Psychiatrie

Plus de 800 Québécois traités par électrochocs chaque année

Chaque année, un peu plus de 800 patients québécois reçoivent des traitements d’électroconvulsivothérapie dans les hôpitaux de la province. Un rapport publié hier par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) permet de lever le voile sur cette pratique utilisée depuis 1938 en psychiatrie, mais qui soulève encore la controverse.

Quel genre de traitement ?

L’électroconvulsivothérapie (ECT) est utilisée comme traitement de dernier recours pour les troubles mentaux graves, comme la dépression majeure, la schizophrénie et la catatonie. Elle consiste à « induire une convulsion au cerveau à l’aide d’un courant électrique », explique le rapport de l’INSPQ. Les patients qui suivent le traitement sont sous anesthésie générale. Directeur du Centre d’excellence en électroconvulsivothérapie du Québec, le Dr Simon Patry explique que le taux d’efficacité de l’ECT s’élève à entre 50 % et 60 %.

Des 800 patients recevant de l’ECT chaque année au Québec : 

74 % souffrent de troubles affectifs, comme la dépression majeure

19 % de schizophrénie

2,6 % de troubles anxieux

1,1 % de troubles de la personnalité

Des effets secondaires possibles

L’ECT comporte des effets secondaires, dont les plus fréquents sont les maux de tête, les douleurs musculaires et les pertes de mémoire à court ou à long terme. Actuellement, la pratique de l’ECT n’est pas soumise à des standards de pratique. Mais des lignes directrices, issues d’un comité d’experts canadiens, seront émises cet automne à ce sujet, souligne le Dr Patry, qui pratique l’ECT depuis 15 ans.

Utilisation en baisse

Découvert en 1938, le traitement par ECT a « massivement été utilisé », en psychiatrie « avant d’être décriée dès l’avènement des psychotropes au cours des années 1960 », peut-on lire dans le rapport de l’INSPQ. Entre 1988 et 1996, l’ECT a connu une recrudescence alors que le nombre de séances à doublé au Québec. Après s’être stabilisé jusqu’en 2001, l’usage de l’ECT a baissé de 30 % dans la province de 2002 à 2013. Aujourd’hui, le taux d’utilisation de l’ECT au Québec est parmi les plus faible au Canada. Pour le Dr Patry, cette baisse montre que le traitement est utilisé « dans les règles ». « On arrive à l’ECT quand les autres thérapies ont échoué », dit-il.

Des 900 000 personnes traitées chaque année pour troubles mentaux au Québec, 0,08 % reçoit de l’ECT.

Les femmes reçoivent 1,5 fois plus d’ECT que les hommes.

La prévalence d’utilisation de l’ECT est 1,7 fois supérieure chez les personnes âgées de plus de 65 ans que chez celles âgées de 40 à 65 ans.

Un traitement controversé

Depuis 10 ans, le comité Pare-Chocs réclame la fin des traitements d’ECT au Québec. Porte-parole du groupe, Ghislain Goulet explique que malgré 75 ans d’utilisation, l’ECT « n’a pas encore fait ses preuves ». « L’efficacité du traitement est temporaire. Ça dure quatre semaines. On retrouve notre état antérieur après. Il y a des risques d’effets secondaires. Pourquoi poursuivre dans cette voie ? Pourquoi ne pas aller ailleurs ? » demande-t-il. M. Goulet souligne que des études devraient être menées sur l’efficacité à long terme de l’ECT et sur ses retombées sur le cerveau. « Présentement, on manque de données », dit-il.

Des préjugés tenaces

Le Dr Patry estime pour sa part que si les préjugés sont tenaces au sujet de l’ECT, c’est que la population en général est mal informée. « Il y a beaucoup d’émotivité dans le débat. On parle d’électricité. Ça rappelle le mot “électrocution” ». Mais l’ECT, c’est un traitement de dernier recours qui sauve des vies », affirme-t-il. Ce dernier souligne que dans le cas des dépressions majeures, aucun traitement, pas plus l’ECT que les médicaments, ne garantit une rémission complète jusqu’à la fin de la vie.

Plus d’ECT en Estrie

Les régions québécoises ne sont pas toutes égales quand vient le temps de parler de traitement d’ECT. Alors que l’Estrie présente le plus fort taux de prévalence avec 22,5 cas par 100 000 habitants, ce taux n’est que de 2,6 par 100 000 habitants dans les Laurentides. « Cette situation peut s’expliquer par différents facteurs. Par exemple, certaines régions peuvent offrir un meilleur accès. Il peut aussi y avoir moins de préjugés envers ce traitement. Des études devraient être menés pour trouver les raisons », soutient le Dr Patry.

NOMBRE DE PERSONNES AYANT REÇU L’ECT  PAR 100 000 HABITANTS

Bas-t-Laurent : 12

Saguenay-Lac-St-Jean : 10,6

Capitale-Nationale : 11,4

Mauricie-Centre-du-Québec : 19

Estrie : 22,5

Montréal : 11,7

Abitibi-Témiscamingue : 8,5

Côte-Nord : 12,9

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine : 6,5

Chaudière-Appalaches : 3,9

Laval : 7,8

Lanaudière : 4,3

Laurentides : 2,6

Montérégie : 7,8

Peu de psychiatres l’utilisent

Seulement 17 % des psychiatres du Québec, soit 205 individus, utilisent l’ECT dans leur pratique. Selon l’étude de l’INSPQ, alors que certains psychiatres n’administrent que quatre séances d’ECT tous les cinq ans, d’autres en pratiquent plutôt plus de 360 durant la même période. « Comme tout traitement médical spécialisé, ceci soulève un certain nombre de questions relatives à la qualité de l’acte médical […] notamment pour ceux qui dispensent rarement cette thérapie », écrit l’INSPQ. Pour le Dr Patry, cette situation prouve l’importance de la formation continue dans le domaine. Dans les conclusions de son rapport, l’INSPQ note que le Québec doit se doter d’une formation universitaire sur l’ECT et d’un programme de développement professionnel continu pour les psychiatres.

Davantage de suivi nécessaire

En 2012, le Centre d’excellence en ECT du Québec a été mis sur pied. Depuis, la procédure de consentement des patients voulant recevoir l’ECT a été revue. Le Dr Patry milite aussi pour qu’un registre national des cas d’ECT soit créé afin de mieux les documenter. Le taux d’effets secondaires et le taux d’efficacité des traitements au Québec pourraient par exemple être documentés étroitement. Ce registre permettrait également de savoir si l’ECT permet de diminuer la mortalité des patients gravement dépressifs.

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