Cyclisme  Grand Prix cycliste de Québec

Matthews frustre Van Avermaet

Québec — En l’absence de Peter Sagan, le double tenant du titre parti parader son maillot de champion du monde en Espagne, Greg Van Avermaet tenait sa chance de secouer sa séquence de deuxièmes places au Grand Prix cycliste de Québec. Il a encore buté contre plus fort que lui.

Michael Matthews connaît lui aussi les affres du « presque » sur la Grande Allée. Troisième l’an dernier, derrière les susmentionnés, l’Australien avait fini deuxième en 2015, victime du coup du kilomètre diligenté par Rigoberto Uran.

On n’allait pas le lui refaire, hier après-midi.

Forcé de lancer son sprint plus tôt que prévu à 400 mètres de la ligne, Matthews a facilement maté Van Avermaet, qui s’était lancé à sa gauche. Avant de franchir le fil, il a eu le temps de se retourner pour voir le champion olympique venir mourir dans sa roue. Il s’est relevé, tout sourire, avant d’ouvrir les bras, incrédule, à l’image de Thomas Voeckler, gagnant de la course inaugurale en 2010.

« Un immense soulagement », a résumé Matthews, qui s’est laissé choir au sol avant de partager sa joie avec ses coéquipiers de Sunweb. « J’ai fini deuxième et troisième si souvent », a-t-il souligné en conférence de presse.

« Cette victoire est vraiment émotive. Ce n’est pas qu’une autre case à cocher. Je suis super heureux de gagner ici à Québec, une course que j’adore. »

— Michael Matthews

Multiple vainqueur d’étapes sur les trois grands tours, double médaillé aux championnats du monde, porteur du maillot de leader au Giro et à la Vuelta, celui qu’on surnomme Bling avait gagné dans à peu près tous les formats de course, sauf une grande course d’un jour.

« C’est la première chose à laquelle j’ai pensé en traversant la ligne d’arrivée. Une classique est tout ce qui manquait à mon palmarès. »

Une bataille épique

Encore disputée sous le soleil devant des milliers de spectateurs, l’épreuve de 201,6 km s’est résumée en une longue procession du peloton derrière une échappée condamnée à l’avance, avant que la véritable bataille s’engage à quatre tours de la fin.

L’increvable Bruno Langlois, 39 ans, Alex Cataford, son coéquipier de l’équipe nationale, Rob Britton (Rally Cycling), un autre Canadien, ont joint leurs efforts à ceux de l’Israélien Guy Sagiv et du Sud-Africain Nicolas Dougall (Dimension Data) pour passer un peu plus de 180 km en tête.

Les BMC de Van Avermaet leur ont laissé six minutes et demie d’avance avant de prendre le contrôle, aidés ensuite des Sunweb de Matthews.

Avec une cinquantaine de kilomètres à faire, les Astana, Hugo Houle en tête, ont secoué le pommier du peloton une première fois. Privés de leur sprinter Magnus Cort Nielsen, malade, ils ont durci la course à la faveur de Michael Valgren (9e) et du vice-champion olympique Jakob Fuglsang, qui a tenté de filer à deux reprises.

C’est plutôt le Britannique Peter Kennaugh, de Bora, libéré de ses obligations en l’absence de son coéquipier Sagan, qui a réussi à filer seul. Il a entretenu le suspense en roulant en tête pendant un tour et demi, mais le peloton des costauds a fondu sur lui à moins d’un demi-kilomètre de l’arrivée.

Esseulé, Roman Kreuziger s’est rapidement écarté, laissant le soin à Matthews de gérer ses affaires. Celui-ci a bondi à droite pour suivre le jeune Matej Mohoric avant de voir Van Avermaet partir de l’autre côté.

« J’avais beaucoup de confiance en mon sprint, ce qui aide toujours dans ce genre de final, mais j’ai paniqué un peu quand j’ai vu Greg partir sur ma gauche, a décrit Matthews. J’ai seulement essayé de conserver mon calme et faire mon propre sprint. Ce fut assez pour gagner. »

Le Belge Jasper Stuyven (Trek Segafredo) s’est invité sur la troisième marche du podium.

« J’espérais gagner »

Van Avermaet ne cachait pas que cette quatrième deuxième place à Québec, où il a aussi déjà fini troisième, était « un peu frustrante ».

« Surtout que Peter Sagan m’a battu deux fois et que j’avais battu Matthews la dernière fois, a dit le champion olympique. J’espérais gagner celle-là. Mais Matthews a l’air très fort dans le sprint. Essayons d’y voir le positif ; être ici est déjà quelque chose. »

Matthews était débarqué à Québec en racontant que sa première moitié de saison difficile (maladie, chute, blessures, abandon prématuré au Tour) était probablement attribuable à une selle mal ajustée de huit millimètres…

« J’aurais pu m’asseoir, mettre la saison à la poubelle et penser à l’an prochain. Mais mon équipe est restée très positive et a tenté de me garder motivé pour la deuxième partie. Avec l’appui de ma femme, j’ai vraiment sacrifié beaucoup de choses pour arriver en forme ici. C’est vraiment un sentiment merveilleux en ce moment. »

Demain sur le mont Royal, Matthews tentera d’imiter son compatriote Simon Gerrans, unique double vainqueur des Grands Prix cyclistes canadiens en 2014. « Cette année-là, il volait vraiment. Ça va être super dur à faire… »

Grand Prix cycliste de québec

La journée de trois Québécois

Les regrets de Guillaume Boivin

Sacré meilleur Canadien pour la troisième année de suite, moins de trois mois après s’être fracturé le plateau tibial, Guillaume Boivin éprouvait plus de regret que de satisfaction après sa 21e place au Grand Prix cycliste de Québec. Il a terminé dans le même temps que le vainqueur Michael Matthews, avec qui il avait déjà partagé le podium aux Mondiaux U23. « C’est drôle, je pense que c’est la fois où j’avais le plus de jambes pour le finish, a souligné le Montréalais d’Israel Cycling Academy. Mais il y a eu plusieurs accrochages dans les 500 derniers mètres. Avec un gros vent de face, les gars explosaient devant et revenaient par le centre du peloton. C’était un peu le bordel. Deux ou trois gars de FDJ se sont pris ensemble. J’ai dû mettre les freins. Ça tue dans un final comme ça. C’est dommage parce que j’étais relativement bien au kilomètre et pas trop mal placé. Au moins, les jambes ne sont pas si mal. »

Hugo Houle, le bon soldat

En bon soldat, Hugo Houle a fait ce qu’on attendait de lui : durcir le rythme avec quatre tours à faire dans l’espoir de mettre la table pour ses coéquipiers Michael Valgren et Jakob Fuglsang. L’opération n’a finalement rien donné. Logiquement, le Québécois d’Astana a été lâché dans l’avant-dernière montée de la côte de la Montagne et a été le dernier à rallier l’arrivée, avec une dizaine de minutes de retard. Jamais avare de ses efforts pour le collectif, le cycliste de Sainte-Perpétue cachait mal une certaine amertume de n’avoir pu mettre à profit ses jambes de feu. « Avec la forme que j’ai, c’est sûr que j’aurais peut-être aimé essayer pour vrai dans le final, mais ça fait partie du jeu. C’est le sport, je suis payé pour ça. Je suis content d’avoir bien pu faire mon travail, d’avoir bien roulé. »

« Mission accomplie » pour Langlois

182 : c’est le nombre de kilomètres passés en tête par Bruno Langlois, qui a enfin pu se glisser dans l’échappée du jour, ce qu’il n’avait encore jamais réussi à ses sept Grands Prix de Québec précédents. « Mission accomplie », s’est félicité l’athlète de 39 ans, dernier coureur à rejoindre le quintette de tête. « Pouvoir tenir tête au peloton comme ça, avec les meilleurs au monde, chez nous, je ne sais pas trop quoi dire… Pour moi, c’est un peu comme une victoire. » Seul regret, Alex Cataford, l’autre membre de l’équipe nationale dans le groupe de fuyards, n’a pu décrocher le Grand Prix de la montagne, remis au Britannique Peter Kennaugh, principal animateur de la fin de course.

— Simon Drouin, La Presse

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