COLLABORATEUR INVITÉ LP MAURICE

Propager une nouvelle culture d’affaires plus entrepreneuriale

Diplômé de Harvard et cofondateur de Busbud, une  start-up de Montréal qui veut révolutionner le transport par autobus, LP Maurice est notre collaborateur invité pour tout le mois de septembre.

Avons-nous la même culture d’affaires au Québec que la génération de nos parents ?

Selon moi, une nouvelle culture d’affaires beaucoup plus entrepreneuriale commence à émerger au Québec. Celle-ci est notamment très palpable actuellement dans la communauté des start-ups et des entrepreneurs. On voit quelques signes qu’elle commence aussi à se propager au milieu corporatif et public.

Cette culture est plus ouverte, transparente et collective que jamais. Trois de ses valeurs-clés : l’action, la collaboration et l’entraide.

L’action, c’est faire des gestes. C’est expérimenter. C’est accepter la possibilité de l’échec. C’est décider sans information complète. C’est travailler en petite équipe efficace plutôt qu’en grandes structures. C’est l’ardeur au travail. C’est respecter ses engagements, plutôt que juste parler. C’est foncer.

La collaboration, c’est s’unir pour être forts. C’est travailler ensemble. C’est trouver des partenaires complémentaires. C’est mettre de côté nos différences et nos ego. C’est oublier parfois la hiérarchie pour faire du progrès. C’est sortir des silos. C’est l’inverse du « chacun pour soi ». C’est mélanger les disciplines.

L’entraide, c’est donner au suivant. C’est aider les gens autour de nous. C’est partager avec nos pairs. C’est mentorer nos prochains. C’est de faire des présentations pour nos contacts. C’est investir dans nos jeunes quand on a eu du succès. C’est savoir en laisser sur la table parfois. C’est donner avant de recevoir.

Je vois de plus en plus d’entrepreneurs et de gens d’affaires au Québec qui épousent ces valeurs. Si c’est le cas, nous serions possiblement à un point d’inflexion important dans l’histoire du Québec.

Le Québec aurait un passé assez particulier par rapport aux affaires et à l’argent. L’excellente série Les Grands Moyens, animée par Bernard Derome, fait un survol très intéressant de ces origines. À travers des entrevues avec des entrepreneurs comme Jean Coutu, Stephen Jarislowsky et Marc Dutil, la série révèle une culture d’affaires teintée de certains préjugés quant à l’argent et à la richesse. « On a de la difficulté avec l’argent au Québec […], c’était comme si c’était très mauvais de réussir en affaires », y confiait l’entrepreneur en série Charles Sirois.

Selon la série, la présence de l’Église aurait aussi joué un rôle important dans notre passé en encourageant notamment les Canadiens français à bouder les affaires et en favorisant la stabilité et le confort au détriment de la prise de risque, ce qui aurait aussi pu mener, avec le temps, à un certain corporatisme dans nos grandes entreprises et institutions.

Comprendre ce contexte est important pour soutenir le développement de l’entrepreneuriat au Québec. Si notre culture d’affaires n’accepte pas l’échec, les entrepreneurs seront timides à se lancer. Bien que la Fondation de l’Entrepreneurship cite qu’une majorité de Québécois estiment « qu’un entrepreneur ayant subi un échec au Québec est respectable », cette perception n’est pas toujours facile à ressentir en pratique.

Alors, sommes-nous vraiment plus entrepreneuriaux au Québec aujourd’hui ? Selon l’Indice entrepreneurial québécois 2014 produit par la Fondation de l’Entrepreneurship, il y aurait une évolution positive des intentions de démarrage (33,6 % en 2014 contre 25,0 % en 2013) et des démarches (12,0 % contre 7,4 %).

Dans la même étude, les Québécois ont été sondés sur leur « choix de carrière idéal ». Le résultat est encourageant et révélateur d’un changement dans notre culture d’affaires. Pour les 35 ans et plus, l’option la plus populaire était un « emploi au gouvernement » (32 % des répondants), suivie par « démarrer une entreprise » (29 %), un « emploi dans une PME » (18 %) et, enfin, un « emploi dans une grande entreprise » (16 %). Ceci dit, les jeunes de 18 à 34 ans sondés avaient, quant à eux, une tout autre préférence : 40 % d’entre eux préfèrent « démarrer une entreprise ». Les jeunes Québécois considèrent donc davantage le parcours entrepreneurial.

Par contre, il reste un fossé entre les intentions de démarrer et les démarches, notamment dans le segment-clé des 18-34 ans, où les intentions (33,6 %) excèdent clairement les démarches (12 %). Il y a aussi un fossé entre le Québec et le reste du Canada. À croire certaines études, l’entrepreneuriat au Québec battrait de l’aile. 

Le magazine Maclean’s nous déclarait récemment bon dernier en matière d’affaires au Canada, précisant que, de 2000 à 2009, le Québec a eu simultanément le plus haut taux de destruction d’entreprises et le plus bas taux d’entrée et de création d’entreprises.

Au-delà des chiffres, il y a le sentiment. Mettre les pieds à la maison Notman à Montréal, c’est y voir cette nouvelle culture d’affaires de demain. Tout récemment, au Forum des jeunes professionnels organisé par la boîte de conseil McKinsey, j’ai appris que Desjardins, une des plus anciennes institutions au Québec, a récemment implanté un incubateur d’idées à l’interne. Nos leaders ont une volonté de changement.

Mon souhait est que cette culture continue de se propager au-delà de la communauté des entrepreneurs et des start-ups dans nos grandes entreprises et aux quatre coins de nos gouvernements.

Nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Or, si cette nouvelle culture d’affaires ancrée dans l’action, la collaboration et l’entraide vient à faire partie de notre quotidien, nous créerons de la richesse de façon juste et équitable. Nous bâtirons un environnement sain pour démarrer des entreprises performantes. Nous transformerons de manière définitive notre culture d’affaires. Nous créerons une nouvelle réalité économique pour le Québec.

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