Éditorial : Revenu minimum garanti

De l’utopie à l’expérimentation

Un revenu minimum garanti pour tous ? Cette idée d’une allocation de base unique, qui remplacerait la kyrielle de prestations existantes, est sur toutes les lèvres depuis quelque temps. Les risques et avantages d’une telle formule sont faciles à imaginer, mais pour s’en faire une opinion éclairée, il faudra la tester.

Le comité fédéral des Finances a recommandé au gouvernement Trudeau de mener un projet pilote sur la notion de revenu garanti. L’Ontario s’est engagé à le faire dans son dernier budget. Même le gouvernement Couillard s’y intéresse. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale François Blais doit créer un comité sur la question, et le Parti libéral du Québec y consacrera un atelier en septembre.

Bref, l’idée fait du chemin. Les Canadiens ont d’ailleurs des opinions très tranchées sur le sujet, montre un sondage en ligne publié récemment par Angus Reid Institute. Plus de 60 % des répondants se disent d’accord avec le principe, mais considèrent qu’un tel programme coûterait trop cher à l’État. Et si la moitié pense qu’il réduirait la bureaucratie, près des deux tiers croient aussi qu’il découragerait les bénéficiaires de travailler.

C’est un reflet assez fidèle des commentaires qui viennent spontanément lorsqu’on aborde le sujet.

Le revenu universel de base est un concept séduisant et inquiétant à la fois.

Un mécanisme qui traiterait les moins nantis plus dignement permettrait aux travailleurs de se retourner entre deux emplois ou deux contrats, et serait moins lourd à gérer que le fatras de mesures existantes ? Ce serait l’idéal si ce n’était de la nature humaine, qui en inciterait plusieurs à profiter du système plutôt qu’à y contribuer. Mais est-ce vraiment ce qui se passerait ?

La vérité, c’est qu’on n’en sait rien. La seule véritable expérience du genre, menée au Manitoba dans les années 70, a été interrompue sans qu’on en fasse le bilan. Une chercheuse a toutefois constaté que les consultations et hospitalisations pour problèmes de santé mentale avaient diminué, de même que les hospitalisations pour accidents et blessures.

On aura heureusement une autre chance, et même deux. La Finlande ainsi que la région d’Utrecht, aux Pays-Bas, prévoient en effet tester des modèles de revenu minimum garanti l’an prochain. La première visera quelques milliers de personnes, contre quelques centaines seulement pour la seconde, et les scénarios seront sans doute différents. Cependant, elles seront tout aussi importantes à suivre, car elles pourraient nous réserver des surprises.

À l’encontre des préjugés, des expériences ont montré qu’ouvrir des centres d’injection supervisées et fournir des logements aux sans-abri ont des effets positifs concrets et mesurables. Les innovations sociales comme le revenu minimum garanti ne sont pas toujours concluantes mais tant qu’on n’en fait pas l’essai, on ne sait pas de quoi on parle.

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