Qu'aurait pu faire le réseau scolaire avec 112 millions ?

L’annonce qu’à compter de juillet prochain, les parents québécois recevraient 100 $ par enfant d’âge scolaire a été accueillie avec un certain scepticisme. Il est estimé que cette mesure coûtera 112 millions pour l’exercice 2018-2019, somme que certains auraient préféré voir redistribuée directement dans le réseau scolaire. Qu’aurait pu faire le gouvernement Couillard en éducation avec ces millions ?

Baisser le prix des journées pédagogiques

Le financement des journées pédagogiques a été amputé de moitié par Québec en 2015, passant de 16 à 8 $ par jour, rappelle Diane Miron, présidente de l’Association québécoise de la garde scolaire (AQGS). « Les parents ont eu à supporter la différence. Ça a augmenté le coût des journées pédagogiques et ça a réduit le nombre de sorties à l’extérieur », dit-elle. Réduire le coût de fréquentation de la garde scolaire, actuellement fixé à 8,15 $ par jour, allégerait aussi le fardeau des familles, dit-elle. « Au cours des dernières années, il y a eu des augmentations, et sur le terrain, on entend dire qu’il y a des familles qui font le choix d’envoyer leurs enfants plus vieux seuls à la maison après l’école pour économiser », explique Diane Miron.

Construire six écoles… ou plus !

Vérification faite auprès du ministère de l’Éducation, une école pouvant accueillir 4 classes d’éducation préscolaire et 24 classes d’enseignement primaire coûte en moyenne 17,32 millions à construire au Québec, « toutes taxes comprises », précise-t-on. À ce prix, on aurait pu en bâtir six nouvelles. Dans le cas d’une école plus petite, qui compte 2 classes de niveau préscolaire et 12 classes de primaire, la moyenne est de 10,10 millions, ce qui aurait permis d’en construire 11.

Embaucher des professionnels

Lorsqu’elle négocie avec le gouvernement, la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE) évalue à 80 000 $ le salaire d’un professionnel dans une école. En utilisant cette moyenne, on aurait de l’argent pour payer 1400 professionnels pendant un an. Bien que le gouvernement Couillard ait promis d’embaucher 500 professionnels de plus en 2018-2019, l’argent aurait été bienvenu, dit-on à la FPPE, qui compte notamment dans ses rangs des orthophonistes, psychologues, orthopédagogues et bibliothécaires. « Les besoins de professionnels sont criants dans les écoles : les professeurs en demandent, les parents en demandent, nous-mêmes, on en demande parce que les gens nous disent qu’ils sont à bout de souffle », dit Karine Lapierre, conseillère en communication à la FPPE.

Mettre fin à la modulation des tarifs en CPE

Depuis le 1er avril 2015, Québec module les tarifs des garderies subventionnées en fonction du revenu des parents. À l’Association québécoise des centres de la petite enfance, on mettrait tout simplement fin à cette façon de faire qui coûte aux familles québécoises 130 millions par an, selon des chiffres obtenus par Radio-Canada l’an dernier. Les familles à faible revenu paient 7,75 $ par enfant, mais pour celles dont le revenu est bien supérieur, la contribution peut aller jusqu’à 21,20 $ par jour pour le premier enfant.

Financer la lutte contre le décrochage scolaire

« Le décrochage, ce n’est pas une question d’être capable d’acheter des fournitures scolaires », affirme d’entrée de jeu Mélanie Marsolais, directrice du Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage (ROCLD). En plus de mettre de l’argent dans le réseau scolaire, elle estime que le soutien et l’accompagnement des familles doivent être pris en compte dans la lutte contre le décrochage, notamment en investissant dans les organismes communautaires. « Souvent, les jeunes ont besoin de ressources psychosociales. On doit travailler sur la situation vécue par la famille et l’accompagner », dit Mélanie Marsolais.

Redonner l’argent ?

Mère d’un fils autiste et d’une fille qui s’est présentée à la rentrée scolaire dans une école qui déborde, Catherine Lavarenne a réagi promptement lorsqu’elle a vu l’annonce du ministre Carlos Leitão. « On sait que pour certaines familles, 100 $, ça fait la différence. Mais on est plusieurs à dire sur les réseaux sociaux que 100 $ sur un revenu familial annuel, ça ne fait pas grand-chose », explique-t-elle. Devant l’avalanche de réactions négatives et parce qu’elle croit que l’argent devrait être investi directement dans l’éducation plutôt que d’être redonné aux parents, elle a créé une page Facebook, « Plein de 100 $ pour l’école publique », où elle appelle les parents à mettre leurs chèques et leurs idées en commun pour redonner l’argent aux écoles de la province.

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