Agriculteurs en détresse

Jeunes et optimistes

Ils sont jeunes, allumés et passionnés. Malgré les sombres statistiques sur la santé mentale en agriculture, la relève embrasse le métier avec grand enthousiasme, portée par un désir d’équilibre, d’entraide et de performance. Quelques élèves inscrits au programme Gestion et exploitation d’entreprises agricoles au Cégep Saint-Jean-sur-Richelieu ont accepté de s’exprimer sur le métier en table ronde.

SAMUEL GUINOIS-CÔTÉ

Âge : 18 ans

Année : 1re

Résidence :  Saint-Jacques-le-Mineur

À venir : relève de la ferme A. Guinois et fils, production maraîchère.

Défi : optimiser la production sur la terre pour diminuer les coûts.

« On a beaucoup de stress sur nos épaules : la saison est courte, les prix du marché augmentent peu par rapport au prix des intrants et de la main-d’œuvre. Mais, contrairement à plusieurs agriculteurs qui faisaient le métier par dépit, parce que c’était comme ça, nous on est là parce qu’on aime ça. J’aime l’agriculture parce que ce n’est pas répétitif. Dans le végétal, j’aime la mise en marché, le contact avec le client et la vente. Je crois qu’on sera plus aptes à gérer le stress parce qu’on apprend à gérer nos finances et les employés, on connaît les ressources. À plusieurs actionnaires et avec de bons employés, on peut se permettre de prendre des congés. »

ALEXANDRE HUARD

Âge : 23 ans

Année : 2e

Résidence :  Mont-Saint-Grégoire

But : démarre cet été la ferme Aux beaux légumes, production de légumes biologiques soutenue par la communauté.

Défi : acheter une terre.

« J’adore ce que je fais, je ne peux pas concevoir qu’on puisse tomber en dépression à cause de notre emploi. Je ne viens pas du milieu, mais je sais qu’il y a du stress. Avec ce que j’ai appris ici, je devrais avoir les outils pour bien le gérer. Durant nos études, on développe un bon réseau de contacts, on a des points d’appui. On découvre des programmes, des services, on n’est pas isolés. J’irai chercher de l’aide au besoin. J’aime l’idée d’être mon propre patron, travailler à l’extérieur, toucher à tout. Je participe à la banque de terres de Brome-Missisquoi. Le prix des terres qui augmente peut être contraignant, mais je suis confiant. »

ANNE AMMERLAAN

Âge : 31 ans

Année : finissante

Lieu de résidence :  Saint-Valentin

À venir : relève de la ferme laitière Ammerlaan.

Défi : prendre le temps de faire des plans de match, de parler.

« On ne verra plus de fermes où le propriétaire travaille seul comme un malade ! Avant, il fallait juste travailler fort et on arrivait. Aujourd’hui, le producteur est un homme-orchestre entouré d’experts (vétérinaire, agronome). Il touche à la santé animale, la mécanique, les relations humaines, les technologies, etc. Quand on connaît nos forces et nos faiblesses, on délègue efficacement et ça permet de mieux gérer le stress. L’agriculture sera plus professionnalisée : des gens qui échangent, voyagent, ramènent des idées pour que la PME fonctionne bien. En production laitière, c’est facile de prendre des moments pour soi, on pige une heure ici et là. Même au travail, je passe du temps de qualité en famille. J’emmène mon fils de 18 mois sur le tracteur ou nourrir les veaux, c’est apaisant. »

JEAN-BENOÎT PARR

Enseignant et coordonnateur du programme Gestion et exploitation d’entreprise agricole

« La nouvelle génération ne travaillera pas autant d’heures par semaine. Leurs grands-parents ont vécu une grande insécurité financière et leurs parents ont grandi là-dedans : ils ne dépensaient pas un sou, ils préféraient tout faire. Le niveau organisationnel évolue beaucoup en production agricole et les jeunes vont l’amener à un autre niveau. Quand tu es bien organisé, la pression est moins forte. Ils sont aussi préparés à ce qu’ils devront faire, c’est moins générateur de stress. Ceux qui prennent la relève sans formation auront tendance à reproduire ce que faisaient leurs parents. On ne peut plus faire comme en 1970, les fermes ont changé. La communication est au cœur de la réussite, les jeunes sauront bien s’entourer. »

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