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Quand les chercheurs sortent de leur tour d’ivoire

On entend souvent dire que la recherche universitaire est déconnectée de la réalité et qu’elle évolue dans une tour d’ivoire. Mais le fait est que la rencontre entre la recherche et les citoyens existe bel et bien. Elle est méconnue, certes, mais bien réelle et surtout très active.

Au sein de plusieurs universités tant québécoises que canadiennes, de nombreuses activités de recherche et d’innovation sont pensées en fonction des besoins de la société et surtout réalisées avec les acteurs des milieux concernés. C’est ce qui définit l’essence même de ce qui est appelé la recherche-action. En un mot, il s’agit d’orienter la recherche sur des enjeux importants pour la société en réalisant une construction conjointe des savoirs, grâce à une collaboration étroite entre les chercheurs et leurs partenaires.

On parle ici de projets de recherche qui associent les acteurs du milieu dès l’élaboration de ces projets plutôt que de transmettre a posteriori des connaissances qui n’auraient pas les pieds ancrés dans la réalité et les besoins de notre société.

L’objectif est donc dans ce cas d’accroître les retombées de la recherche scientifique à impact social en atténuant, voire en effaçant la ligne qui trop souvent divise les scientifiques et les citoyens qui doivent être les premiers bénéficiaires de ces connaissances.

Citons en exemple le Service aux collectivités de l’UQAM qui développe depuis plus de 30 ans cette approche participative en réponse aux besoins exprimés par les groupes de femmes, les centrales syndicales et les organismes communautaires. Les travaux du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES), une organisation interuniversitaire et pluridisciplinaire, portent aussi, entre autres, sur des initiatives locales de développement et de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.

Intelligence artificielle, catastrophes, cyanobactéries

Plus récemment, le groupe HumanIA de l’UQAM s’est donné pour mission l’étude des enjeux sociaux, économiques, politiques, juridiques, culturels et scientifiques associés au développement de l’intelligence artificielle (IA). Les progrès récents de l’IA reposent sur l’amélioration des performances des algorithmes d’apprentissage et la disponibilité de données massives qui permet à ces algorithmes d’apprendre des connaissances toujours plus précises et complexes.

Si les perspectives d’innovation semblent illimitées, elles soulèvent des enjeux éthiques et sociaux fondamentaux : on pense ici à l’utilisation des données personnelles, à la responsabilité et la transparence ou encore à la discrimination et à la protection des citoyens. Le groupe HumanIA mène une réflexion critique sur l’évolution de l’IA, en collaboration avec des partenaires comme les grandes centrales syndicales, des entreprises privées et toutes les institutions concernées par ces nouveaux enjeux du XXIe siècle. Son travail direct avec les acteurs du milieu et son orientation humaniste en font un pôle de référence sur l’étude des impacts sociétaux de l’IA.

Parlons également des travaux entrepris par le réseau sur les risques et catastrophes. À l’échelle mondiale, les catastrophes naturelles aggravées par le réchauffement climatique ont en effet triplé depuis les 30 dernières années. Et avec la croissance démographique et l’urbanisation, les risques de répercussions économiques, sociales, sanitaires et environnementales sont devenus extrêmement importants, surtout à l’échelle des communautés locales.

Ce réseau préconise les retours sur expérience et les tables de concertation entre scientifiques, universitaires et représentants des ministères et de la société civile pour analyser les cas de catastrophes naturelles survenues et ainsi élaborer des plans d’action pour gérer les conséquences qui bouleversent la vie de milliers de citoyens.

On pourrait aussi mentionner l’exemple de la collaboration de longue date qui existe entre des chercheurs de l’UQAM et la Ville de Bromont. Le lac Bromont était aux prises avec un développement important de cyanobactéries qui l’asphyxiaient inexorablement.

Un vaste programme de recherche a donc été déployé pour déterminer les causes de la prolifération des algues et restaurer ainsi l’écosystème. 

Urbanisation, déboisement, densification, agriculture et activités récréatives sont les principales causes du surplus de phosphore qui nourrit ces cyanobactéries. Les chercheurs ont recommandé l’épandage d’un produit pour éliminer les algues, mais conscients qu’une solution a posteriori était insuffisante, ils ont aussi proposé des actions en amont pour supprimer les sources externes de phosphore qui affectaient le lac. De plus, grâce à une collaboration étroite entre la Ville et l’équipe de chercheurs, un centre d’interprétation a été ouvert, permettant aux visiteurs de mieux comprendre les enjeux liés aux cyanobactéries et à la pollution de nos beaux lacs.

La recherche-action permet donc aux chercheurs de répondre directement aux besoins des communautés et de la société. Son déploiement de plus en plus marqué doit faire réfléchir ceux qui dénoncent le phénomène de la tour d’ivoire. Cette recherche-action illustre la pertinence de poursuivre dans la voie d’une recherche universitaire collaborative, attentive aux besoins et aux enjeux, mais aussi aux idées de tous.

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