Analyse

Derrière la montée de Québec solidaire, les jeunes

QUÉBEC — La montée tangible de Québec solidaire (QS) au cours des dernières semaines a une explication. Les jeunes électeurs, massivement, se rallient au parti de Manon Massé et de Gabriel Nadeau-Dubois. Mais cet afflux de partisans aura-t-il un poids important dans les résultats le 1er octobre ?

Claire Durand, analyste de sondages et professeure à l’Université de Montréal, ne le croit pas. À la différence des allophones, par exemple, les électeurs de moins de 34 ans sont répartis passablement également dans les circonscriptions – autour de 20 % des électeurs. Actuellement, les sondeurs observent que le tiers des jeunes appuieraient Québec solidaire, clairement plus que pour les autres partis.

En regardant de près l’évolution des appuis depuis août, Mme Durand constate que « la hausse des appuis à Québec solidaire vient presque exclusivement du groupe des 18-34 ans ». En début de campagne, les jeunes avaient tendance à appuyer le Parti libéral du Québec (PLQ), mais cette tendance s’est inversée depuis deux semaines. « Les 18-34 ans ne représentent que le quart de l’électorat et il est relativement réparti également dans l’ensemble des comtés. L’impact de leur vote est donc restreint.

Selon elle, la montée de QS, globalement, n’est pas une vue de l’esprit. « On la voit dans trois maisons de sondages différentes : ça existe ! » Mais au stade actuel, il ne faut pas sauter aux conclusions : le vote populaire de QS peut doubler et dépasser largement les 7,63 % d’avril 2014 sans que beaucoup de circonscriptions basculent pour le tiers parti.

Sur les 12 circonscriptions du Québec comptant une plus forte proportion de jeunes, trois sont déjà acquises à QS : Gouin, Mercier et Sainte-Marie–Saint-Jacques, toutes à Montréal. Trois autres sont dans la ligne de mire de QS : Laurier-Dorion (à Montréal), Hochelaga-Maisonneuve (à Montréal) et Taschereau (à Québec). Dans le passé, la proportion des jeunes électeurs a constamment diminué ; on en comptait environ 44 % en 1976, on en compte actuellement un peu plus de 20 %. Selon la région, on observe des écarts marqués : 30 % dans Mercier et 15 % dans Charlevoix.

« Toujours risqué de prédire ce que feront les jeunes le jour du vote », observe Philippe Fournier, de Qc125. Il est vrai que les moins de 35 ans font, plus que les autres électeurs, faux bond le jour du scrutin. Mais il ne faut pas trop vite compter sans eux. Aux élections fédérales de 2015, on a enregistré un record sans précédent : 1,4 million d’électeurs avaient voté pour la première fois, « et cela a clairement pesé en faveur de l’élection des libéraux de Justin Trudeau », estime Sébastien Dallaire, patron de la firme de sondages Ipsos. Cette firme a vu la proportion de jeunes qui appuient QS monter constamment, de 9 % en février à 20 % en août.

S’ils ont l’impression que leur vote peut changer des choses, les jeunes peuvent se mobiliser, observe-t-il.

La campagne du Parti libéral du Canada visait notamment cette clientèle, souvent des circonscriptions néo-démocrates. Trudeau a fait campagne dans plusieurs circonscriptions universitaires. On peut penser que son engagement à légaliser le cannabis a aussi attiré le vote de jeunes électeurs.

Les jeunes ne se présentent pas toujours aux urnes. En plus, ils ne sont pas toujours fidèles. Un retour sur les élections de 2012 a démontré que le quart de ceux qui avaient l’intention de voter pour Québec solidaire avaient, le jour du vote, plutôt appuyé le Parti québécois.

La stratégie de QS sur le terrain illustre qu’on mise gros sur ces électeurs, toutefois. QS a ratissé Sherbrooke ; le parti avait fini en quatrième place avec 13 % en 2014, mais sa candidate semble désormais rivaliser avec le ministre libéral Luc Fortin. Dans Taschereau (dans le centre-ville de Québec), QS pense avoir des chances avec Catherine Dorion, une candidate qui jouit d’une bonne notoriété. D’autres cibles de QS en dehors de Montréal ont un point commun : comme Sherbrooke, ce sont des villes universitaires – Rimouski, Rouyn-Noranda. On a retourné les pierres au Collège Ahuntsic pour la circonscription de Maurice-Richard, à Montréal cette fois. Mais encore là, il n’est pas certain que les étudiants iront voter, il n’est même pas acquis qu’ils le feront dans ces circonscriptions – ils peuvent en effet voter dans la circonscription de leurs parents.

À voir Jean-François Lisée multiplier les attaques contre QS, on comprend que les chiffres des sondages internes montrent que le PQ est en train de glisser. Dans les enquêtes quotidiennes de Mainstreet Research, les deux formations sont au coude à coude, et la tendance favorise clairement QS.

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