Opinion  Réforme de l’aide sociale

Moins de prestataires, plus de précarité financière

L’exemple américain donne une idée des impacts prévisibles de la loi 70 au Québec

En 1996, le président Clinton a signé un projet de loi pour réformer le programme d’aide sociale américain et redonner un emploi à ses prestataires. Vingt ans plus tard, le bilan de la réforme reste controversé et donne une idée des risques associés à la loi 70 récemment adoptée par l’Assemblée nationale.

Après plusieurs amendements adoptés par le Congrès à majorité républicaine de l’époque, un projet de loi très musclé a été ratifié par Bill Clinton en 1996 pour réformer l’aide sociale. Les montants étaient désormais conditionnels à ce que les prestataires démontrent qu’ils recherchent activement un emploi. Le maximum d’années de prestations est aussi passé à cinq. Cette dernière mesure était évidemment la plus incitative à la recherche d’emploi, car les prestataires étaient menacés de perdre toute aide.

Ce n’est évidemment rien de comparable avec la loi 70, qui vise seulement les nouveaux prestataires et qui fait passer leur chèque de 623 à 399 $ par mois s’ils refusent de coopérer au programme Objectif emploi.

Si l’ampleur des conséquences risque d’être moins dramatique dans le cas de la loi 70, l’exemple américain donne quand même une idée des impacts prévisibles.

Parmi les conséquences positives de la réforme américaine, il y a la diminution dramatique du nombre de prestataires, qui a fondu de 75 % en 20 ans. Cette diminution semble surtout attribuable à des prestataires ayant déniché un emploi pendant cette période. Parions que l’incitatif des mesures punitives y est pour quelque chose.

Précarité extrême

Tout ça est bien beau, mais qu’est-il arrivé à ceux qui ne se sont pas dénichés un emploi à l’intérieur de cinq ans ? La réponse est qu’ils vivent dans un état de précarité financière extrême : 1,5 million de familles américaines vivant avec aussi peu que 2 $ de revenu par jour par personne.

Que retenir de l’exemple américain ? D’abord, que le projet de loi 70 arrivera fort probablement à diminuer le nombre de prestataires d’aide sociale. Or, l’ampleur du succès reste de la pure spéculation parce que les mesures sont moins draconiennes que la réforme américaine. Ensuite, que peu importe la nature des mesures punitives qui seront mises en place, il existera toujours un noyau dur de prestataires qui n’arriveront pas à se dénicher un emploi. Ces citoyens subiront de plein fouet les conséquences de ces mesures et cela pourrait bien causer des impacts sociaux suffisamment négatifs pour annuler tous les gains potentiels d’employabilité liés à la réforme.

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