Éditorial

Un appel aux taxis

L’administration Coderre paraît déterminée à mettre en œuvre sa politique du taxi. Bravo. Il faut maintenant s’assurer que les sempiternelles récriminations sur les difficultés de l’industrie ne feront pas obstacle aux changements.

Montréal a mis la table en août en se dotant d’une première Politique sur l’industrie du taxi. La forme un peu technocratique de la chose, déclinée en objectifs, défis et axes d’intervention sans mention de coûts ni d’échéancier, laissait perplexe. Allait-on s’en tenir à de belles intentions ? Un plan d’action avec un échéancier sera déposé l’hiver prochain, promet le responsable du transport au comité exécutif, Aref Salem. Tant mieux.

Pour l’instant, on entend davantage parler des services de covoiturage payants, comme Uber. Comment s’en étonner ? Les taxis ont eu la même réaction défensive à l’égard du Bixi, des bus 747 qui font la navette vers l’aéroport et des services d’autopartage. Gare à la STM si jamais elle s’avise de rendre le transport en commun plus efficace ou plus agréable à utiliser !

Beaucoup de chauffeurs se plaignent de ne pas pouvoir tirer un revenu décent du taxi. Nous sommes bien prêts à les croire. La situation, toutefois, doit être envisagée dans un contexte d’affaires. Compte tenu des coûts pour louer une voiture ou acheter un permis, et de tous les autres frais, et des revenus possibles, cette activité est-elle rentable ? À chacun de faire son analyse en fonction des facteurs qui lui sont propres, et d’en tirer les conséquences.

La communauté du taxi montréalais doit arrêter de se chercher des ennemis extérieurs et faire le ménage dans ses rangs.

C’est malheureux pour tous les chauffeurs qui donnent un bon service, mais la présence de voitures en mauvais état et de conducteurs imprudents ou qui ne connaissent pas la ville cause un tort considérable à l’ensemble du secteur. D’autant que ces expériences désagréables ne sont pas rares, comme peuvent en témoigner la plupart des utilisateurs fréquents.

Disons-le franchement : l’industrie du taxi montréalais a beaucoup fait pour inciter sa clientèle à envisager d’autres moyens de transport.

Le Bureau du taxi reçoit un peu plus de 600 plaintes par an en moyenne.

Plus de la moitié contiennent des éléments ayant trait à la qualité du service. Il est évident qu’il faut commencer par là. Plusieurs mesures de la nouvelle politique vont heureusement dans ce sens.

L’installation de caméras dans les véhicules n’en fait pas partie, et ce n’est pas le premier geste que nous aurions recommandé. Mais dans un contexte où un chauffeur a été tué il y a à peine un an, on comprend que ce puisse être vu comme prioritaire. D’autant que ces caméras pourront trouver d’autres utilités – trancher un différend avec un client, par exemple. Il sera important de faire un bon appel d’offres, et de protéger les images comme des données confidentielles.

L’accès au paiement électronique dans tous les taxis, par contre, faciliterait grandement la vie de la clientèle. Montréal devrait l’inclure dans ses exigences de base, et ne surtout pas attendre après les éventuels modules d’enregistrement de ventes de Revenu Québec, qui en est encore aux tests en labos.

La Ville voudrait aussi une application basée sur la géolocalisation que tous les taxis et tous les citoyens de l’île pourraient utiliser. Bonne idée, mais il ne faudra pas oublier d’inclure une fonction qui permette aux clients de publier des commentaires à chaque course. Ce type de rétroaction en temps réel peut avoir un effet incitatif intéressant sur la qualité du service.

De l’adoption d’une couleur unique pour les voitures à la formation des chauffeurs en passant par l’électrification des véhicules, la politique propose plusieurs autres moyens de rafraîchir l’image du taxi. Tout cela mérite d’être considéré. Il faut cependant se rappeler que les clients ne sont pas dupes. On aura beau rajouter des normes et des exigences, si l’industrie s’y plie à contrecœur, sans désir de s’améliorer, ça ne changera pas grand-chose à la dynamique actuelle.

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