États-Unis

Les sœurs noires de Hillary

ATLANTA — Coiffée d’un grand chapeau à bord du même rouge écarlate que sa robe à franges, Vickie Johnson ne passait pas inaperçue, hier matin, à la sortie de l’église baptiste Ebenezer, dont Martin Luther King a été le plus célèbre pasteur. Mais la septuagénaire d’Atlanta n’est pas la seule Afro-Américaine à retenir l’attention ces jours-ci dans le sud des États-Unis – ce dont elle est la première à se réjouir.

« Les femmes noires sont en train de cimenter la victoire de Hillary Clinton », a-t-elle lancé en se tenant à l’ombre d’un arbre dont les bourgeons avaient déjà éclaté sous le soleil ardent de la Géorgie.

L’éducatrice à la retraite faisait référence au vote des Noires de la Caroline-du-Sud, samedi, et à celui de leurs sœurs de six autres États du Sud qui tiendront demain des primaires démocrates en même temps que le Colorado, le Minnesota, l’Oklahoma, le Massachusetts et le Vermont.

En Caroline-du-Sud, les Afro-Américaines ont représenté près de 40 % de l’électorat lors de la primaire démocrate. Et pas moins de 89 % d’entre elles ont voté pour Hillary Clinton, qui a remporté la victoire avec 74 % de l’ensemble des suffrages, contre 26 % pour Bernie Sanders. Si cette tendance se maintient demain en Géorgie et dans les autres États du Sud – Alabama, Tennessee, Arkansas, Virginie et Texas –, l’ancienne secrétaire d’État prendra une avance probablement insurmontable dans la course à l’investiture démocrate pour la présidence.

Mais à quoi attribuer la popularité de Hillary Clinton auprès des Afro-Américaines, dont le taux de participation aux élections est largement supérieur à celui des hommes de leur communauté ?

« Hillary Clinton propose des solutions concrètes à toutes les questions majeures qui m’importent en tant que femme et Afro-Américaine », dit Vickie Johnson, en mentionnant le renforcement de l’éducation publique, la lutte pour l’égalité des droits et l’augmentation des investissements dans les petites entreprises.

« C’est simple. Elle est la meilleure candidate ! Elle a un mari qui a été président. Elle a été avocate, sénatrice et secrétaire d’État. Elle dépasse de toute évidence tous les autres candidats. »

— Cynthia Carmichael, fonctionnaire à la retraite

Bill Clinton. À l’extérieur de l’église Ebenezer, plusieurs autres femmes citeront le nom de l’ancien président, parmi d’autres facteurs, pour justifier leur préférence pour Hillary Clinton. Au cours des derniers jours, Bernie Sanders a tenté de gagner des points auprès des Noirs en évoquant les conséquences néfastes des politiques du 42e président en matière d’aide sociale et de justice pénale. Mais ses critiques ont semblé susciter la perplexité chez plusieurs.

« C’est drôle, j’associe personnellement la présidence de Bill Clinton avec la période où la situation économique des Noirs, dans l’ensemble, s’est le plus améliorée », dit Lydia Fields, gestionnaire de comptes pour Delta Air Lines.

UNE FILLE DU SUD

Lydia Fields l’avoue candidement. Comme plusieurs autres Afro-Américaines rencontrées hier, elle n’avait jamais entendu parler de Bernie Sanders avant qu’il ne brigue l’investiture démocrate.

« Il est sénateur de quel État, déjà ? », demandera-t-elle au journaliste qui l’interroge. Après avoir appris que Sanders représente le Vermont, elle se contentera de répliquer, comme si elle habitait dans un autre pays : « Je suis une fille du Sud, vous savez. »

Dans une certaine mesure, Hillary Clinton l’est aussi, une fille du Sud, ayant vécu 17 ans en Arkansas. Et quand elle a annoncé sa candidature à la Maison-Blanche en 2008, elle pouvait compter sur l’appui de bon nombre d’Afro-Américaines de la région.

« Nous connaissions Hillary. Nous l’aimions », se souvient Vanessa Cosby, une secrétaire de Houston en visite à Atlanta avec des amies. « Et puis Barack Obama est apparu et tout a changé. Après l’avoir entendu parler, nous avons conclu que nous ne pouvions pas rater la chance de contribuer à l’élection du premier président noir. »

Et d’ajouter : « Nous aimons notre président. Et nous croyons que Hillary est la plus forte, la plus expérimentée, pour défendre son héritage. Nous voudrions aussi participer à un autre vote historique. »

HILLARY, LA MÈRE

Autre constat : Hillary Clinton a touché nombre de femmes en faisant campagne avec cinq mères d’Afro-Américains tués par la police ou dans des circonstances nébuleuses, dont celles de Trayvon Martin, Eric Garner et Sandra Bland.

« J’ai vu une intervention de la mère de Sandra Bland [morte dans une cellule du Texas après un contrôle routier] », dit Dorothy Gilmour, une infirmière de 51 ans. « Elle a raconté comment Clinton l’avait convaincue que sa passion pour leur cause était réelle. Je le crois. Hillary est aussi une mère. »

Mais l’ancienne secrétaire d’État ne fait pas l’unanimité parmi les membres de l’église Ebenezer. Une jeune femme a même invoqué Martin Luther King pour justifier son rejet de Hillary Clinton et sa préférence pour Bernie Sanders.

« Le Dr King nous a demandé de lutter non seulement contre le racisme, mais également contre le matérialisme extrême et le militarisme », dit Michelle Lloyd, une étudiante de 22 ans. « Pour moi, il est évident que Bernie Sanders est celui qui peut le mieux mener ce combat. Hillary Clinton s’est disqualifiée à mes yeux avec son vote pour la guerre en Irak et ses discours devant Goldman Sachs. »

Ce n’est pas l’exception qui confirme la règle, mais pas loin.

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