RELÂCHE

Relaxation 101

« Ça me fait capoter. C’est comme si on était obligé d’avoir beaucoup de fun à la relâche. On se sent mal si on ne fait rien. C’est mal vu de rien faire ! »

Nancy Coulombe a pourtant dû se rendre à l’évidence. Cette année, ses trois enfants ont été très clairs : « On ne veut rien faire à la relâche ! », souligne en riant l’auteure et blogueuse des Zimparfaites. Mais quel mauvais parent va volontairement choisir de priver son enfant d’activités ?

SOUFFLER ET SE RETROUVER

Pourtant, faut-il le rappeler ? Le but premier de la relâche est de permettre aux écoliers de « reprendre un peu leur souffle », souligne le psychopédagogue Gérald Boutin. Objectif ? « Faire comprendre aux enfants l’importance de respirer un peu. C’est un art de vivre ! », dit-il.

Parce que non, poursuit le professeur de l’UQAM, « les enfants ne peuvent pas toujours être surstimulés, dit-il. Il faut laisser les enfants vivre ».

Deuxième objectif de la relâche : « permettre aux parents et aux enfants de se rapprocher, au-delà des questions scolaires », dit-il. Or, comment « reconnecter », « revenir à cette relation privilégiée » si l’enfant va à une activité de patin ici, un cours de ski là, entre deux séances de cinéma ?

Geneviève Pettersen, qui a signé un billet dans le magazine Châtelaine sur le temps de quantité (et non de qualité) dont ont besoin nos enfants, croit que cette surabondance de l’offre cache deux choses : le sentiment de culpabilité des parents et son corollaire, la surstimulation.

« En tant que parent, ça témoigne d’un sentiment d’échec de ne pas donner autant de temps qu’on voudrait à nos enfants, dit-elle. Et puis ça s’inscrit dans cette tangente de la surstimulation. Ce n’est plus acceptable de ne rien faire », dénonce la chroniqueuse, mère de trois enfants.

« Mais on n’est pas les G. O. de nos enfants. La famille, ce n’est pas un camp de vacances ou un service de garde ! »

— Geneviève Pettersen, mère et auteure

Selon elle, tout le stress engendré dans cette course à la « relâche parfaite » n’a d’ailleurs « rien de positif ». Parce que pensons-y bien : qui est vraiment fatigué ces jours-ci ? Qui a vraiment besoin de se reposer ? Les enfants ? Vraiment ? « Il y a plein de journées pédagogiques ! Les gens fatigués, ce ne sont pas les enfants, ce sont les parents ! Or la relâche leur met une pression supplémentaire : on se sent obligé de relaxer ! Mais il n’y a personne qui relaxe si on a la pression de faire quelque chose ! »

Chez elle, la relâche, cette année, est un « non-événement » : « On loue un chalet avec des amis qui ont des enfants et ils vont s’amuser entre eux. Il n’y a pas de but. C’est un non-événement, dans le sens que ce ne sera pas une semaine spéciale, qu’on attend chaque année, résume-t-elle. Je ne vais pas me sentir obligée de les organiser. Les enfants vont jouer dehors et être des enfants normaux », dit celle qui se souvient de s’être « pogné le beigne » enfant : « On n’allait pas au Biodôme chaque semaine ! »

UN SENTIMENT D’INCOMPÉTENCE PARENTALE

D’après la psychologue, auteure et conférencière Nadia Gagnier, peut-être y a-t-il une dernière explication à cette hyperorganisation de la relâche : un sentiment d’incompétence parentale.

Et pourquoi donc ? « Les parents passent moins de temps que les générations précédentes avec leurs enfants, fait valoir la psychologue. Cela peut contribuer à réduire leur sentiment de compétence parentale. »

Aujourd’hui, non seulement les deux parents travaillent, les enfants passent aussi leur petite enfance en garderie (« et ce n’est pas nécessairement mauvais, je ne voudrais pas revenir au temps de ma grand-mère ! », nuance Nadia Gagnier), leurs étés au camp de jour, mais aussi, souvent, les familles sont éclatées. Garde partagée oblige, les parents passent de facto encore moins de moments (en quantité, toujours) avec leurs enfants.

« Comme on est de moins en moins avec eux, on est de plus en plus porté à déléguer à un coach, un animateur, etc. »

— Nadia Gagnier, psychologue

Ce n’est pas parce qu’on les aime moins, au contraire, souligne-t-elle, « mais parce qu’on a l’impression qu’on ne sera pas bon ».

Mais existe-t-il vraiment de meilleurs parents que nous pour nos enfants ? Ne faut-il pas se rappeler, une fois pour toutes, qu’il n’y a personne de mieux placé que le parent, même s’il voit son enfant la moitié du temps, le soir seulement, pour savoir ce qu’aime son enfant ? Et savez-vous quoi ? La relâche, c’est aussi un excellent moment pour le prouver. « La relâche, c’est une belle occasion pour reconnecter avec ce sentiment de compétence parentale ! », croit aussi Nadia Gagnier.

Comment ? En faisant une pause, avec son enfant, en famille, avec des amis, peu importe, pourvu que pause il y ait. À méditer.

Semaine de relâche

En tête-à-tête

Les enfants ont aussi besoin de quelques moments exclusifs avec leurs parents pour parler de tout, de rien, un peu, beaucoup. C’est souvent dans ces moments, précisément, qu’ils ont tendance à faire des confidences.

Semaine de relâche

Doser les activités

Laissez plusieurs trous à l’horaire pour vous laisser un minimum de spontanéité. « Si l’agenda est trop rempli, on risque l’épuisement ! », rappelle Nadia Gagnier.

Semaine de relâche

Sans oublier les amis

Jouer avec les amis à l’école, c’est bien, mais jouer dans un environnement désorganisé, c’est mieux. Or durant l’année scolaire, entre les devoirs et les activités parascolaires, le temps se fait plutôt rare. Profitez-en !

Semaine de relâche

Des moments de solitude

Les enfants ont besoin de se retrouver, de s’ennuyer, « tout seuls avec leurs figurines, pour se reposer des frères et sœurs ». La clé ? Questionnez-vous : qu’est-ce qui manque à votre enfant ? Qu’est-ce qu’il n’a pas le temps de faire durant l’année scolaire ? Parions qu’il ne passe pas beaucoup de temps en solitaire.

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