Immobilier

Le condo, nouvelle CIBLE des investisseurs

Ils sont tout nouveaux, pas très grands et chers. Mais ils sont très recherchés. De nouveaux rapports d’experts le confirment, les condos au centre-ville de Montréal sont de plus en plus prisés des investisseurs.

Copropriétés

Les investisseurs accourent au centre-ville

Des tours de 45, 50, voire 55 étages qui se bousculent dans le paysage. Des prix de vente au pied carré qui dépassent les 800 $. Des acheteurs qui attendent sous la pluie pour acquérir des unités les jours de lancement. Des projets qui se vendent au complet avec peu ou pas de publicité… Pas de doute, la copropriété à Montréal est devenue un marché d’investisseurs.

C’est ce qu’affirme sans hésiter Gilles Ouellet, un consultant en marketing immobilier qui roule sa bosse depuis près de quatre décennies.

Des clients lui ont commandé récemment une étude de marché exhaustive pour comprendre ce qui se passait avec le marché du condo au centre-ville, où les succès des Tours des Canadiens, de L’Avenue et du Roccabella ont marqué les esprits.

Au cours des mois de mars et avril, M. Ouellet a passé au crible huit projets d’envergure actuellement en vente au centre-ville. Nous avons pu consulter les rapports produits par sa firme, qui font une quinzaine de pages par projet. Il a aussi analysé un projet dans le quartier Angus et un dernier à Laval-sur-le-Lac.

« Ce n’est pas vraiment le marché local qui fait vivre le centre-ville. C’est le marché des investisseurs », soutient le président de Groupe Solutions, marketing immobilier.

« Les investisseurs étrangers se sont lancés sur Montréal après avoir été évincés de Toronto et de Vancouver [à la suite des surtaxes sur les achats de non-résidants]. Des investisseurs locaux ont aussi compris qu’il était possible de faire de l’argent en immobilier même en restant petit. » 

— Gilles Ouellet, président de Groupe Solutions, marketing immobilier

Il attribue la force de cette vague d’acheteurs locaux à la popularité des clubs immobiliers au Québec.

Les investisseurs peuvent louer leurs unités à court terme par le truchement d’Airbnb, comme à la Tour des Canadiens, ou en les louant à long terme, notamment aux nombreux étudiants étrangers fréquentant les établissements du centre-ville. « Montréal est devenu un centre universitaire d’envergure mondiale », souligne M. Ouellet.

Le classement 2018 QS Best Student Cities (QS Quacquarelli Symonds) place Montréal au quatrième rang des meilleures villes universitaires parmi 489 candidats à travers le monde, se félicitait l’organisme Montréal International fin mai. Montréal accueille 33 000 étudiants internationaux.

Adepte de la théorie des cycles immobiliers, M. Ouellet prévoit que d’autres tours sortiront de terre au centre-ville jusqu’autour de 2025.

Des investisseurs étrangers bien présents

M. Ouellet n’est pas le seul observateur à avoir constaté l’engouement des investisseurs. Vincent Shirley, directeur, services-conseils, développement immobilier et terrain, au Groupe Altus, nomme l’arrivée des investisseurs hors Québec dans le marché comme la donnée qui a tout changé.

« Ce qui a fait exploser la demande de condos dans les 18 derniers mois, c’est clairement un ajout d’intérêt qui provient d’investisseurs du reste du Canada et étrangers, dont des Chinois qui accèdent à Montréal plus facilement grâce aux vols directs. » 

— Vincent Shirley, directeur au Groupe Altus

Altus scrute à la loupe le marché du condo neuf au centre-ville. Il effectue aussi des études de marché pour les promoteurs.

« Est-ce qu’on aurait conseillé à un promoteur, il y a 18 mois, de considérer les investisseurs hors Québec dans son bassin d’acheteurs potentiels ? Absolument pas. Aujourd’hui ? se demande M. Shirley. Ça fait clairement partie de la stratégie de vente. »

Cette nouvelle réalité, si elle devait persister, continuerait d’avoir des effets sur la dynamique de marché. « Près de la moitié des nouvelles unités dans les grands complexes en construction sont soit des studios ou des logements de une chambre, comptant moins de 600 pieds carrés », fait remarquer M. Shirley.

« Il n’y a personne qui veut vivre dans aussi petit, sauf si on est locataire et qu’on sait qu’on va y rester un an ou deux », renchérit M. Ouellet.

Autre conséquence : des prix de vente atteignent des niveaux rarement vus. 

« On a vu une assez forte progression de prix dans le neuf depuis un an, un an et demi », convient Vincent Shirley, qui ne s’avance pas à la quantifier toutefois.

Prochain immeuble d’envergure devant voir le jour au centre-ville, la Tour Centra comptera 45 étages hors sol et proposera 680 unités. La taille restreinte des logements et l’abondance et la qualité des aires communes poussent le prix moyen au pied carré au-delà des 700 $. Chez Humaniti, un projet à vocation multiple dans le Quartier international, le prix moyen au pied carré approche les 1000 $.

« Je fixerais le prix acceptable pour les propriétaires-occupants locaux pour un produit de catégorie supérieure autour de 500 $ le pied carré », répond Gilles Ouellet, à qui on a posé la question. Pour un condo de deux chambres de 1000 pieds carrés, ça donne un prix de vente d’un demi-million.

Poussée de nouveaux gratte-ciel

Avant les Tours des Canadiens, les gratte-ciel à Montréal étaient essentiellement des immeubles de bureaux. Aujourd’hui, les tours récentes qui approchent ou dépassent les 50 étages sont des tours de condos ou bien des projets mixtes avec une forte composante résidentielle comme L’Avenue, dans le voisinage du Centre Bell.

On a fait la queue

Le jeudi 26 avril dernier, Humaniti organisait une soirée VIP pour marquer le début des ventes de condos de son projet où l’unité type de 850 pieds carrés se vend autour de 800 000 $, incluant le garage et les taxes. L’événement se déroulait à 17 h au parquet de l’édifice Jacques-Parizeau, place Jean-Paul-Riopelle. Les premiers acheteurs se sont mis en ligne à 7 h 30 le matin sous la pluie. Quelque 75 unités sur 157 ont été vendues dans la soirée.

Un lancement au Club St-James

Les promoteurs du YUL, Groupe Brivia, ont lancé le projet de NEST Condos (87 unités réparties en 11 étages) auprès du public et des courtiers immobiliers le 13 juin au Club St-James. Une semaine plus tard, un bulldozer s’activait sur le lot de la rue Crescent devant accueillir le NEST, laissant présager un début rapide des travaux. « À Toronto, où l’on voit des projets qui se vendent à 60 % au moment du lancement, des promoteurs mettent moins d’argent dans des bureaux de vente clinquants, et plus de moyens sont orientés vers les courtiers », explique Vincent Shirley.

Hausses de prix à prévoir

L’enthousiasme des investisseurs, s’il devait persister, va créer un déséquilibre entre la demande et l’offre pour les condos au centre-ville, prévient un spécialiste du Groupe Altus. Dans un tel scénario, l’inflation des prix ira en s’accélérant.

La demande poursuit son erre d’aller

Après un quatrième trimestre 2017 record, le centre-ville a continué sur sa lancée au premier trimestre 2018 avec 971 ventes de condos neufs contre 700 au même trimestre en 2017, en hausse de 40 %. Les chiffres sont tirés du plus récent Aperçu du marché de la copropriété, préparé par le Groupe Altus.

Les stocks fondent

Unités construites et invendues au centre-ville : 60 (-54 % en un an)

Source : Groupe Altus

Presque à sec

« La conjoncture qui est en train d’arriver est que la demande va dépasser la capacité de l’offre en termes de produits neufs. Dans Griffintown, pratiquement tous les condos sont vendus. Ailleurs au centre-ville, l’inventaire déjà construit, neuf et disponible est soldé. Le stock en construction est presque tout vendu. Quand de nouvelles tours arrivent sur le marché, le pourcentage de ventes au lancement explose. On arrive avec le même principe que Toronto avec des lancements qui vont chercher 60, 80, 90 % de ventes pendant le trimestre de lancement. » 

— Vincent Shirley, directeur, service-conseils, développement immobilier et terrain, Groupe Altus

Condos existants : à l’avantage des vendeurs d’ici peu

Après avoir favorisé les acheteurs ces dernières années, le marché du condo existant au centre-ville est devenu équilibré au premier trimestre. C’est fort possible que le marché bascule en faveur des vendeurs avant longtemps, convient Paul Cardinal, directeur du service d’analyse à la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ), puisque le marché connaît une grosse progression depuis le début de 2018.

Les stocks de propriétés à vendre couvrent 8,6 mois de demande en mai 2018, et le marché devient favorable aux vendeurs quand les stocks descendent sous la barre des 8 mois. Pour les cinq premiers mois de 2018, les ventes progressent de 4 %. Les propriétés à vendre reculent de 23 %, et le délai de vente s’est raccourci de 20 jours en un an, pour se situer à 98 jours.

À quoi s’attendre comme hausse de prix ?

Dans un tel contexte, « il est fort à parier qu’on devrait voir des progressions de prix plus musclées que ce qu’on a vu ces dernières années », soutient M. Shirley. Dans l’existant, la hausse moyenne des prix depuis 5 ans est de 10 %, soit 2 % par année. Pour les mois de janvier à mai, le prix médian des condos revendus par l’entremise du système Centris est en hausse de 9 %.

Depuis mai 2017, 1 revente de condo sur 10 au centre-ville a fait l’objet de surenchère, a constaté la FCIQ.

Cependant, M. Cardinal ne se commet pas à chiffrer l’ampleur de l’inflation à venir. « La hausse des mises en chantier depuis 2017 vient réduire l’effet de rareté qui pourrait se créer actuellement », dit-il.

Dix raisons de la forte demande

1. Le taux d’inoccupation des logements locatifs a recommencé à baisser.

2. Les rendements obligataires restent faibles. L’immobilier devient attrayant.

3. L’économie roule à plein régime, et le chômage est au plancher.

4. Les grands de la techno (Google, Microsoft, Airbnb, Facebook) embauchent à Montréal.

5. Absence de surtaxe ciblant les achats immobiliers par les étrangers

6. Mise en service de vols directs avec la Chine

7. L’effectif des universités est en croissance.

8. Montréal est devenu un centre universitaire de calibre mondial.

9. Les stocks de logements locatifs traditionnels ont mal vieilli.

10. Bond spectaculaire du solde migratoire. Le Québec a gagné 65 000 personnes en 2017, solde migratoire et solde des résidents non permanents réunis.

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