ANNULATION DU GALA TRIOMPHE

Querelle de coqs entre Labeaume et Aubut

Le maire de Québec Régis Labeaume et l’avocat Marcel Aubut sont au cœur d’une querelle juridico-médiatique dans la Capitale-Nationale depuis l’annulation, il y a deux semaines, du Gala Triomphe. Plus personne ne triomphe aujourd’hui, alors que pleuvent les accusations et les menaces de poursuites.

Qu’est-ce que le Gala Triomphe ?

Lors de la vente des Nordiques, il y a 20 ans, le propriétaire Marcel Aubut et ses coactionnaires ont créé la Fondation Nordiques, dotée d’un capital de 10 millions. Il y a deux ans, elle a repris l’organisation du gala qui récompense depuis 1956 les athlètes les plus méritants de la région de Québec. Ainsi est né le Gala Triomphe, dont la première mouture, en 2014, a réuni 2600 invités au Centre des congrès de Québec et a permis, selon la Fondation Nordiques, de récolter 565 000 $ « au bénéfice des athlètes et organismes sportifs ». (On ignore quelle proportion de cette somme a été effectivement distribuée.)

Pour cette année, Marcel Aubut voyait encore plus grand. Des tables à 3000, 5000 et 10 000 $ avaient été vendues pour l’événement, où l’on devait à la fois honorer les athlètes et célébrer l’histoire du Colisée, voué à la démolition. Véronic DiCaire et André-Philippe Gagnon devaient s’y produire devant 1400 personnes, dont les anciennes gloires du Colisée Joe Sakic, Guy Lafleur et Peter Stastny.

Pourquoi le gala a-t-il été annulé ?

À cause d’un conflit d’horaire avec les Remparts, locataires prioritaires du Colisée, qui disputaient la demi-finale de la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Le gala devait avoir lieu le jeudi 30 avril, mais le spectacle à grand déploiement élaboré par Me Aubut et ses collaborateurs nécessitait 56 heures consécutives d’installation dans le Colisée. Cela entrait en conflit avec le match des Remparts du mardi 28, qu’il était pratiquement impossible de retarder pendant trois ou quatre jours sans compromettre l’horaire de la suite des séries éliminatoires. Me Aubut a annoncé l’annulation du gala le 24 avril, après l’échec des pourparlers avec Expo-Cité, le service de la Ville de Québec qui gère le Colisée.

N’y avait-il pas un contrat entre tout ce beau monde ?

La question est au cœur du litige. Me Aubut affirme que oui, contredisant Expo-Cité, qui affirme qu’il n’a jamais été paraphé. La Fondation Nordiques a envoyé une mise en demeure à la Ville de Québec la semaine dernière. Selon Radio-Canada, seul média à avoir vu le document, la Fondation dit avoir signé le contrat le 21 avril et annonce son intention de réclamer des dommages pour les dépenses encourues. « S’il voulait montrer son sérieux, Me Aubut devrait déposer rapidement sa poursuite et la documentation qui démontrerait que sa thèse est cohérente », dit l’avocat Marc Bellemare, ancien candidat à la mairie. Me Aubut ne discute plus publiquement du Gala, faisant valoir que le dossier « est judiciarisé ».

Que pense Régis Labeaume de tout ça ?

Il n’a pas semblé très impressionné, qualifiant de « théâtre » la position de la Fondation et annonçant que la Ville rendrait bientôt publique sa réponse à la mise en demeure. Selon lui, son administration n’a pas à être tenue responsable de la « démesure » du Gala. Il a aussi laissé planer le doute sur la Fondation Nordiques en disant qu’un éventuel recours judiciaire serait une bonne occasion de découvrir comment est utilisé l’argent qu’elle administre. « Est-ce que la majorité des sommes vont aux athlètes ? On n’a jamais vraiment su ce qu’il en était », a-t-il dit.

Y a-t-il vraiment lieu de se poser des questions sur l’administration de la Fondation Nordiques ?

Non, affirme André Sarasin, ex-chef de l’exploitation de la papetière Daishowa et administrateur de la Fondation de 1995 à 2013. « M. Labeaume rêve en couleurs. Il aurait dû se fermer la trappe. J’étais signataire des dépenses de la fondation et j’ai pu m’assurer que tout était fait dans les règles. » Le chef de l’opposition, Paul Shoiry, déplore pour sa part « la fâcheuse habitude du maire de laisser entendre des choses sur toutes les personnes qui le contrarient ». N’empêche, à Québec, les rumeurs courent. « Ce que Marcel Aubut fait de sa fondation, c’est son affaire. Mais les 5000 ou 10 000 $ pour les tables du gala Triomphe, j’aimerais savoir à qui ça va », dit un homme d’affaires de la région, qui, comme plusieurs autres contactés par La Presse, a réclamé l’anonymat.

Cette affaire pourrait-elle avoir des conséquences pour Québec ?

Régis Labeaume a assuré jeudi que l’imbroglio n’affecte en rien les chances de Québec d’obtenir une équipe de hockey professionnel, car c’est Québecor, et non Marcel Aubut, qui discute avec la Ligue nationale de hockey. Tout de même, ce genre d’événement ne passera pas inaperçu dans les officines new-yorkaises de la LNH, estime Marc Bellemare, qui juge toute l’affaire « catastrophique ». « C’est pas Joe Bleau et Ti-Coune [qui s’affrontent]. Ce sont les deux personnalités de Québec les plus connues sur la scène internationale », dit-il.

Alors, à qui la faute ?

Difficile à dire tant qu’on n’aura pas vu la poursuite de la Fondation Nordiques – si elle se concrétise un jour, ce dont certains doutent – ou la réponse de la Ville à la mise en demeure. Mais en attendant, les grands perdants sont sans aucun doute ceux qui n’ont rien à se reprocher : les athlètes qu’on devait honorer lors du gala.

LA FONDATION NORDIQUES

14,5 millions

Actifs de la Fondation Nordiques en 2014

5 millions

Somme distribuée à des étudiants-athlètes et des organismes de bienfaisance au fil des ans

3,1 millions

Revenus en 2013-2014

1,1 million

Dépenses en 2013-2014

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