OPINION

Le sondage au temps des controverses

Nous sommes sensibles aux interrogations du public devant la difficulté d’obtenir une lecture plus précise de l’humeur de l’électorat québécois

Les derniers jours furent fort tumultueux dans le monde des sondages au Québec. La publication de résultats significativement différents, de la part de CROP et de Léger Marketing, fut à l’origine d’un tollé de commentaires, certains moins élégants que d’autres.

Or, malgré tout ce bruit médiatique, pour quiconque est familier avec les contraintes du métier de sondeur, les divergences actuelles dans les résultats de ces deux maisons sont tout à fait normales.

Nous comprenons certainement la frustration du public qui s’attend à une information fiable quant à l’évaluation des formations politiques en place. Mais malgré ce qu’on en dit, nul ne peut outrepasser les contraintes techniques avec lesquelles les sondeurs exercent leur métier.

La mesure de l’opinion publique s’appuie sur des échantillons de répondants et non sur des recensements. Une certaine variabilité des résultats d’un sondage à l’autre, tout comme entre les firmes de sondage, est non seulement normale, elle est inévitable. 

Il faut d’ailleurs se méfier des résultats de sondages qui ne laissent jamais observer quelques variations en apparence erratiques.

Les prochains mois permettront sûrement d’éclairer les résultats actuels. Les irrégularités ponctuelles de certains échantillons spécifiques finissent toujours par se corriger à moyen terme.

L’approche CROP a fait ses preuves

Cela étant dit, nous avons une grande confiance en la fiabilité des résultats de nos sondages. Rappelons en effet que les sondages politiques de CROP ont fait leurs preuves au fil des ans.

C’est avec les mêmes méthodes et le même type d’échantillons qui sont en place chez nous aujourd’hui que CROP avait vu l’avance du Parti libéral lors des élections provinciales d’avril 2014. CROP avait aussi annoncé la vague orange lors des élections fédérales de mai 2011 – un résultat qui en avait alors surpris plus d’un.

Que dire sur nos résultats ?

Les résultats des sondages CROP de novembre et décembre 2016 sont cohérents avec ce que nous avons observé au cours des derniers mois.

En effet, nous mesurons le Parti libéral dans une fourchette de 34 % à 38 % depuis plus de six mois. Sur la même période, nous obtenons entre 25 % et 27 % des intentions de vote pour le PQ, à l’exception du mois d’octobre (à 30 %) – au lendemain de l’élection de Jean-François Lisée comme chef du parti.

De plus, nous avons observé que la récente baisse des appuis pour le PQ dans nos résultats (de 30 % en octobre à 25 % en décembre) provenait principalement des souverainistes qui préfèrent la tenue rapide d’un référendum, ce qui est plausible dans la mesure où M. Lisée a promis qu’il ne tiendrait pas de référendum dans un premier mandat (la proportion des souverainistes ayant l’intention de voter pour le PQ est passée de 73 % en octobre à 61 % en décembre, une perte de 12 points).

Ainsi, compte tenu de toutes les analyses que nous avons pu effectuer et surtout de la continuité de nos données au cours des derniers mois, nos résultats actuels nous apparaissent parfaitement plausibles.

Un mot sur les partielles

L’argument maintes fois cité sur l’incohérence de nos résultats avec ceux des partielles du 5 décembre nous semble tenir difficilement la route.

Une prudence élémentaire devrait nous abstenir de projeter sur l’ensemble de l’électorat québécois les résultats d’élections dans quatre circonscriptions sur 125, dans lesquelles on a de surcroît enregistré de très faibles taux de participation comparativement à ce que l’on observe lors d’élections générales. Ces résultats peuvent difficilement augurer l’humeur de l’ensemble des Québécois.

Notre conseil : attendre les prochains mois

L’idée n’est pas ici de défendre les résultats des sondages de CROP à tout prix, mais bien de démontrer que malgré l’incertitude inhérente associée aux échantillons sur lesquels se fondent les sondages, les résultats que nous avons obtenus demeurent tout à fait plausibles.

Encore une fois, nous sommes tout à fait sensibles aux interrogations actuelles du public devant la difficulté d’obtenir une lecture plus précise de l’humeur de l’électorat québécois, mais nous ne pouvons que laisser le temps faire son œuvre.

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