Chronique

L’UQAM, le déficit et les militants

L’Université du Québec à Montréal (UQAM) fera un gros déficit cette année, un autre. Et elle devra, encore une fois, présenter un plan de redressement douloureux au gouvernement, elle qui est déjà dans un processus de redressement depuis sept ans.

Il faut convenir que les dernières compressions du gouvernement à l’ensemble des universités ont été dures. Elles ont été imposées en plein cœur d’un exercice financier, en juin 2015, obligeant les universités à improviser. Le gouvernement doit maintenant leur donner un répit et réinvestir.

Sauf que sur le déficit de 12 millions de l’UQAM cette année (2015-2016), la moitié est attribuable à la baisse marquée de la fréquentation. Et cette baisse des inscriptions, beaucoup plus importante qu’ailleurs selon Le Devoir, s’explique notamment par les grèves et manifestations répétées de l’établissement. Dit autrement, certains futurs étudiants potentiels semblent fuir l’UQAM de crainte de voir leurs études s’éterniser.

Or, devant les effets pernicieux de leurs actions, que font certains des militants ? Ils en rajoutent, par exemple en manifestant le jour même des portes ouvertes de l’UQAM, un événement qui vise justement à faire le plein de nouveaux étudiants.

Les effets nocifs des débordements ces dernières années ne s’arrêtent pas là. L’an dernier, les étudiants en droit ont fait éclater l’association qui les liait aux étudiants militants de sciences politiques. Et depuis deux ans, l’École des sciences de la gestion (ESG), vache à lait formée des « méchants capitalistes », veut se distancier de l’établissement.

L’UQAM est le berceau d’une certaine gauche intellectuelle au Québec, tant chez les profs que chez les étudiants, et ce bassin enrichit certainement l’essentiel débat démocratique au Québec. Le hic, c’est que les actions choisies par les militants appauvrissent leur alma mater. C’est ce qui s’appelle « se tirer dans le pied ».

LA RETRAITE À 55 ANS

Vendredi, je dénonçais l’âge hâtif de la retraite sans pénalité dans le réseau de l’Université du Québec (UQ), dont l’UQAM fait partie. Les employés peuvent y prendre leur retraite à 55 ans s’ils ont 32 ans de service.

Certains profs m’ont écrit pour me dire qu’il leur est impossible de se retirer à 55 ans, puisqu’ils terminent leurs études doctorales très tard, par exemple à 28 ou 30 ans. Ils ont bien raison, j’en étais conscient et j’aurais dû l’écrire. Mea-culpa.

Cela dit, je parlais de l’ensemble des employés et non des profs exclusivement. Or, les employés autres que les profs – personnel administratif, techniciens, etc. – représentent 60 % des permanents du réseau de l’UQ. Et ils peuvent, eux, bénéficier de cette retraite hâtive selon leur ancienneté.

Le droit à la retraite normale dans le réseau de l’UQ est permis après 35 ans de service ou après 32 ans de service et 55 ans d’âge, essentiellement. Dans le contexte actuel, le régime de l’UQ est beaucoup trop généreux, même si l’employeur et les employés cotisent à parts égales.

LES 2,7 COURS PAR AN

Voici l’opinion de Jean-Paul Page, un prof à la retraite qui a enseigné durant 37 ans à l’Université de Sherbrooke et qui a été membre du conseil d’administration de cet établissement.

« Beaucoup de causes permettent d’expliquer les problèmes financiers des universités. En voici une importante : dans l’ensemble, les professeurs accomplissent moins que 70 % de leur tâche d’enseignement.

« En effet, la moyenne annuelle de cours enseignés par professeur en charge normale était à peine de 2,7 (je n’ai pas les derniers chiffres). La charge normale d’un professeur est pourtant de quatre cours par année. L’enseignement compte pour 40 % de la tâche, la recherche pour un autre 40 % et les services à la collectivité et autres, pour 20 %.

« Les administrations universitaires (incluant les syndicats, car ce sont les professeurs syndiqués qui en bénéficient le plus) ont institutionnalisé une panoplie de décharges de cours pour, entre autres choses, différentes tâches administratives : gestion de programme, gestion de département, etc. Bien que ces décharges pour enseignement [puissent] être justifiées dans certains cas, elles constituent la plupart du temps des abus. Pourquoi ne pas accorder de décharges pour la recherche au lieu de décharges pour enseignement puisque, de toute façon, souvent, le professeur ne fait alors plus aucune recherche ?

« En augmentant le ratio de cours donné par professeur à 3,7, norme que je trouve raisonnable, toutes les universités au Québec pourraient voir leur déficit annuel transformé en surplus. »

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