Opinion Stratégie nationale du logement

De l’espoir pour les itinérants chroniques

Le gouvernement fédéral a annoncé hier une volte-face marquée et remarquable dans son approche pour faire en sorte que toutes les Canadiennes et tous les Canadiens aient accès au logement en dévoilant sa première Stratégie nationale sur le logement de tous les temps. Les libéraux des années 90 ont abandonné l’engagement à long terme pris par Ottawa de financer la réponse à un besoin essentiel pour tous : l’accès à un logement propre, sécuritaire et abordable. La nouvelle stratégie prévoit 40 milliards sur plusieurs années.

Nous pouvons critiquer le fait que l’argent sera versé à retardement, et que les sommes les plus importantes seront disponibles uniquement après les prochaines élections. Nous pouvons déplorer, avec raison, les retards dans la mise en œuvre de solutions concrètes à l’instabilité en matière de logement, à la pauvreté et à l’itinérance que cette structure de financement pourra causer. Nous pouvons regretter que la stratégie mette principalement l’accent sur la réparation des logements existants et la prolongation d’ententes qui arrivent à échéance pour ceux qui habitent actuellement dans des logements subventionnés. Nous pouvons craindre que les négociations requises avec les gouvernements provinciaux pour la distribution des fonds compliquent la mise en œuvre de la stratégie et même en atténuent l’impact.

N’exigeons toutefois pas la perfection au détriment d’une amélioration alors que 35 000 personnes au Canada, dont plus de 3000 Montréalais, dorment dans la rue ou dans des refuges toutes les nuits. 

Après tout, nous pouvons nous réjouir du fait que le gouvernement fédéral a finalement repris une position centrale sur la question du logement abordable.

Les aspects les plus positifs de ce revirement important et bienvenu comprennent, bien sûr, l’injection de 40 milliards d’argent frais pour régler un problème social urgent – et soluble. Et la Déclaration du droit au logement pour tous les Canadiens mérite une mention spéciale. Ce droit sera enchâssé dans la législation et mettra une pression positive sur le gouvernement actuel et les gouvernements à venir pour adopter des mesures qui permettront de mettre fin à l’itinérance chronique au Canada.

Le gouvernement a également annoncé que 4,3 milliards de l’enveloppe budgétaire seraient consacrés aux prestations relatives au logement pour favoriser l’accès au logement pour 300 000 Canadiens dans le besoin. Cette prestation est particulièrement bénéfique puisqu’elle s’applique directement au bénéficiaire, plutôt qu’à une unité d’habitation particulière, comme c’est le cas pour les logements sociaux. Cette souplesse permettra de réduire plus rapidement l’itinérance chronique puisque la première expérience de logement de ces personnes ne leur permet pas toujours d’atteindre la stabilité, et qu’elles doivent souvent déménager.

Le gouvernement fédéral croit que ces initiatives permettront de réduire l’itinérance chronique au Canada de 50 %. Au Québec, nous pouvons — et nous devrions — nous attendre à mieux.

Lorsque le gouvernement fédéral a aboli le financement des projets de logement abordable dans l’ensemble du Canada, le Québec n’a pas suivi. Ici, nous sommes restés déterminés à financer l’accès au logement pour les individus marginalisés de la société. Les données actuelles indiquent que le nombre d’itinérants en pourcentage de la population totale est inférieur ici à celui de plusieurs autres provinces et nous pouvons attribuer ce résultat à notre engagement constant à loger les familles et les personnes vulnérables.

Enfin, le gouvernement fédéral a mené de vastes consultations, notamment auprès des soussignés, pour revoir sa Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance et cette consultation aboutira peut-être, au cours des prochains mois, à des efforts considérables et concertés pour mettre fin à l’itinérance chronique.

Les Québécois peuvent percevoir cette nouvelle stratégie nationale du logement et la prochaine stratégie de lutte contre l’itinérance comme des étapes importantes dans la lutte contre l’itinérance chronique – contre une vie passée à entrer et à sortir des refuges – dans nos villes et nos villages.

Quand on pense aux énormes problèmes que vivent nos concitoyens les plus pauvres et marginalisés, on peut rarement être optimistes. Aujourd’hui, nous pouvons nous permettre de l’être.

Sam Watts, président-directeur général, Mission Bon Accueil ; François Boissy, président-directeur général, Maison du Père ; Aubin Boudreau, directeur général, Accueil Bonneau ; et Florence Portes, Pavillon Patricia Mackenzie

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