Chronique

Un réseau à confort variable

Quand j’ai lu le rapport du BAPE sur le sujet, je me suis tout de suite posé la question : serons-nous debout et entassés dans le REM à l’heure de pointe ?

Le rapport du BAPE, rappelons-le, soutenait qu’il y aurait nettement plus de gens debout dans le REM que dans l’actuel train de Deux-Montagnes, toute proportion gardée. D’où mon questionnement : aura-t-on des voitures de REM bondées ?

Pendant un court instant, je me suis imaginé à Tokyo, où des employés sont embauchés pour pousser les usagers et rentabiliser chaque mètre carré d’espace. 

Impossible qu’une telle chose se produise ici, mais tout de même, quel genre de confort la Caisse de dépôt prévoit-elle pour le REM, qui est une condition essentielle à la hausse de l’achalandage.

Pour en avoir le cœur net, j’ai fait le calcul de ce que j’appelle le « taux d’entassement » sur tout le réseau de la Caisse de dépôt, soit le nombre de personnes debout par mètre carré à l’heure de pointe. J’ai ensuite comparé ces taux à la situation actuelle (1).

D’abord, il faut rappeler une chose importante : chaque train du REM accueillera beaucoup moins de passagers que chaque train de banlieue de Deux-Montagnes (une limite théorique de 600 contre 1700 personnes). En revanche, la très grande fréquence du REM (entre 4 et 7 fois plus à l’heure) et sa flexibilité compenseront cet écart.

Deux-Montagnes

Voyons voir. D’abord, à la station Deux-Montagnes, tous les usagers auront probablement une place assise dans le REM, même à l’heure de pointe le matin, aux environs de 6 h 30 à 7 h 30.

Les usagers des stations suivantes sur ce tronçon n’auront pas cette chance, puisque les 135 places assises de chaque REM auront déjà trouvé preneur, à moins d’être hors pointe.

Rendu à la station Sunnybrooke, après Pierrefonds, chaque train comptera environ 500 personnes à l’heure de pointe, selon mes estimations. Il y aurait donc environ 3,2 personnes debout par mètre carré pendant les stations suivantes (trajet de 15 à 20 minutes).

En comparaison, l’actuel train de banlieue compte moins de gens debout à Sunnybrooke, soit 2,3 par mètre carré. Par contre, la situation se gâte par la suite, puisque le taux d’entassement excède les 4 personnes par mètre carré, une saturation dont se plaignent les usagers, selon l’Agence métropolitaine de transport (AMT).

Le REM n’atteindra pas un tel degré de saturation selon les prévisions d’achalandage, ni à l’ouverture en 2021 ni en 2031. Par exemple, le taux d’entassement moyen ne devrait pas excéder 3,5 durant l’heure de pointe en 2021, selon mes estimations.

Dit autrement, il faut oublier l’image du trajet assis dans le REM à lire La Presse+ durant l’heure de pointe, mais les gens debout seront moins inconfortables.

À titre d’illustration, la Société de transport de Montréal (STM) planifie ses horaires de métro en fonction d’une limite d’entassement équivalant à 4,0 personnes debout par mètre carré pour la pointe. Sur la ligne orange, j’ai constaté un taux d’environ 2,8 durant l’heure de pointe du 20 février, à la station du Mont-Royal. Aucun pépin n’avait eu lieu ce matin-là, faut-il dire…

L’Ouest-de-l’Île

Les voitures du REM venues de L’Ouest-de-l’Île seront passablement moins bondées (2,1 personnes debout par mètre carré à Pointe-Claire). Encore mieux : le faible nombre de voyageurs arrivant par avion à Dorval le matin fait en sorte que des trains du REM presque vides pourront accueillir les passagers en aval, notamment aux stations Autoroute 13 et Bois-Franc.

Notez qu’à Bois-Franc, la fréquence des trains doublera (24 à l’heure), compte tenu de la conjonction des trains du REM venant de Deux-Montagnes, de l’aéroport et de L’Ouest-de-l’Île.

Rive-Sud

Les résidants de la Rive-Sud seront probablement les mieux desservis, avec une fréquence probable de 27 trains à l’heure et un taux d’entassement à Panama qui reste sous les 3,0 passagers debout par mètre carré durant l’heure de pointe la plus achalandée. Il faut dire que la Caisse de dépôt prévoit un plus grand volume d’utilisateurs sur ce tronçon.

En somme, les usagers ne seront pas entassés comme à Tokyo à l’heure de pointe du matin, ils seront généralement plus confortables qu’actuellement, mais oubliez la lecture la patte croisée…

(1) Vous aurez compris la folie de l’exercice : il m’a fallu obtenir la capacité des voitures du REM, estimer leur superficie au plancher pour les gens debout, avoir la fréquence prévue durant la période de pointe du matin et obtenir l’achalandage cumulatif à chaque station. Idem pour le train de banlieue actuel.

Méthodologie

Les résultats pour le REM sont des approximations, basées sur des hypothèses prudentes. La Caisse a déclaré qu’elle s’attendait à un achalandage 15 % plus élevé que les plus récentes projections, compte tenu de l’ajout de trois stations. J’ai plutôt utilisé 12 %.

Autre élément : l’entassement durant la période de pointe est calculé selon une fréquence de 5 minutes entre les trains à Deux-Montagnes et de 2 minutes 30 sur le tronçon central. Cette fréquence est un nouveau scénario de la Caisse, puisque la fréquence jusqu’ici annoncée était respectivement de 6 minutes et 3 minutes.

Enfin, mes estimations postulent un écrasement de la pointe d’achalandage. Actuellement, 57 % des passagers de la période de pointe du matin (6 h à 9 h) prennent le train du circuit Deux-Montagnes durant l’heure la plus achalandée (départ de 6 h 35 à 7 h 37 à Deux-Montagnes). Pour le REM, j’ai écrasé cette pointe à 47 %, ce qui diminue le taux d’entassement.

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