MANGER LOCAL

De la ferme à l'école

Jumeler des écoles à des agriculteurs de leur communauté, voilà la pierre angulaire du mouvement « Farm to School », une philosophie qui permet aux élèves de manger local tout en comprenant d’où vient leur nourriture. Profondément enracinée chez nos voisins du Vermont, cette approche éducative commence à germer au Québec.

UN REPORTAGE DE DAPHNÉ CAMERON

Six ans d’acharnement pour un burger local

Les établissements québécois peuvent-ils s’inspirer des efforts d’approvisionnement local des écoles du Vermont, pionnières du mouvement « De la ferme à l’école » ?

BURLINGTON — Doug Davis est un homme tenace. Un jour, le responsable des achats alimentaires pour la dizaine d’écoles primaires et secondaires de la région de Burlington a eu une idée plutôt simple : offrir à ses élèves un hamburger composé à 100 % de bœuf vermontois. Il a mis six ans à y parvenir.

« Mon sentiment, c’était que si je voulais faire avancer le mouvement Farm to School au Vermont, je n’allais pas faire bouger l’aiguille avec des courges butternut et des carottes locales ! », explique-t-il.

Depuis 2006, l’école secondaire de Burlington applique le programme Farm to School, une idée testée dans une poignée d’écoles américaines au milieu des années 90, mais qui a réellement pris son envol au cours des 10 dernières années grâce à des subventions du département américain de l’Agriculture. Cette approche vise à la fois à ouvrir le marché scolaire aux producteurs locaux et à enseigner un programme qui valorise une alimentation saine. Pensez jardins pédagogiques, cours de cuisine et journées d’apprentissage sur des fermes.

C’est ainsi qu’en 2015, on recensait 7100 jardins dans les écoles américaines et plus de 17 000 comptoirs à salade dans l’ensemble du pays.

Un objectif très ambitieux

Le Vermont est l’un des endroits qui ont pris cette mission le plus au sérieux. D’ici 2025, l’État vise à ce que 75 % de ses établissements scolaires achètent au moins 50 % de leur nourriture à des fermes locales. Comme le montre l’aventure de Doug Davis, ce pari est extrêmement ambitieux.

L’école secondaire de Burlington, où le quartier général du Burlington Food School Project est établi, achète entre 90 % et 95 % de nourriture made in the USA. Après des années d’efforts acharnés, son taux d’achat ultra-local se situe entre 20 et 30 %.

La notion d’achat local est souvent galvaudée. Au Vermont, les différents acteurs s’entendent sur un rayon routier d’environ 400 km (250 milles). C’est comme si la limite géographique d’achat d’une école de Montréal s’arrêtait à La Malbaie. Pour le minuscule État du Vermont, qui mesure 130 km sur 260 km, cela englobe théoriquement certains États du Nord-Est américain.

Mais revenons aux hamburgers. « La première fois que nous avons lancé un appel d’offres pour le bœuf local, nous n’avons reçu aucune soumission », tient à préciser Sarah Heusner, responsable du programme d’éducation alimentaire au sein du Burlington Food School Project. « Nous étions beaucoup trop exigeants envers nos fermiers. Les vaches ne peuvent pas toutes avoir une chambre avec vue ! » « Le batifolage dans les champs a dû être retiré du contrat », ajoute en riant Doug Davis, lui-même issu d’une famille d’agriculteurs.

La solution viande hachée

Après plusieurs essais et erreurs, Doug Davis a décidé de se débarrasser d’un intermédiaire et de faire directement affaire avec l’abattoir. Il achète lui-même les vaches qui peuvent générer 45 % de steak haché. Le transformateur est ensuite libre d’écouler les pièces plus nobles comme les steaks, qui sont plus faciles à vendre sous une appellation locale que le steak haché. Le fermier a l’assurance qu’il pourra vendre sa bête en entier. Tout le monde est gagnant.

« En achetant de 10 000 à 12 000 lb de viande par année, on est capables de mettre dans nos contrats des clauses de bien-être animal. On peut savoir avec quels médicaments les vaches ont été traitées, si elles sont allées dehors et quelles sont leurs conditions de vie. »

— Doug Davis, directeur du service alimentaire  du Burlington Food School Project

Résultat : une fois par semaine au secondaire et deux fois par mois au primaire, les élèves mangent des boulettes 100 % bœuf qui ne contiennent aucun agent de conservation ou de remplissage. Le sandwich est servi avec un pesto de pommes et kale qui ont poussé dans la région. Surtout, la voie est maintenant ouverte pour les autres commissions scolaires qui cherchaient un mécanisme pour acheter de la viande hyper-locale.

Le défi de la distribution

Si Doug Davis a fait du « projet Hamburger » son dada personnel, il est évidemment impossible pour les écoles de procéder de cette manière pour l’achat de tous leurs produits. C’est ici qu’entrent en scène les hubs. Ces centres de distribution répartis aux quatre coins de l’État sont des organismes à but non lucratif subventionnés en partie par le gouvernement. Il s’agit de points de chute où les fermiers peuvent livrer leur production maraîchère.

Les écoles peuvent ensuite commander une variété de produits sur le site internet des hubs, qui coordonnent la livraison. « L’un des plus gros obstacles dans la chaîne d’approvisionnement local a été de déterminer la manière de mettre la nourriture dans les camions », explique Betsy Rosenbluth, directrice de projet chez Vermont FEED, un organisme qui aide les écoles à implanter le programme Farm to School.

« Les écoles ne peuvent pas faire affaire avec 20 fermiers qui vont venir livrer à des moments différents. »

— Betsy Rosenbluth, directrice de projet chez Vermont FEED

« Par ailleurs, c’est difficile de combler les besoins des écoles avec une seule ferme. Les volumes demandés sont soit trop petits pour être rentables, soit trop grands pour que les fermes puissent y répondre », poursuit Mme Rosenbluth

Nutritionniste à l’école secondaire de Burlington, Heather Torrey insiste sur le fait que l’achat local n’a pas que des impacts économiques. « Les aliments qui mûrissent dans les camions en traversant le pays ne contiennent pas autant de nutriments que les fruits et légumes cueillis lorsqu’ils sont mûrs. C’est très documenté », dit-elle.

Popcorn éducatif

La philosophie Farm to School vise aussi à utiliser la cuisine ou le jardinage comme un tremplin pour assimiler d’autres matières scolaires. « Durant la saison des sucres, nous avons fait notre propre popcorn au beurre d’érable pour illustrer les différents états de la matière : solide, liquide et gazeuse », illustre Christine Gall, qui donne les cours de cuisine dans toutes les écoles du district et qui gère deux grands jardins pédagogiques.

Certaines écoles sont aussi jumelées avec des agriculteurs durant une année. Propriétaire d’une ferme laitière biologique et d’une érablière, Paul Lambert, de Silloway Farms, apprécie particulièrement les présentations éducatives qu’il a pu donner sur son métier à l’école Randolph Elementary et sur sa ferme.

« C’est sûr que je ressens une certaine fierté de savoir qu’ils goûtent à mes produits tout en comprenant d’où ils viennent. »

— Paul Lambert, de Silloway Farms

Une philosophie qui grandit avec les élèves

Plus d’une décennie après l’implantation des premiers programmes Farm to School au Vermont, les premières cohortes arrivent sur les bancs universitaires. Les enfants élevés dans les principes de cette approche veulent continuer à manger local à l’âge adulte.

C’est dans cet esprit que l’entreprise Sodexo, qui prend en charge les cafétérias de 14 collèges et universités du Vermont, a lancé en 2014 le programme d’achat Vermont First, une première pour cette multinationale aussi très présente dans les établissements publics du Québec.

L’an dernier, 2,8 millions ont été dépensés par Sodexo en achat local, soit l’équivalent de 13,6 % de la valeur totale de ses achats pour les établissements d’enseignement supérieur du Vermont. L’entreprise applique un critère géographique encore plus sévère : pour être considéré comme étant local, l’achat doit se faire dans l’État ou au maximum à 30 milles (48 km) à l’extérieur de ses frontières.

« Nous prenons la traçabilité de nos aliments très au sérieux, c’est un suivi qui coûte cher, mais la transparence est très importante pour nous », explique Annie Rowell, coordonnatrice du programme Vermont First chez Sodexo.

L’université du Vermont, dont le campus est situé à Burlington, participe aussi au Real Food Challenge, un programme national dans lequel 20 % des achats alimentaires doivent répondre à l’un des quatre critères suivants : biologique, équitable, sans cruauté ou local. L’Université, qui arrive au troisième rang des campus les plus durables aux États-Unis, veut atteindre la cible de 25 % d’ici l’an prochain.

« J’attribue tout cela au succès des programmes Farm to School, explique Annie Rowell. Les étudiants non seulement demandent à manger local, mais ils s’expriment aussi très bien pour dire : voici quelles sont mes valeurs en relation à la nourriture et voici où s’insère le local. »

Quand l’agriculture s’invite en classe

Et si l’agriculture faisait partie du programme scolaire ? À Trois-Rivières, l’école primaire Louis-de-France a fait le pari que le jardinage et la cuisine pouvaient aider ses élèves à assimiler des notions dans toutes les matières : des sciences à l’histoire, en passant par l’éducation physique. Après les programmes sports-études et de musique, voici l’école à vocation agroalimentaire.

11 000 $ de légumes

Imaginez une récolte de plus de 2000 lb de légumes dans une cour d’école. C’est ce que sont parvenus à produire les élèves de Louis-de-France, l’an dernier, à la deuxième année de leur projet de jardin pédagogique. La valeur de cette production redistribuée dans la communauté s’est élevée à près de 11 000 $ ! La plupart des légumes sont issus de semis qui poussent d’abord à l’intérieur de la petite école de 400 élèves. L’an dernier, plus de 3000 plants ont été produits à partir de graines plantées par les enfants.

Éviter le gaspillage

En attendant le printemps qui ne cesse de tarder, les élèves de 5e année Annabelle Audet, Gabrielle Dulac et Morena Vasseur arrosent les plants qui sont disposés dans cinq îlots éclairés installés aux quatre coins de l’école. Gabrielle Dulac, 11 ans, affirme que sa participation au projet l’a notamment sensibilisée à l’enjeu du gaspillage alimentaire. « Quand on voit tout le travail que ça prend pour faire pousser des légumes, c’est triste d’envoyer ça à la poubelle », souligne-t-elle.

Neuf écoles au Québec

Pour 1 $, les élèves peuvent manger tous les jeudis au « bar à salade » de l’école. Ce projet, qui a débuté il y a quelques semaines, a été rendu possible grâce à une bourse de 10 000 $ de l’organisme De la ferme à la cafétéria Canada, dont la mission est de piloter l’envol du mouvement Farm to School au pays. Au Québec, cinq écoles primaires et quatre écoles secondaires ont remporté cette subvention dont l’implantation est coordonnée dans la province par l’organisme Équiterre.

Du sommet du G7 à Trois-Rivières

Le « bar à salade », qui a d’abord servi à nourrir les dignitaires des grandes puissances du monde durant le sommet du G7 à Charlevoix, a été acquis pour la moitié du prix. L’animatrice agroalimentaire Sophie Cormier Rondeau explique que 98 % des aliments proviennent de fermes principalement situées en Mauricie ou de la production scolaire. Lors de notre passage, les micropousses de betterave et de tournesol avaient été produites par les élèves de 5e année, tandis que la luzerne avait été cultivée par le comité vert, qui rassemble des élèves de tous les niveaux pour discuter des enjeux environnementaux à l’école.

Le premier au bar

Renaud Duhaime, 6 ans, est toujours le premier en file au comptoir. Chaque élève doit apporter un contenant réutilisable. Le garçon de 1re année s’est aventuré à goûter à des bâtonnets de rutabaga ainsi qu’à une salade de pommes et de céleri-rave. Sophie Cormier Rondeau affirme qu’en impliquant les enfants, ils sont plus prompts à essayer des aliments inhabituels, mais davantage propices au climat du Québec. D’ailleurs, les spirales de carottes et les morceaux de pommes avaient été préparés la veille par les élèves, qui apprennent les rudiments de la sécurité en cuisine.

Des vélos à smoothie

Même le cours d’éducation physique est un prétexte pour apprendre à bien s’alimenter. Sur les vélos, les élèves de 2année Malik Doucet et Naomy Corbin pédalent pour activer leurs « mélangeurs à smoothie », dans lesquels se trouvent des micropousses de tournesol qui ont germé dans l’une des nombreuses lampes-étagères situées un peu partout dans l’école. Après 15 minutes de dur labeur, les jus « lait de soya-bleuets-pousses de tournesol » sont prêts pour étancher leur soif.

Génération bio

« Quand j’étais jeune, planter une graine de fève dans un plat de styromousse, c’était ça, le cursus agricole », s’exclame Florence Lefebvre St-Arnaud, qui cultive une partie des légumes offerts dans le comptoir à salade. La copropriétaire des Jardins Bio Campanipol pense que les enfants sont les meilleurs ambassadeurs du manger local, surtout lorsqu’ils sont à même de constater l’effort nécessaire pour produire de la nourriture. « Comme le recyclage avec ma génération, je pense qu’une des notions qui vont suivre aux prochaines générations, c’est oui, manger bio et local, mais aussi au juste prix. »

Faire pousser l’esprit critique

La productrice maraîchère Rachel Trépanier, de la ferme La Chouette Lapone à Saint-Séverin-de-Proulxville, cultive aussi des légumes offerts dans le comptoir à salade. Celle qui pratique une agriculture biologique s’est immédiatement sentie interpellée par ce projet. « C’est sûr que c’est une fierté de participer à un projet qui non seulement est apprécié par les enfants, mais aussi les éduque sur les impacts du transport des aliments. C’est un programme qui développe leur esprit critique et leur apprend à faire des choix éclairés. »

Former la relève

Yovan Sasic, 10 ans, a développé une véritable passion pour l’agriculture et les jardins. « Plus tard, je vais habiter en campagne dans un gros champ et je vais avoir une petite ferme », dit l’élève de 4année en soulignant qu’il y fera pousser du blé d’Inde, des carottes et des piments jalapeños. « Si tout le monde avait un jardin, ça serait meilleur pour la planète », souligne-t-il. « Jardiner, c’est le fun, c’est meilleur pour la santé et il n’y a pas de produits chimiques. En plus, pour 3 $ tu peux avoir une centaine de graines ! »

Bye-bye pain blanc

Pas moins de 23 bacs-jardinières sont disposés partout autour de l’école. Lancé en septembre 2016, le projet pédagogique « L’agroalimentaire s’invite à l’école » est notamment possible grâce à une subvention du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Il vise à diversifier l’assiette des élèves. Un sondage mené à l’école Louis-de-France en 2017 a révélé que 80 % des enfants mangeaient du pain blanc et que 95 % ne mettaient que du jambon dans leur sandwich. L’automne dernier, les élèves ont préparé pas moins de 120 kg de salades.

« Que du bonheur »

La directrice de l’école, Maryse Côté, a retardé son départ à la retraite pour mener ce projet. Elle souhaite que le programme soit institutionnalisé à la manière des écoles à vocation musicale ou scientifique. « Ce n’est pas juste du jardinage. Il y a tout un programme pédagogique qui a été développé pour l’accompagner en classe. » Elle raconte que ses élèves conscientisent par ailleurs leurs parents à l’importance de l’achat saisonnier, et aux principes du zéro déchet et du compostage, pratiqué dans l’ensemble de l’école. « J’y crois tellement, à ce projet. Ce n’est que du bonheur. »

Qui oserait la contredire ?

Entrevue avec le ministre André Lamontagne

Aider les établissements publics à acheter local

Cinq jours après sa prestation de serment, le nouveau ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne, est bombardé de questions sur les pommes américaines servies dans les CHSLD. De cette controverse est né le projet de bâtir un registre des produits québécois pour aider les établissements publics comme les écoles et les hôpitaux à acheter davantage de denrées locales.

Connaît-on l’ampleur de l’achat local dans les établissements publics du Québec ?

Il n’y a certainement pas de tendance claire et il n’y a pas de politique. Lorsque je suis officiellement entré en poste le 18 octobre 2018, le lundi suivant, j’étais déjà sur la sellette en raison des reportages sur le fait que les pommes tranchées servies dans les CHSLD venaient des États-Unis. Après cela, j’ai posé un certain nombre de questions à mon équipe au Ministère pour savoir comment on encadre l’achat institutionnel de produits alimentaires locaux. À ma grande surprise, autant qu’à mon découragement, je me suis aperçu que le tableau était pas mal blanc. D’un autre côté, c’est stimulant parce que tout est à faire. Mais on est quand même en 2019 et de m’apercevoir qu’il n’y a pas vraiment un environnement en place pour faciliter l’achat des produits du Québec, j’étais un peu déçu. Par contre, dès que je me suis rendu compte qu’il ne se passait pas grand-chose, ça n’a pas été long avant qu’on se soit mis en action.

Qu’est-ce que vous avez fait ?

La première question que j’ai posée, c’est si les gens qui veulent acheter des produits québécois ont une référence. À ma surprise, pas vraiment. Un premier projet qu’on a parti et qui est ambitieux, c’est de préparer un registre de l’offre bioalimentaire québécoise. C’est quelque chose que l’on a enclenché au mois de décembre et d’ici le printemps 2020, je m’attends à ce qu’on ait un bottin complet, disponible en ligne… L’autre démarche en cours, c’est que j’ai demandé des budgets au ministère des Finances pour la prospection auprès des différents organismes publics pour faire la promotion des achats locaux. Il nous a accordé 2 millions de dollars par année pour les cinq prochaines années.

Est-ce que ce registre sera exclusivement destiné aux établissements ?

Non, c’est quelque chose qui va être en ligne, qui va être dynamique et qui va être mis à jour sur une base très, très, très régulière. Il va y avoir des produits, des attributs. Par exemple : si l’on veut quelque chose qui est bio, qui n’a pas de noix, qui est casher ou sans gluten, on va être capable d’aller sélectionner ce dont on a besoin. Au départ, l’outil est pensé pour tout ce qui est institutionnel, mais c’est quelque chose qu’on veut qui soit disponible pour tous. On travaille avec différentes sources d’information et ce qu’on se fait dire, c’est que ce projet va faire un cas d’école au Canada.

Le gouvernement du Québec pourrait-il forcer ses institutions à inclure des quotas d’achat local dans leurs contrats avec leurs fournisseurs alimentaires ?

Il y a une complexité là-dedans. Quand le Conseil du trésor fait des contrats avec des services alimentaires, il y a des accords internationaux et des lois à respecter. Si une commission scolaire fait affaire avec une concession alimentaire à la grandeur de ses cafétérias, il y a beaucoup plus de flexibilité pour être capable d’inviter fortement les gens à adhérer à un certain protocole d’achat versus si ce sont des institutions publiques. Moi, je pars du principe qu’à partir du moment où on leur offre un outil, après cela, on peut leur parler de cibles. On veut amener un mouvement, une attitude, une dynamique qui, certainement, va déclencher de l’achat local de façon plus systématique.

Le Québec, historiquement, était une société agricole. Aujourd’hui, l’agriculture a été évacuée du programme scolaire tandis que les notions d’alimentation, de jardinage et de cuisine ont été reléguées au troisième sous-sol des priorités en éducation. Voyez-vous une pertinence, pour les jeunes, à se réapproprier ces notions ?

Le défi aujourd’hui dans tout ce qui est alimentaire, c’est que le consommateur est déconnecté avec d’où vient l’aliment et dans quel contexte il a été produit. S’il y a une chose que je pouvais réussir à accomplir, ça serait juste de rapprocher un peu le consommateur pour pouvoir créer un lien. Il y a 100 ans, ce lien-là était naturel parce qu’on mangeait ce qu’on produisait ou ça venait du voisin. Dans le Grand Montréal, il y a 3 ou 4 millions de gens et toute cette masse, jour après jour, achète en étant déconnectée de la source. N’importe quelle initiative qui va contribuer à reconnecter le consommateur avec la provenance de sa nourriture va être bénéfique pour sa santé et, ultimement, pour l’économie et les communautés d’agriculture.

À Trois-Rivières, la directrice de l’école Louis-de-France rêve que son programme « L’agroalimentaire s’invite à l’école », qui est subventionné par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, soit officialisé au même titre que les concentrations sport-études ou à vocation musicale. Que pensez-vous de cette approche ?

Écoutez, il faut rêver ! Cette dame-là, sonprojet, c’est de l’innovation. Il a dû y avoir des gens au début qui ont dit : « N’embarquez pas là-dedans, ça ne marchera jamais » et, maintenant, il y a des centaines de milliers de dollars qui sont mis à leur disposition… C’est tellement sain, un projet comme cela, et maintenant que j’y suis sensibilisé, c’est sûr que je vais sensibiliser mon collègue Jean-François Roberge [le ministre de l’Éducation]. On ne sait pas où ça va mener, mais ça ne peut pas juste rester une petite initiative à Trois-Rivières, c’est trop beau !

* Pour des questions de clarté de lecture, les propos du ministre ont été condensés.

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