Appareils de loterie vidéo

Un fléau chez les autochtones

Le jeu est un véritable « fléau » chez les autochtones, qui s’additionne à d’autres problèmes sociaux pour former un cocktail explosif, estime la chercheuse Élizabeth Papineau, de l’Institut national de recherche scientifique (INRS).

« Les effets du jeu sont beaucoup plus percutants dans le contexte de pauvreté où se retrouvent beaucoup d’autochtones. C’est un fléau parce que ça s’additionne à d’autres problèmes sociaux importants », dit-elle.

Le problème est particulièrement vif pour les autochtones qui vivent en milieu urbain, ce qui est le cas de près de la moitié d’entre eux, souligne Mme Papineau. La présence autochtone est particulièrement significative dans des villes comme Chibougamau, La Tuque, Sept-Îles ou Val-d’Or.

Et partout dans les bars de ces municipalités, on constate localement que les appareils de loterie vidéo sont souvent occupés par des joueurs autochtones. « Le jeu, c’est très présent chez les autochtones, souligne une travailleuse du réseau de la santé qui œuvre dans le Grand Nord. Quand on regarde qui joue sur les machines à Radisson, à Matagami, à Chibougamau, ce sont souvent des autochtones. »

« Quand on entre dans certaines maisons sur les réserves, il n’y a pas de meubles, juste une table de poker et quatre chaises. »

— Une travailleuse du réseau de la santé qui œuvre dans le Grand Nord

Accessibilité grandissante

La Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador s’inquiétait dès 2009 du problème grandissant de jeu dans les communautés.

« Le problème de dépendance au jeu dans les communautés autochtones constitue en fait une problématique complexe. Les jeux de hasard sont généralement perçus comme ‟dépendance de remplacement” pour d’anciens toxicomanes devenus sobres ; les travailleurs traitant les problèmes de dépendance expriment fréquemment leur frustration devant l’accessibilité toujours plus grande des appareils pour leurs anciens clients alcooliques. »

Le Regroupement des centres d’amitié autochtones, qui se retrouvent un peu partout au Québec, a établi qu’un répondant sur sept à un sondage connaissait des difficultés à cause de l’accessibilité de plus en plus importante des jeux de hasard.

« Les impacts de la colonisation et la perte des valeurs culturelles traditionnelles ont entraîné des taux très élevés de consommation de drogues et d’alcool chez les Premières Nations et les Inuits, taux qui sont plus élevés que ceux constatés chez les non-autochtones. Les problématiques de jeux de hasard et d’argent sont aussi au cœur des préoccupations vécues par les membres des Premières Nations et Inuits. »

Les jeux de hasard font partie intégrante de la culture autochtone. Mais les paris faits dans un mode plus traditionnel se déroulaient dans une société fermée et contribuaient à redistribuer la richesse au sein de la communauté, observe Kathryn Gill, professeure au département de psychiatrie de l’Université McGill, qui a mené une recherche sur le sujet chez les Cris. Or, avec l’arrivée d’appareils de loterie vidéo dans les villes environnantes, cet argent du jeu quitte la communauté, précise Mme Gill, ce qui inverse complètement la dynamique.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.