas. Boko Haram se caractérise d’abord et avant tout par sa grande résilience », prévient John Campbell, du Council on Foreign Relations. Frank Chalk, de l’Université Concordia, relève dans la même veine qu’il est extrêmement difficile pour l’armée nigériane de venir à bout du mouvement extrémiste. Ses combattants, bien qu’ils soient chassés des centres urbains, peuvent circuler et opérer avec très peu de ressources pendant de longues périodes, faisant occasionnellement surface pour frapper. L’éradication de Boko Haram passe, à plus long terme, par le développement économique du nord-est du Nigeria, qui a été trop longtemps négligé par le gouvernement central, ajoute M. Chalk.

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