ÉDITORIAL FRANÇOIS CARDINAL

AVENIR DU PARTI QUÉBÉCOIS À force de perdre…

Y a-t-il encore de la place au Québec pour une formation politique qui a la souveraineté comme seule raison d’être ?

La question se pose au lendemain du départ fracassant de la députée élue sous l’enseigne péquiste Catherine Fournier, qui a claqué la porte d’un parti qu’elle qualifie de « perdant ». Certains y voient le début de la fin du Parti québécois, mais cette prédiction est prématurée. Des formations plus moribondes ont su rebondir dans le passé.

Par contre, quand on voit que les pertes du PQ se sont parfois transformées en gains pour Québec solidaire ces dernières années, on peut s’interroger sur ce qui distingue ces deux partis, au-delà de leur histoire respective. Et étonnamment, l’une des grandes différences est leur position constitutionnelle : l’un est résolument souverainiste, alors que l’autre est… notamment souverainiste. La nuance est importante.

QS met en effet de l’avant un projet de société de gauche, d’abord et avant tout, lequel s’appuie sur plusieurs piliers comme la justice sociale, le féminisme, l’écologie et aussi, entre autres, la souveraineté.

C’est ce qui explique la présence en son sein de militants indépendantistes et fédéralistes, car ces derniers s’accommodent d’une position qui est aussi peu centrale dans le parti que peuvent l’être les discussions constitutionnelles dans le débat public aujourd’hui.

Et c’est aussi, possiblement, ce qui donne des ailes à cette formation qui gagne des appuis à chaque scrutin depuis 12 ans : il a ajouté l’indépendance à d’autres combats… plutôt que de chercher continuellement des combats à ajouter à la souveraineté. Comme le fait le Parti québécois.

Québec solidaire est ainsi davantage en phase avec une certaine portion de l’électorat pour qui la souveraineté fait partie de l’identité politique… sans en être le cœur.

Alors que de son côté, le Parti québécois doit justifier la poursuite de ses activités en l’absence de tout référendum à l’horizon en se magasinant des combats ponctuels.

C’est ainsi que la formation de René Lévesque a viré à droite sous Pierre Karl Péladeau puis à gauche sous Jean-François Lisée. Qu’elle était pluraliste sous André Boisclair et identitaire sous Pauline Marois. Qu’elle était pour la production pétrolière en 2012 et contre les subventions aux énergies fossiles en 2018.

C’est ce à quoi Catherine Fournier a fait référence, hier, dans son discours d’adieu à son ancien parti quand elle a déploré la fragmentation du mouvement souverainiste en raison « de luttes intestines, de stratégies électorales mal avisées et de trop nombreux changements de cap ».

Qui veut la peau du Parti québécois ?, demande Jean-François Lisée dans son livre tout juste sorti en librairie. C’est le Parti québécois, répond en substance celle qui représentait non seulement la relève de cette formation, mais aussi la preuve qu’elle pouvait encore attirer des jeunes au lendemain de la charte des valeurs.

« À force de perdre, le Parti québécois est devenu perdant, a-t-elle dit. Du même coup, il a aussi perdu beaucoup de sa pertinence. C’est logique : après tout, pourquoi voter pour un parti incapable de réaliser le projet pour lequel il a été fondé ? »

Mme Fournier pousse même l’audace jusqu’à inviter ses « amis péquistes à se poser réellement la question ». « Soyons lucides. Je sais que je dis aujourd’hui tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. »

Résultat : le PQ est plus meurtri que jamais. Il est réduit en nombre et devient de fait le quatrième parti à l’Assemblée nationale.

Mais il est surtout affaibli par rapport à son principal concurrent, Québec solidaire, à qui Catherine Fournier donne raison par la bande. Elle confirme en effet ce que ses co-porte-parole ne cessent de répéter : le Parti québécois n’est plus le véhicule de changement qu’il a déjà été.

Et le dur constat, c’est que ce serait bien difficile qu’il le redevienne – ou tout autre parti ayant la souveraineté comme mission première – dans un contexte où sa principale raison d’être est loin des préoccupations actuelles de l’électorat, qui ne se divise plus comme en 1970. Les clivages qui animent le débat public sont ailleurs : gauche/droite, identitaire/pluraliste, environnement/économie.

D’où la question : dans un contexte où l’axe Oui/Non n’opère plus, y a-t-il encore de la place pour un parti politique qui se définit uniquement ou même principalement par sa position constitutionnelle ?

La sortie de Catherine Fournier, qui a échappé, volontairement ou non, que la souveraineté doit désormais se discuter en dehors des partis politiques, nous fournit un début de réponse.

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