Transports en commun

Le modèle de Vancouver

VANCOUVER — Pour m’expliquer le fonctionnement des transports en commun à Vancouver, Bob Paddon pose sur la table un classeur qui doit bien faire 15 cm de haut. Un classeur qui regroupe les essais et erreurs de la gouvernance en transports en commun des 15 dernières années à Vancouver.

Rien de plus ennuyant, direz-vous. Mais à mes yeux, c’est une sorte de grimoire que tient le vice-président de Translink. Et pas seulement parce que le modèle de gouvernance de Vancouver est LE modèle en Amérique du Nord.

Ce classeur montre noir sur blanc que le gouvernement Couillard s’apprête à commettre la même erreur qu’a faite Vancouver… avant de reculer, de changer de direction, et de devenir la ville exemplaire qu’elle est devenue.

« Il n’y a pas une semaine qui passe sans qu’une délégation étrangère nous rende visite », se réjouit Bob Paddon, responsable de la planification chez Translink.

Translink, c’est l’équivalent de notre Agence métropolitaine de transport. Ou plus précisément, de la future ART, l’Autorité régionale de transport sur laquelle travaille Québec.

Une chose cruciale distingue toutefois le modèle de Vancouver et celui qu’on s’apprête à implanter à Montréal :  la composition du conseil d’administration.

C’est le conseil qui prend les décisions. Qui arbitre. Qui tranche. D’où l’importance de choisir avec précaution les membres qui y siégeront, et surtout, à qui on donne le plus grand nombre de sièges.

Est-ce mieux d’avoir un conseil formé en majorité d’experts indépendants embauchés pour leur compétence ? Ou un conseil formé d’élus désignés par souci démocratique, comme veut en implanter le gouvernement Couillard à Montréal ?

« Nous avons eu ce débat il y a plusieurs années, raconte Bob Paddon. En 1999, après réflexion, on a décidé que le conseil serait finalement composé d’élus : 12 choisis par les municipalités, 3 par la province. Mais cette structure n’a pas duré longtemps… »

Car les chicanes n’ont pas tardé. Les maires étaient souvent incapables de s’élever au-delà de leurs intérêts locaux, tirant la couverte chacun de leur bord, paralysant le développement des transports en commun…

Dès que la faille est apparue, une commission indépendante a été mandatée par la province. Recommandation : transformer le conseil d’élus en un conseil d’experts indépendants. Un conseil formé de citoyens qui n’ont d’autre allégeance que leur mandat. Ce qui fut fait en 2007.

« Nous avons un mandat régional, non pas local, explique un de ces citoyens, Barry Forbes, ancien patron de banque aujourd’hui vice-président du conseil de Translink. Comme membres du conseil, nous ne travaillons pas pour une ville, mais pour l’ensemble de la région. »

Les maires n’ont pas été évacués de la gouvernance, cela dit. Vancouver leur a donné un pouvoir de supervision de Translink, sous la forme du Mayors council. Façon de garder le lien avec les élus… sans qu’ils aient le pouvoir de paralyser les transports en commun.

« La gouvernance à Vancouver n’est pas parfaite, reconnaît Bob Paddon. Mais quand on regarde le bilan de Translink, on voit qu’on a réussi à réaliser de grandes choses en plus d’augmenter l’achalandage des transports en commun de 84 % en 10 ans. Et on voit bien que cette gouvernance, malgré ses défauts, mérite d’inspirer d’autres villes. »

« Je ne dis pas que Montréal devrait reproduire intégralement notre modèle, ajoute-t-il, mais je peux dire qu’on a réussi de grandes choses en tirant des leçons du passé. »

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