Train de vie extrême

Payer plus cher pour une maison ou pour le transport ?

Chaque année, des milliers de familles quittent l’île de Montréal pour s’installer en périphérie. Pour nombre de personnes, il s’agit d’un choix économique : on peut acheter une maison à meilleur prix en banlieue. Mais pour celles qui travaillent en ville, les frais de transport peuvent annuler cet avantage financier.

Les coûts directs d’un véhicule moyen qui roule 20 000 km par an sont de 10 500 $, ce qui représente l’équivalent d’une hypothèque de 160 000 $, selon une étude de Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal, sur les coûts cachés de l’automobile. Si on ajoute les coûts indirects, le montant grimpe à 210 000 $. Ça signifie qu’une famille urbaine avec une seule voiture peut acheter une propriété qui coûtera 210 000 $ de plus qu’une famille de banlieue avec deux voitures.

« Les gens ne regardent que le coût du logement, quand ils pensent s’installer en banlieue, dit M. Pineau. Mais en faisant ce choix, ils deviennent dépendants de l’automobile. Dans les publicités, l’automobile est associée à l’idée de liberté. Mais quand on est obligé de l’utiliser quotidiennement, on y devient plutôt enchaîné. »

Prix médian des propriétés depuis le début de 2014

Unifamiliale-Condo-Plex

Île de Montréal : 382 500 $-265 000 $-456 000 $

Laval : 290 000 $-214 000 $-XXXX

Rive-Nord : 240 000 $-176 500 $-XXXX

Rive-Sud : 274 500 $-193 000 $-XXXX

Dans son étude, Pierre-Olivier Pineau a aussi tenu compte du temps passé dans la congestion et lui a accordé une valeur monétaire en utilisant le salaire minimum. « Du point de vue de la productivité, c’est du temps perdu. Et ça enlève du temps passé en famille. On pourrait aussi calculer les coûts des problèmes de santé engendrés par le manque d’activité physique », souligne-t-il.

Il déplore que les banques ne tiennent pas compte des frais reliés à l’automobile quand elles accordent un prêt hypothécaire et évaluent la capacité de remboursement d’un consommateur. En outre, « les dépenses de transport sont une perte nette puisque la valeur d’une automobile diminue rapidement. En contraste, l’achat d’un habitat plus coûteux permet généralement la création d’un actif qui augmentera à long terme », écrit M. Pineau dans son étude, publiée en 2013. D’autres études soulignent que la valeur des maisons en ville augmente plus vite que celle des maisons de banlieue.

COMPROMIS POUR VIVRE EN VILLE

Les familles qui décident d’habiter en ville doivent parfois faire des compromis sur le logement où elles s’installent. Elles acceptent d’avoir moins d’espace, d’être locataires plutôt que propriétaires et achètent parfois une propriété à revenus, ce qui aide à payer l’hypothèque, a constaté Sandrine Jean, à l’occasion d’entretiens avec plusieurs familles urbaines et banlieusardes dans le cadre de son doctorat en études urbaines à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

« Les familles qui se sont installées en banlieue étaient tellement convaincues que c’était trop cher en ville qu’elles n’ont même pas regardé les propriétés qui étaient disponibles en ville, souligne-t-elle. Pourtant, dans mon échantillon, les familles urbaines avaient un revenu moyen similaire à celui des familles de banlieue. »

Pour les citadins, il est essentiel d’habiter à proximité de leur lieu de travail, des services et du transport en commun. Ils sont aussi très attachés à leur quartier et accordent beaucoup d’importance au temps passé en famille. Tandis que le mode de vie des banlieusards est plus axé sur un domicile familial conforme à leurs exigences et l’usage de l’automobile.

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