La Presse aux Mondiaux de Seefeld  Ski de fond

Le meilleur du reste de la bande

Esseulé dans la chasse aux meneurs, le Québécois termine au sixième rang du skiathlon de 30 km

Seefeld, — Autriche — Alex Harvey a traversé la ligne d’arrivée en tournant le pouce vers le bas. Sixième du skiathlon de 30 km des Championnats du monde de Seefeld, ce n’est pas ce qu’il avait espéré. Pas tant le rang que son incapacité à se battre pour le podium.

Il s’est approché de Sjur Røthe, arrivé une minute plus tôt, pour le féliciter de son premier titre individuel.

Le Norvégien avait battu le Russe Alexander Bolshunov, ce qui n’était pas pour déplaire au Québécois, et Martin Johnsrud Sundby, l’autre Norvégien qui avait tout fait pour se détacher avant d’entrer dans le stade, se sachant condamné dans un sprint à trois.

Le sort de Harvey s’était décidé peu avant la mi-course, au bout de la dernière montée de la portion de 15 km en classique. Comme il l’avait anticipé, Bolshunov et le Finlandais Iivo Niskanen (4e), des spécialistes de la technique déjà très actifs, ont réattaqué à ce moment-là.

Harvey, qu’on avait vu serrer les dents presque tout le long du parcours en classique, n’a simplement pas eu assez de ressort.

« Ces dernières années, c’est vraiment en pas de patin que je suis meilleur, a-t-il rappelé. Je savais que si Iivo et Bolshunov allaient vraiment à fond, je n’avais pas beaucoup de chances de les suivre. J’y croyais quand même, mais je savais que ça allait être difficile. »

Dans la zone de transition, son retard n’était que d’une vingtaine de secondes sur le premier. Il gardait espoir de revenir si les sept meneurs s’observaient un peu. D’autant qu’il était dans une forme splendide en style libre. Au point que personne n’a pu le relayer durant la poursuite. Ni le jeune prodige norvégien Johannes Høsflot Klæbo, craint par tous au sprint, ni le Suisse Dario Cologna, déjà limite, ni le Russe Sergey Ustiugov, tenant du titre.

Dans les circonstances, Harvey a dû s’improviser chasseur. « Ce n’est pas mon genre de chasser… Moi, je suis le gars qui la joue un peu stratégique. Là, je n’avais pas le choix. »

L’espoir régnait toujours. « Si je taguais le groupe en pas de patin, j’avais de bonnes chances. »

« J’étais seul devant et personne ne prenait de relais. C’était dur. Mais je me sentais bien en skate, vraiment bien. Je n’étais juste pas assez bon en classique. »

— Alex Harvey

Devant, Bolshunov, Niskanen, Sundby et Røthe roulaient à fond. Même le jeune Britannique Andrew Musgrave et le Français Clément Parrise ont mis la main à la pâte. Seul le Kazakh Poltoranin s’est fait décrocher assez tôt.

« Sjur et Sundby savaient qu’ils devaient continuer à pousser parce que Klæbo, Ustiugov et moi, on n’était quand même pas trop loin, a noté Harvey. Nous étions probablement les trois meilleurs finisseurs parmi les 12 premiers à ce moment-là de la course. »

L’athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges a cru pouvoir revenir jusqu’à 7,5 km de l’arrivée. Mais l’écart ne cessait de croître et avait dépassé les 40 secondes. Le retour d’Ustiugov lui a donné une deuxième vie pour la fin de course.

Après avoir lâché le Russe dans l’ultime montée, il a déposé Musgrave à 200 m de la ligne, devant les tribunes remplies. Une sixième place pour l’honneur, le meilleur du reste de la bande.

« Dans certaines circonstances, quand tu finis sixième d’un départ en groupe, tu t’es battu pour le podium pendant toute la course. Mais aujourd’hui, après 13 km, le podium était parti. Je ne me suis pas vraiment battu pour le podium. »

« Sa meilleure course de l’année »

Prix de consolation à l’issue de l’ultime skiathlon de sa carrière, Harvey a pu assister à la cérémonie de remise des médailles, à titre de sixième et dernier invité. « Je me suis battu jusqu’au bout. Cette sixième place, je suis vraiment allé la chercher. »

La médaille d’or de Røthe lui a fait plaisir. Le Norvégien a souffert de graves rhumatismes au dos qui l’ont cloué au lit l’hiver dernier. « Il a dû faire beaucoup de rééducation, de tests, d’examens physiques pour comprendre ce qu’il avait et reprendre le dessus. Il n’est pas allé aux Jeux l’an passé. Je suis vraiment content pour lui. »

Crevé, Harvey a annoncé sur-le-champ qu’il ne ferait pas le sprint par équipes avec Len Valjas, aujourd’hui. « Je suis vraiment allé au bout de mes ressources », a-t-il souligné, citant ses triceps pris de crampes. « Je ne veux pas risquer de tomber malade. »

Il met donc « tous [ses] œufs dans le panier du 50 » km du 3 mars, où il partira avec le dossard de champion en titre.

« Je peux encore être un prétendant [au 50 km]. »

— Alex Harvey

Son entraîneur Louis Bouchard, « un peu inquiet pendant le classique », est lui aussi rassuré : « Normalement, si ça ne va pas bien en classique, c’est dur de revenir avec de l’énergie [en pas de patin]. Il aurait pu fléchir un peu mentalement. Mais là, il a fait l’échange, et boum, il avait plein d’énergie. En pas de patin, il skiait bien, il était fluide, il était long, il glissait super bien. C’est une bonne nouvelle pour le 50. »

Devon Kershaw, ex-membre de l’équipe canadienne, a eu la même impression. « Il vient de réussir sa meilleure course de l’année », a insisté le consultant d’Eurosport à ces Mondiaux. L’Ontarien sait déjà ce qu’il annoncera à ses auditeurs de 75 pays en prévision du 50 km : Harvey et les Norvégiens seront les favoris.

En début de soirée, à la place des médailles, Harvey a donc reçu un joli trophée en bois, serti d’un cristal Swarovski, devant quelques milliers de spectateurs, pour la plupart norvégiens. Dimanche prochain, il voudra clore sa carrière au même endroit, avec du métal au cou.

Johaug volait

Therese Johaug avait l’impression de « pouvoir voler » durant le skiathlon de 15 km, hier matin. Ses adversaires le confirmeront. Pour son retour dans un grand championnat après sa suspension de deux ans, la Norvégienne a pris la course à bras le corps et détruit la concurrence, remportant la médaille d’or avec une avance de près d’une minute. « J’attendais cette compétition depuis deux ans, c’est un rêve devenu réalité aujourd’hui », a-t-elle réagi, en pleurs. Johaug avait écopé pour un stéroïde contenu dans un baume à lèvres que le médecin d’équipe lui avait remis lors d’un stage en Italie, en 2016. Dans une bataille à trois, la Norvégienne Ingvild Flugstad Østberg a remporté l’argent. La Russe Natalia Nepryaeva a privé la Norvège d’un triplé en devançant Astrid Uhrenholdt Jacobsen.

Dure journée pour les Québécoises

Les Québécoises Katherine Stewart-Jones, de Chelsea, et Cendrine Browne, de Saint-Jérôme, n’ont pas été en mesure d’accrocher le wagon principal, terminant respectivement 39e et 40e, à plus de quatre minutes. « On dirait qu’[hier], je n’avais juste pas de feeling dans les jambes », a admis Stewart-Jones, 23 ans, qui voudra se reprendre au 10 km classique de mardi, son principal objectif. « Je ne vous cacherai pas que cette année post-olympique a été un peu plus dure pour moi », a pour sa part déclaré Browne, 25 ans. « On atteint notre rêve et on se demande un peu après où on s’en va. » Elle vise maintenant une place parmi les 30 premières au 30 km de samedi prochain, ce qu’elle avait réussi il y a deux ans à Lahti (26e).

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