Développement personnel

Antithérapie

La vie n’est pas juste. Inutile de courir éperdument derrière l’estime de soi. Et, non, communiquer ne règle pas tout. « La communication, c’est bien, mais il ne faut pas en abuser », écrit le Dr Michael Bennett, psychiatre formé à Harvard. Il la compare au fromage sur la pizza : « C’est un de ses principaux ingrédients, reconnaît-il, mais si elle en contient trop, elle devient écœurante et indigeste. »

Que faire alors ? Dire f*ck à la communication. Entre autres choses. Avec l’aide de sa fille humoriste, le psy a écrit un antiguide de développement personnel publié en anglais sous le titre F*ck Feelings, publié en français sous forme d’une série de petits bouquins thématiques aux titres éloquents : F*ck la communication, F*ck l’estime de soi, F*ck la sérénité, F*ck les parents parfaits ou F*ck l’amour. Oui, même l’amour.

Son constat de départ est simple : trop de gens lisent des livres de développement personnel ou vont en thérapie dans l’espoir d’aller mieux… et n’y parviennent pas. Et se sentent d’autant plus minables. « Trop de thérapeutes souhaitent tellement aider leurs patients à exaucer leurs vœux qu’il les confortent dans leurs faux espoirs. Pas moi », écrit-il, lapidaire.

Sa stratégie – car il en a une –, c’est de commencer par dire aux gens que, règle générale, on ne s’est pas « planté ». Qu’il faut commencer par accepter qu’il y a des choses qu’on ne peut pas changer. Chez soi, comme chez les autres. Que ce simple constat peut contribuer à clarifier nos attentes face à une personne (un amoureux ou un ado peu jasant) ou à une situation (un climat de travail tendu, par exemple).

Faire preuve de réalisme

Est-ce une façon détournée de faire un plaidoyer pour la résilience ? Pas vraiment. Plutôt une des nombreuses formules utilisées dans ses bouquins pour dire qu’on est souvent bien moins responsables de nos malheurs qu’on ne le pense. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire… Dans F*ck la gentillesse, les auteurs soulignent en effet qu’évaluer de manière réaliste l’aide qu’on est capable d’offrir à une personne est « plus important que d’obtenir la satisfaction de [nos] fantasmes de Saint-Bernard ».

Ce n’est pas parce que le Dr Bennett se moque des promesses des thérapies plus traditionnelles qu’il fait les choses différemment. Ses messages globaux sont semblables à d’autres : agissez sur ce que vous pouvez contrôler, acceptez ce que vous ne pouvez pas changer. Puis, il met en garde contre des réflexes de pensée qui ne peuvent que nous faire du mal : si on se compare à quelqu’un qu’on perçoit comme un « gagnant », on ne peut que se placer « dans la catégorie des losers ».

« En réalité, beaucoup de gens qui ont la sensation d’être dans une impasse ou sur une pente glissante se débrouillent plutôt bien au vu de la merde dans laquelle ils se trouvent, écrit-il. Ne pas baisser les bras quand on se sent nul(le), seul(e) et ringardisé(e) par la concurrence exige une grande force intérieure et constitue l’une des plus grandes réussites de la vie. »

Ce type de thérapie est-il efficace ? Aucune idée. Mais il est très terre à terre. Disons que cette série de bouquins est à placer dans la catégorie des livres déculpabilisants, comme Le guide du jeune père (Antilogus/Festjens) ou les Chroniques d’une mère indigne (Caroline Allard). Cette thérapie se garde bien de promettre le bonheur. Et si elle ne change pas votre vie, elle vous arrachera au moins des sourires en coin. Peut-être même quelques éclats de rire.

F*ck la communication (et autres titres)

Dr Michael Bennett et Sarah Bennett

Thierry Soucar Éditions, 2016

107 pages

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