CLIMAT  CHINE–ÉTATS-UNIS

Un accord insuffisant, selon un expert

Même s’il pourrait favoriser un déblocage diplomatique à la conférence de Paris l’an prochain, l’accord climatique entre la Chine et les États-Unis est loin de permettre une stabilisation du climat.

C’est ce qui ressort des calculs réalisés spécialement pour La Presse par Damon Matthews, un climatologue de l’Université Concordia.

M. Matthews fait partie d’un groupe de climatologues qui a établi que la température terrestre future dépend directement de la quantité totale de pollution émise depuis le début de la révolution industrielle.

Son travail sur le concept du « budget carbone » est désormais reconnu par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Cette approche a été d’ailleurs reprise récemment dans le cinquième rapport synthèse du GIEC : « Pour avoir une probabilité de plus de 66 % de limiter le réchauffement à 2 degrés, il faudrait que les émissions de CO2 depuis 1870 soient inférieures à 2900 milliards de tonnes. »

Environ 1900 milliards de tonnes ont déjà été émises. Il reste donc un budget de 1000 milliards de tonnes de gaz carbonique (GtCO2). Dépasser ce budget signifie provoquer un réchauffement de plus de 2 degrés Celsius.

La cible de 2 degrés de réchauffement a été établie en 2009 au Sommet de Copenhague. Au-delà de 2 degrés, les changements climatiques deviennent « dangereux », ont reconnu les pays du monde.

Mardi, la Chine et les États-Unis se sont engagés mutuellement à lutter contre les changements climatiques. Les États-Unis réduiraient leurs émissions annuelles de 27 % sous leur niveau de 2005 d’ici 2025. La Chine, de son côté, s’engage à plafonner ses émissions annuelles à environ 12 milliards de tonnes en 2030, mais elles continueraient d’augmenter d’ici là.

UNE PREMIÈRE

Même si cette poignée de main a été saluée comme une lueur d’espoir, elle implique que la Chine et les États-Unis vont utiliser en 15 ans seulement environ un quart du budget carbone planétaire, selon les calculs de Damon Matthews.

« Ça ne laisse pas grand-chose aux autres pays. Cela veut dire qu’on est encore loin de respecter notre budget carbone. Si les autres pays du monde adoptent des cibles similaires, le budget carbone sera dépassé. »

— Damon Matthews, climatologue de l’Université Concordia

Selon les calculs de M. Matthews, si les États-Unis et la Chine atteignent leur cible et que les émissions du reste du monde se stabilisent, le budget carbone de 1000 GtCO2 sera entièrement dépensé en 2043.

Théoriquement, cela voudrait dire que pour respecter le budget carbone, les émissions mondiales devraient tomber à zéro en 2044. Ce qui est évidemment impossible.

Comme le montre le graphique réalisé pour La Presse par M. Matthews, c’est un peu la quadrature du cercle.

Une analyse que confirme l’économiste Mark Jaccard, de l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique. « Il est évident que l’accord Chine–États-Unis ne nous empêchera pas de franchir la limite de 2 degrés », dit-il.

Cependant, ajoute-t-il, cet accord n’en est pas moins significatif, en raison de l’engagement de la Chine de plafonner ses émissions.

« Pour la première fois, on a un pays en développement – qui est aussi le plus grand émetteur – qui est d’accord pour dire qu’il plafonnera ses émissions en dépit des coûts financiers directs que cela implique, et sans exiger des sommes gigantesques des pays plus riches, dit-il. Cela va mettre de la pression sur l’Inde, le Brésil et les autres. »

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