Opinion : Hébergement communautaire jeunesse

De l’oxygène pour les Auberges du cœur

En tant que maisons d’hébergement communautaires accueillant des jeunes en difficulté et sans-abri, les Auberges du cœur du Québec expriment leur solidarité envers toutes ces femmes qui luttent pour leur survie, ainsi que les intervenantes qui agissent sans relâche à leurs côtés. 

Nous avons appris la semaine dernière dans un article de La Presse canadienne que chaque année, des milliers de femmes ne parviennent pas à trouver un refuge sécuritaire et de l’aide en maison d’hébergement, faute de financement adéquat accordé aux organismes *. 

Œuvrant également comme organismes offrant un soutien 24 heures sur 24, sept jours sur sept, à l’année, nous constatons aussi à quel point les besoins sont grandissants et de plus en plus complexes, surtout dans un contexte où nous devons manœuvrer avec un sous-financement chronique. Nous sommes également frappés par les impacts dramatiques que cela engendre chez les personnes qui ne parviennent pas à trouver un endroit sécuritaire où se poser, se nourrir, reprendre leur souffle et obtenir un soutien pour se relever et s’en sortir à leur rythme. 

Dans les 30 Auberges du cœur accueillant des jeunes hommes et femmes de 12 à 35 ans à travers le Québec, ce sont environ 3000 demandes d’hébergement qui sont refusées annuellement, faute de place. Quatre maisons ont frôlé la fermeture dans les dernières années, alors que six autres ont dû abolir des services, pourtant essentiels à leur mission, comme les services externes offerts aux jeunes qui quittent l’Auberge. 

Cette réalité génère de la détresse chez les personnes vivant une privation de leurs besoins fondamentaux, ce qui constitue une violation de leurs droits reconnus par la Politique nationale de lutte à l’itinérance.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a pourtant le pouvoir d’agir sur ces dénis de droits constamment répétés en accordant un financement adéquat aux organismes d’hébergement communautaires. 

Il est estimé qu’une Auberge du cœur offrant neuf lits nécessite un minimum de 790 000 $ annuellement pour fonctionner. Or, seulement 355 500 $ est accordé en moyenne par le MSSS, ce qui provoque un manque à gagner de 55 %. Pour l’ensemble des Auberges du cœur, c’est près de 9 millions de dollars qui font défaut chaque année, forçant celles-ci à faire l’impossible pour répondre aux besoins des jeunes de leur communauté.

Une qualité d'accompagnement unique 

Pourtant, l’impact significatif des maisons d’hébergement communautaires comme les nôtres a été largement démontré ces 30 dernières années. Le contexte de milieu de vie où les jeunes sont accueillis est basé sur la création de liens de confiance, d’une approche globale et d’un ancrage dans la communauté. Les jeunes y sont reconnus comme des personnes à part entière et non pas comme des problématiques à résoudre et des « au suivant » au cabinet du spécialiste. Cette approche misant sur l’affiliation sociale permet une qualité d’accompagnement unique au milieu communautaire. 

Depuis maintenant trois ans, l’ensemble du milieu de l’hébergement communautaire, que ce soit dans le domaine de la santé mentale, de la violence conjugale, des personnes âgées ou de la jeunesse, a joint sa voix à la campagne «  Engagez-vous !  » afin de revendiquer un rehaussement significatif de leur financement à la mission.

Malgré de timides réinvestissements du gouvernement précédent, les organismes demeurent sur la corde raide. 

La situation décriée par les maisons d’hébergement pour femmes démontre l’urgence d’agir dès le prochain budget. Nous réaffirmons notre soutien envers ces maisons et ajoutons notre voix à toutes celles qui demandent au gouvernement de soutenir adéquatement les organismes communautaires autonomes par l’augmentation de leur financement et le respect de leur autonomie, tout en réinvestissant dans les services publics et les programmes sociaux.

* Signataires : Jacques Baillargeon, directeur général, Habitations Escalier, Montréal ; Sylvie Barbeau, directrice générale, Le Tournant, Montréal ; Mélanie Bélanger, coordonnatrice, Accueil Jeunesse Lanaudière ; Marc-Antoine Boisvert, coordonnateur, L’Élan des jeunes, Châteauguay ; Denis Bouchard, directeur, Gîte jeunesse, Québec ; Sylvain Daneault, coordonnateur, Roland-Gauvreau, Joliette ; Suzanne Demers, directrice, Maison le Baluchon, Saint-Hyacinthe ; Josiane Despins, directrice générale, Maison Habit-Action, Drummondville ; Jonathan Dussault, directeur général, L’ADOberge, Saint-Jean-Chrysostome et Saint-Georges ; Karina Fleury, directrice, Tandem-Jeunesse, La Pocatière ; Valérie Fortier, directrice, Auberge communautaire du Sud-Ouest, Montréal ; Sylvain Gervais, directeur général, Maison Marie-Frédéric, Québec ; Véronique Girard, directrice générale, SQUAT Basse-Ville, Québec ; Oumar Gueye, directeur général, Héberjeunes, Montréal ; Barbara Jomphe, directrice générale, Foyer de jeunes travailleurs et travailleuses de Montréal ; Cindy Kirouac, directrice, Maison Raymond Roy, Victoriaville ; Sonia Langlois, directrice générale, L’Antre-Temps, Longueuil ; Sébastien Lanouette, directeur général, Ressources Jeunesse de Saint-Laurent, Montréal ; Lynda Lepage, directrice générale, Le Transit, Rimouski ; Chantal Larouche, directrice générale, Maison Richelieu Hébergement Jeunesse, Québec ; Martin Monette, directeur, La Source-Soleil, Sherbrooke ; Véronic Picard, chef d’équipe, Appart Adojeune, Gatineau ; Maxime Rainville, coordonnateur, Espace vivant/Living room, Cowansville ; Elena Sauvageau, directrice générale, L’Envolée, Laval ; Sylvie Simard, directrice, Le Diapason, Mascouche ; Andrée St-Jean, directrice, Chaumière jeunesse, Rawdon ; Shirley Trigg, directrice, Service d’hébergement Saint-Denis, Montréal ; François Villemure, directeur, Avenue Hébergement communautaire, Montréal ; Lucie Villeneuve, directrice générale, Avenue des Jeunes, Gatineau

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