Alors que le taux d’échec des nouveaux produits est généralement très élevé, faire appel à des consommateurs durant la phase de recherche et développement permet d’économiser temps, argent et déception.
Tout a commencé chez Gibiers Canabec, une entreprise de Saint-Augustin-de-Desmaures, qui désirait étendre la portée de ses dégustations en expédiant ses produits chez les consommateurs sélectionnés.
Puis, lors d’une réunion de chefs d’entreprise organisée par Québec International (QI), en septembre 2016, une séance de remue-méninges a été lancée pour trouver des moyens de soutenir leur développement à tous. Lorsqu’ils ont découvert le concept de Gibiers Canabec, à la fois très profitable mais lourd à gérer en solo, QI a proposé de chapeauter le tout.
En plus de réaliser le montage financier, l’organisation a fait appel au Groupe TAC, une entreprise employant plusieurs personnes avec des limitations physiques ou intellectuelles, pour préparer les envois postaux. Québec International a également choisi de s’associer à inbe, une entreprise possédant l’expertise pour obtenir la voix des consommateurs. « On savait déjà comment choisir les candidats selon leur âge, leur genre et leurs préférences, comment poser les bonnes questions et comment analyser les réponses, explique Daniel Leblanc, président et cofondateur d’inbe. Donc, quand Québec International nous a proposé le concept de goûteurs à domicile, c’était une extension naturelle pour nous. »
Projet-pilote
Depuis bientôt un an, huit entreprises participent au projet-pilote. Après qu’elles ont préparé leurs échantillons et les questions qui les intéressent, les boîtes sont expédiées partout en province, principalement dans les régions de Québec et de Montréal.
Outre l’économie de coûts permise par le regroupement des produits dans un même colis, le projet permet de mieux cibler les consommateurs. « Si un produit s’adresse spécifiquement à une clientèle végétarienne, on s’assure de ne pas le mélanger avec de la viande de gibier », souligne Sandra Hardy, directrice au développement des affaires chez QI.
Le patron d’inbe renchérit : « Quand on veut développer des plats pour les jeunes familles, il faut avoir la certitude de contacter des jeunes parents qui vont goûter, précise M. Leblanc. Notre banque de répondants québécois nous permet de trouver les bons candidats pour faire les dégustations. »
inbe a même accès à une banque de 17 millions de répondants à travers le monde.
« Si on veut l’opinion d’une mère végétalienne de Californie qui est propriétaire d’un condo, on peut la contacter. »
— Daniel Leblanc, président et cofondateur d’INBE
La précision dans la sélection des participants et le contexte de dégustation personnalisé, simple et sans censure permettent au projet-pilote d’aider les entreprises participantes. « Grâce aux réponses des goûteurs, certaines entreprises ont carrément changé de cap, souligne Sandra Hardy. Par exemple, une compagnie hésitait à ajouter un ingrédient à sa recette : la majorité des employés à l’interne jugeait l’ajout positif, mais durant les tests à domicile, aucun goûteur n’a perçu l’ingrédient ajouté. Au final, ça ne valait pas la peine d’aller de l’avant. Ils ont donc pu économiser des sous. »
Aide précieuse
Parmi les huit entreprises cobayes, on retrouve Maison Orphée, spécialisée en création d’huiles et de condiments biologiques. Selon sa propriétaire, Hélène Bélanger, les goûteurs à domicile permettent aux membres de son équipe de décloisonner leur travail. « On a l’habitude de développer un produit de notre côté en pensant qu’on répond directement à un besoin des consommateurs », dit-elle.
« Mais désormais, avant que notre développement soit abouti, on a l’opportunité de sonder des gens triés sur le volet, des consommateurs qui correspondent à certains critères et qui sont volontaires pour participer à l’activité. Leur implication est donc plus éclairée et plus positive. »
— Hélène Bélanger, propriétaire de Maison Orphée
Leurs commentaires sur l’idée globale d’un produit, l’emballage et les saveurs sont précieux pour Mme Bélanger et ses collègues. « Ils nous permettent d’entrer sur le marché avec plus de chances de connaître du succès », affirme-t-elle.
L’avenir des goûteurs
Vu la satisfaction des différents partenaires, Québec International est persuadée que le projet-pilote va se transformer en service très couru auprès des entreprises. « Nous voulions agir comme une bougie d’allumage, dit Sandra Hardy. Maintenant, l’objectif est que le projet des goûteurs à domicile perdure. »
Pour sa part, inbe veut poursuivre sur sa lancée. « On est déjà sollicité par plusieurs autres entreprises qui aimeraient vivre l’expérience, explique Daniel Leblanc. On répond à un réel besoin. Donc, à la fin du projet-pilote, c’est certain qu’on veut continuer. »
Et pas seulement auprès des organisations œuvrant dans le domaine de la nourriture. « On songe à développer un projet de testeurs à domicile, annonce-t-il. La moitié de nos clients n’évoluent pas dans le milieu agroalimentaire, mais ils ont intérêt eux aussi à envoyer leurs produits chez certains consommateurs bien ciblés pour faire des tests. Je pense entre autres à l’industrie des cosmétiques, qui pourrait en bénéficier grandement. »