Opinion : Gouvernance de l’eau

Pas d’engagement sans investissement

Après le Symposium sur la gestion de l’eau au Québec de 1997, puis la consultation par le BAPE en 2000, nous avons assisté à une prise de conscience populaire qui s’est cristallisée dans ce qui est devenu la Politique nationale de l’eau (PNE) en 2002.

La PNE a entraîné un changement de paradigme majeur pour la gouvernance de l’eau en créant de nouveaux acteurs, les Organismes de bassins versants (OBV). Ils ont été confirmés dans leur rôle de catalyseurs des forces vives du milieu en 2009 avec la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection. La PNE engageait dès lors l’État, gardien de l’eau, dans un nouveau mouvement où les acteurs du milieu nourrissent l’État pour déterminer les orientations et les priorités.

Le gouvernement travaille actuellement sur une Stratégie sur l’eau afin d’actualiser la Politique de l’eau et l’adapter aux réalités d’aujourd’hui.

Les orientations présentées en consultation nous apparaissent tout à fait pertinentes, notamment, poursuivre l’amélioration de la qualité de l’eau, protéger et restaurer les milieux humides, aquatiques et marins, identifier et gérer les risques, assurer l’eau potable pour tous et promouvoir son utilisation durable, ainsi qu’acquérir et partager les connaissances.

Ce sont assurément des orientations intéressantes pour le Québec, mais celle qui attire particulièrement notre attention est « Renforcer la gestion intégrée de l’eau ». Là se trouve l’essence même de cette consultation.

Si les orientations présentées ont leur pertinence, leur mise en œuvre ne sera possible qu’au prix de la délimitation des responsabilités de tous les acteurs.

Par ailleurs, si la gouvernance de l’eau relève des Organismes de bassins versants et des Tables de concertation régionales, en concertation avec le gouvernement, il serait faux de dire qu’ils en sont les uniques responsables. De multiples acteurs prennent quotidiennement des décisions ayant une influence sur la gestion de l’eau : municipalités, agriculteurs, forestiers, industriels, communautés autochtones, organismes communautaires, ministères sectoriels et citoyens.

Les OBV jouent ainsi un rôle unique en assurant la connexion entre les acteurs de différents secteurs et ordres de gouvernement. Ils favorisent la conciliation de l’ensemble des usages de la ressource hydrique. La volonté d’implication des milieux représentée par les OBV est attestée par 15 ans de pratique et de réussite.

Heureusement, les OBV du Québec ont caractérisé leur territoire en fonction de six enjeux : qualité, quantité, accessibilité, sécurité, écosystèmes et culturalité.

Les problèmes de l’eau sont complexes et nombreux au Québec : surverses d’eaux usées, rejets d’eaux usées industrielles et municipales, manque de connaissances sur les aquifères qui sont souvent menacés par le développement économique, plans d’eau dégradés, privatisation de l’accès aux cours d’eau, eau non potable, perte de milieux humides, dégradation d’habitats, pollution diffuse, développement en zone inondable, contaminants émergents, etc.

FINANCEMENT ADÉQUAT

Le véritable besoin de la gouvernance de l’eau touche le financement adéquat des actions et des activités des acteurs de l’eau concernés, tout en assurant la pérennité des organismes qui assument cette gouvernance.

C’est un investissement à long terme qui est nécessaire, guidé par le principe que l’eau paie l’eau. Le financement de l’eau, pour être viable, doit provenir des 3 « t » : taxes, tarifs et transferts. Ce sont les sommes ainsi dégagées qui permettront au gouvernement de développer de nouveaux programmes et de mieux coordonner les actions des ministères concernés.

Il n’y a pas d’engagement réel sans investissement. Combien le gouvernement investira-t-il pour affirmer son leadership et donner les moyens aux organismes et processus qu’il mandate et à ceux qui ont des compétences et des responsabilités afin d’exercer adéquatement leur rôle ? Nous avons vécu la « mise en place » de la Politique nationale de l’eau, il est maintenant temps de passer à la mise en œuvre d’actions concrètes pour l’eau !

Daniel Desgagné, président du Regroupement des organismes de bassins versants du Québec ; Jean-Paul Raîche, Ph. D., professeur associé, département de philosophie, Université de Sherbrooke ; Russell Gilbert, président, COBARIC II ; André Beauchamp, théologien, environnementaliste, président du BAPE sur l’eau (1999) ; Denise Cloutier, présidente du COBAMIL ; Michel Leclerc, Ph. D., président de l’OBV Charlevoix-Montmorency ; Sarah Dorner, Ph. D., professeure agrégée, Polytechnique de Montréal ; Steve Plante, Ph. D., professeur en sciences sociales et développement, Université du Québec à Rimouski ; Robert Leconte, ing., Ph. D., professeur titulaire, hydrologie et gestion de la ressource hydrique, Université de Sherbrooke ; Roland Leduc, ing. Ph. D., professeur associé, Université de Sherbrooke ; Alain Rouleau, ing., Ph. D., directeur par intérim du Réseau québécois sur les eaux souterraines (2015-2016) ; Bernard Filion, directeur au Québec de Canards illimités ; Alain N. Rousseau, Ph. D., ing., professeur titulaire à l’INRS et membre régulier, SAGE, Groupe de recherche sur les stratégies et les acteurs de la gouvernance environnementale ; Alain Saladzius, ing., président, Fondation rivières ; Hubert Cabana, ing., Ph. D., professeur agrégé, département de génie civil, Université de Sherbrooke ; Me Catherine Choquette, LL. M., directrice du groupe de recherche SAGE, faculté de droit, Université de Sherbrooke ; Marie Larocque, Ph. D., département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, UQAM ; Vincent Cloutier, géo., Ph. D., professeur, Groupe de recherche sur l’eau souterraine, Institut de recherche en mines et en environnement, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue ;  Pascale Biron, Ph.D., hydrogéomorphologue, professeure, Université Concordia ; Robert A. Dubé, B. Sc., LL. B, M. B. A., associé principal, TREBORA Conseil, ex-directeur général du Comité d’assainissement du bassin versant de la rivière Saint-François ; Marlène Cordato, mairesse de Boisbriand ; Lynn Dionne, mairesse de Lorraine ; Denis Fyfe, président sortant du Centre d’interprétation de l’eau et éducateur auprès du public en matière d’eau potable et d’eaux usées ; Madeleine Leduc, mairesse de Rosemère ; Gabriel Meunier, ex-PDG de John Meunier inc. ; Marie Meunier ; Simon Massé, doctorant en sciences de l’environnement, UQAR ; André Perrault, fondateur du Centre d’interprétation de l’EAU ; Richard Perreault, maire de Blainville ; Jean Lauzon, directeur des programmes de mise en valeur, Éco-Nature/Parc de la Rivière des Mille-Îles ; Guy Charbonneau, maire de Sainte-Anne-des-Plaines ; Jean Lavoie, M. Sc. A., M. B. A. ; Louis Beaupré, Beaupré & Associés, président du C.I.EAU ; Guillaume Tremblay, maire de Mascouche ; Normand Cazelais, directeur général, Réseau des organisations de bassin d’Amérique du Nord ; Jean-François Donzier, ing., secrétaire général, Réseau international des organismes de bassin

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.