Documentaire

L’onde de choc d’un suicide

Ébranlés par le suicide d’un ami, Mélanie L. Dion et Alexandre Hardy ont mis sept années à réaliser un documentaire qui donne la parole aux victimes collatérales d’un suicide : leurs proches. Sans toi dit la douleur et la colère, mais se veut un geste d’espoir.

Mélanie L. Dion était sur un chantier du projet hydro-électrique de La Romaine lorsqu’elle a parlé à La Presse+ la semaine dernière. Hydro-Québec et des partenaires locaux avaient facilité son passage dans ce coin reculé de la Côte-Nord où elle a présenté Sans toi, coréalisé par Alexandre Hardy, dans une formule ciné-conférence, aussi offerte cette semaine à Montréal.

« Ce que j’ai compris, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui ont été touchés de près par le suicide », raconte-t-elle après la première de deux projections à La Romaine. Elle se disait particulièrement touchée de voir des hommes de 60 ans lever la main et lui demander comment ils pouvaient aider une personne en détresse.

La jeune réalisatrice est aussi une victime collatérale du suicide : un ami à elle a mis fin à ses jours il y a quelques années. Ce n’était pas le premier à secouer Saint-Raymond-de-Portneuf, près de Québec, mais ce fut un coup particulièrement dur à encaisser par la communauté, selon elle.

« On a tous été sous le choc de n’avoir pas vu ça venir, dit-elle à propos du jeune homme qu’elle décrit comme souriant et enthousiaste. C’était comme si les gens se disaient : “Si François-Xavier a pu faire ça, je suis à risque, moi aussi.” »

C’est pour comprendre ce geste, et avec la conviction qu’il faut en parler pour le prévenir, qu’Alexandre Hardy et elle sont allés à la rencontre de personnes endeuillées par le suicide. La mère de François-Xavier, d’abord, et celle d’une adolescente poussée à bout par le harcèlement qu’elle vivait à l’école secondaire.

LA COLÈRE DES PROCHES ENDEUILLÉS

Ce qu’on entend dans ce documentaire tourné avec toute la volonté du monde et les moyens du bord, c’est la douleur de ces orphelins du suicide. La difficile reconstruction d’une vie sans ce fils, cette fille ou ce frère qui a mis fin à ses jours. Sans toi donne aussi à entendre une chose qu’on n’entend presque jamais : la colère des proches endeuillés.

« Je trouvais important de laisser parler ceux qui restent, même si c’est pour exprimer de la colère face à la personne qui s’est enlevé la vie », dit la coréalisatrice du film. Ce ressentiment envers la personne disparue est aussi validé par le psychologue Marc-André Dufour, qui estime qu’il faut parler de la douleur des proches et insister pour faire comprendre aux gens que le suicide n’est pas une solution.

Mélanie L. Dion mise sur les ciné-conférences pour « éveiller les consciences », comme elle dit. Pour parler de santé mentale, de prévention, et pour dire aux gens qui souffrent qu’ils peuvent être accompagnés dans leur douleur. « C’est ma cause », dit-elle.

Le documentaire Sans toi de Mélanie L. Dion et d’Alexandre Hardy est présenté les 12 et 13 février, à 19 h, à l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, situé au 5154, rue Saint-Hubert, à Montréal. Entrée : 6 $

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