« Confusion des genres »
Avocat de formation, Pierre Moreau a pris ses distances du discours de Jacques Chagnon qui, mardi, a demandé à l’UPAC « qu’on accuse ou qu’on s’excuse » auprès de Guy Ouellette, arrêté puis relâché la semaine dernière. S’il soutient le président de la Chambre quand il affirme se porter à la défense des parlementaires, M. Moreau affirme qu’il y a « confusion des genres » dans les propos de M. Chagnon. « Ce n’est pas à l’Unité permanente anticorruption de porter des accusations », mais bien au Directeur des poursuites criminelles et pénales, a-t-il plaidé.
Selon lui, « tous les citoyens peuvent être arrêtés sans être accusés. Ça fait partie du processus qui est prévu et que les policiers peuvent utiliser de façon légale. […] Si M. Ouellette estime [qu’il a été victime d’intimidation], il peut déposer une plainte à la police ». En Chambre, devant une motion proposée par le Parti québécois (PQ) visant à saluer « le discours historique » de Jacques Chagnon, Pierre Moreau est le seul parlementaire qui s’est levé en abstention plutôt que de l’appuyer. Philippe Couillard avait pourtant manifesté la position de son parti en se levant en faveur de la motion.
« Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un discours historique, a affirmé M. Moreau au terme du vote. On politise un débat qui est essentiellement dans les mains du système de justice avec la séparation des pouvoirs, avec le fait notamment que la police doit faire son travail. »
Jacques Chagnon n’a guère apprécié les remarques de M. Moreau. « Si l’UPAC ne va pas voir le DPCP, il n’y a pas d’accusation », a-t-il fait valoir à des journalistes. Il a reproché à son collègue de jouer sur les mots comme l’UPAC. « Là, je comprends que c’est comme l’UPAC qui nous dit : “on ne l’a pas piégé, on l’a appâté…” C’est un peu rocambolesque. S’il y avait un chasseur dans ce groupe, il aurait de la misère à comprendre. Ou un pêcheur. Quand t’appâtes, c’est pour piéger ! » a-t-il lancé.
Prêt pour une bataille judiciaire
Le président de l’Assemblée nationale est prêt à se rendre devant les tribunaux si le privilège parlementaire est remis en question par l’UPAC avec une fouille du téléphone cellulaire et de l’ordinateur du député Guy Ouellette. Ce matériel a été saisi par l’organisation de Robert Lafrenière lors d’une perquisition la semaine dernière.
Mardi après-midi, elle a dit attendre de voir si le privilège parlementaire serait invoqué pour en restreindre l’accès aux enquêteurs. Si c’est le cas, un juge devra trancher, a-t-elle fait savoir. Pour Jacques Chagnon, l’UPAC est en train de défier l’Assemblée nationale.
« J’ai entendu que si j’utilisais le privilège parlementaire, on irait en cour. C’est un défi, je le comprends. Je vous dis : on verra. »
— Jacques Chagnon, président de l’Assemblée nationale
Selon lui, l’UPAC devrait lui signifier son intention de procéder à une fouille du cellulaire et de l’ordinateur. « On va commencer par voir la première demande. Chose certaine, c’est du matériel de l’Assemblée nationale, ça appartient à l’Assemblée nationale. Ça n’appartient pas au parlementaire », a-t-il souligné. Le président déterminera bientôt officiellement si ce matériel est couvert par le privilège parlementaire – il laisse entendre que c’est le cas sans le dire clairement. Il n’a pas eu de contact avec l’UPAC jusqu’ici.
Vers un comité de surveillance de l’UPAC
Afin de resserrer la reddition de comptes de l’UPAC, Philippe Couillard s’est dit favorable à la création d’un comité de surveillance de ce corps policier. « C’est une option qui nous intéresse grandement », a déclaré le premier ministre. Le gouvernement a annoncé lundi avoir mis sur la glace le projet de loi 107 qui devait augmenter l’autonomie de l’UPAC. Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a expliqué vouloir l’amender pour resserrer la responsabilité et la reddition de comptes de l’organisme.
La Coalition avenir Québec a suggéré mardi la création d’un tel comité. Elle a reproché au gouvernement, hier, de ne pas aller de l’avant dès maintenant. « Avant de nous engager à 100 %, avec certitude, laissons quelques analyses se faire », a répliqué M. Couillard. Il a rejeté la demande de l’opposition visant à convoquer Robert Lafrenière en commission parlementaire afin de faire la lumière sur l’arrestation de Guy Ouellette.
« Une commission parlementaire ne nous apportera strictement rien sur cette question et risque, au contraire, de donner le triste spectacle d’une Assemblée nationale se divisant de façon partisane sur une enquête policière. »
— Philippe Couillard, premier ministre du Québec
Questionné à savoir s’il était satisfait des explications données par l’UPAC en conférence de presse, le premier ministre a répondu que, selon ce qu’il a « perçu », l’organisation était allée « au maximum » de ce qu’elle pouvait dire « compte tenu de l’enquête en cours ».
Le PDG de l’AMF nie toute collusion
Une trentaine de firmes de consultants ont accompagné des entreprises jusqu’ici dans le processus d’obtention d’un certificat d’intégrité auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), soutient son PDG Louis Morisset. L’AMF ne recommande pas de firme en particulier, et aucune « ne va réussir à passer plus vite et à faire passer son dossier au détriment d’une autre », selon lui. Il rejette ainsi les allégations de l’ex-analyste Annie Trudel selon lesquelles il y aurait un stratagème de collusion et de corruption entre l’AMF, l’UPAC et une firme de consultants.
Guy Ouellette devait en dire davantage en Chambre mardi sur ces allégations, mais il ne l’a pas fait. Dans les jours qui ont précédé, il accusait l’UPAC de l’avoir arrêté pour l’empêcher de révéler ce prétendu stratagème.
« Je trouve ça très déplorable parce que les allégations sont extrêmement graves et entachent injustement notre réputation. »
— Louis Morisset, PDG de l’AMF, en marge de son passage en commission parlementaire sur un autre sujet, hier
« Je comprends qu’il y a un enjeu de fond, qui m’apparaît être le fait que des consultants externes interviennent pour le compte d’entreprises et leur chargent des honoraires probablement très élevés. Mais je réponds à cet égard que ce n’est pas notre faute, ce n’est pas notre problème, en quelque sorte. Nous n’exigeons pas que ces entreprises passent par un consultant externe. » La firme qui obtient le plus de mandats auprès d’entreprises détient « peut-être 20 % » de ce « marché d’accompagnement », pour reprendre ses termes. Sur 4000 entreprises ayant obtenu une certification jusqu’ici, environ 150 ont eu un préavis de refus, et le même nombre a reçu une « demande de correctifs » de la part de l’AMF.
Pour s’assurer qu’une entreprise apporte les correctifs, l’AMF « exige parfois la perspective d’un tiers indépendant », ce qui nécessite alors l’intervention de consultants externes, selon Louis Morisset. Rappelons qu’un certificat d’intégrité est nécessaire pour qu’une entreprise puisse obtenir des contrats publics. Le processus pour l’obtenir est réputé long et complexe.