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Alors que l’ancien chef du PQ Pierre Karl Péladeau réfléchit à voix haute sur un retour en politique, son successeur, Jean-François Lisée, assure que la porte est « grande ouverte ». Détails et analyse.

Analyse

Le PQ et le sauveur…

QUÉBEC — C’est inscrit dans l’ADN du Parti québécois. René Lévesque, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard : tour à tour, des leaders charismatiques ont pris les commandes du parti et l’ont amené au pouvoir. Cinquante ans après sa fondation, le Parti québécois (PQ) semble constamment à la recherche d’un sauveur.

La fébrilité qui s’est emparée des observateurs politiques dans les heures qui ont suivi la longue et étonnante entrevue accordée hier matin à Radio-Canada par l’ancien chef du PQ Pierre Karl Péladeau montre bien qu’une place importante reste à combler sur l’échiquier politique. Un espace que n’est pas parvenu à occuper Jean-François Lisée. Les supputations autour d’un retour possible de Jean-Martin Aussant procèdent du même sentiment, à une bien moindre échelle, toutefois.

Pour l’essentiel, le patron de Québecor laisse à nouveau planer la possibilité d’un retour en politique. « Dieu seul le sait ! » a-t-il laissé tomber, la même formule qu’il avait utilisée lors de son passage au congrès péquiste de septembre dernier, où les militants avaient donné un vote de confiance massif à Jean-François Lisée. Mais au fil de ses réponses, on décode que les choses se mettent en place autour de lui, qu’avec le temps, la route se dégage devant lui pour un retour en politique.

La garde partagée des enfants est réglée, il juge même désormais que la vie politique serait compatible avec sa vie familiale. Surtout, il admet sans ambages être « en réserve de la République » et rappelle que son départ de la vie politique « n’était pas [son] souhait ».

Ceux qui le connaissent bien savent qu’il aimerait beaucoup reprendre du service, mais qu’il est conscient que c’est impossible à court terme, sûrement pas avant les prochaines élections générales.

Peut-être que Pierre Karl Péladeau rend la monnaie de sa pièce à Lisée, qui l’avait traité de « bombe à retardement », avant de se désister d’une course où les militants voulaient, selon lui, vivre leur « moment Péladeau ». Sa sortie tombe à la veille d’un Conseil national, un passage toujours délicat pour un chef dont le parti pique du nez dans les sondages. Après une cascade de départs annoncés, les déclarations de Pierre Karl Péladeau à l’antenne de Radio-Canada hier matin ne contribueront pas à consolider l’emprise du chef sur les troupes.

D’ici à la réunion de Saint-Hyacinthe en fin de semaine, Lisée puisera à nouveau dans le chapeau du magicien. Il faut s’attendre à ce que Véronique Hivon joue un rôle bien plus important aux côtés de Lisée – on n’est pas loin du « tandem » Landry-Marois, une idée aussi saugrenue qu’éphémère. Le premier ministre Bernard Landry, à la surprise générale, avait nommé son adversaire perpétuelle, déjà responsable des Finances, comme organisatrice en chef de la campagne de 2003.

Longtemps gourou social du PQ des années 90, Camil Bouchard est aussi appelé à la rescousse pour accoucher de la plateforme « famille » du PQ pour la prochaine campagne électorale.

Le PQ qui promettait « zéro slogan », l’automne dernier, y est allé d’une campagne de publicité éclair plutôt hermétique : « L’État : au régime ou au gym ? » Avec un graphisme emprunté au néo-réalisme soviétique, comprenne qui peut. « C’est la question de départ. Ce n’est pas un slogan en soi. Ensuite, on va voir où ça nous mène », a expliqué au Huffington Post Gabrielle Lemieux, présidente du PQ. Facile à prédire : nulle part !

Lisée, c’est dans son ADN, est convaincu que les Québécois veulent un gouvernement plus musclé, davantage présent dans leur vie. François Legault parie le contraire, et il semble que les sondages lui donnent raison.

Jean-Martin Aussant chuchote à l’oreille de péquistes qu’il a hâte de travailler avec eux. Pas pressé de se lancer dans la course, toutefois, d’autant que le projet annoncé du jeune président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Maxime Laporte, de briguer l’investiture péquiste dans Pointe-aux-Trembles est un obstacle important au retour du guerrier souverainiste. Laporte était l’un des lieutenants de Mario Beaulieu qui, avec une organisation impeccable, était parvenu à devenir candidat dans la meilleure circonscription pour le Bloc québécois et même à devenir chef du parti.

On peut prévoir que de nouveaux sondages s’abattront sur le Parti québécois en fin de semaine. Pour l’heure, une enquête du début de janvier menée par Mainstreet Research, publiée par L’actualité, n’augure rien de bon – on y voyait la Coalition avenir Québec et le Parti libéral au coude à coude, avec respectivement 32 % et 31 % des intentions de vote. Le PQ glisse de 6 points, avec 18 % d’appuis, et passe troisième chez les francophones.

C’est dans ce contexte que Pierre Karl Péladeau a choisi de réfléchir à voix haute sur son avenir. Officiellement, l’entrevue devait porter sur Elephant, la plateforme de Vidéotron destinée à préserver et à diffuser le cinéma québécois. Comme l’éléphant, PKP a de la mémoire. Et Jean-François Lisée l’a constaté hier.

retour éventuel de péladeau au pq

« La porte est grande ouverte », assure Lisée

QUÉBEC — Secousse sismique hier sur la planète péquiste : l’ancien chef Pierre Karl Péladeau réfléchit à voix haute sur un retour en politique. L’ancien chef, qui se décrit « en réserve de la République », serait accueilli à bras ouverts par son successeur Jean-François Lisée.

Les deux hommes en ont discuté fréquemment, a indiqué Lisée. « Pour l’instant, c’est non. Ce qu’il nous envoie comme signaux, c’est non », a-t-il révélé en point de presse à Trois-Rivières, en route pour le caucus de ses députés qui débute demain à Shawinigan. Point de presse impromptu, rendu nécessaire par le retentissement d’une entrevue donnée en matinée par M. Péladeau à la radio de Radio-Canada. « Bien sûr que je souhaite la venue de quelqu’un d’aussi fort, d’aussi déterminé, avec une expérience économique aussi forte. Je trouve que ce serait une bonne idée. Je le lui ai dit, il le sait », a souligné Jean-François Lisée.

Il souhaite surtout un retour de M. Péladeau à temps pour « l’élection cruciale » d’octobre prochain. « Il sait que je souhaite qu’il vienne, et il sait que je sais que cela lui pose des difficultés importantes », mais « la porte est grande ouverte », a insisté Lisée.

M. Péladeau laisse planer le doute quant à un retour en politique active. Sa situation familiale a changé, son divorce avec Julie Snyder avait forcé son départ précipité de la direction du PQ en mai 2016.

« Évidemment, les choses ont bien évolué depuis mon départ, j’ai une garde partagée qui est sanctionnée par le tribunal, donc tout se passe bien. »

— Pierre Karl Péladeau

« Est-ce que la vie politique est conciliable avec la famille, moi je pense que oui… », a-t-il conclu.

Même sa fille Romy, 9 ans, la semaine dernière en regardant la télé avec son père, l’a incité à reprendre du service : « Il faut que tu te présentes, il faut que tu y ailles, que tu y ailles… », a dit Péladeau dans un éclat de rire.

Choisir entre la vie politique et sa famille aura été un choix « shakespearien », se souvient-il. « On ne peut pas faire le choix entre son activité professionnelle, politique et ses enfants. On doit, en ce qui me concerne, faire le choix des enfants, et c’est le choix naturel que j’ai fait. »

« Pour l’instant, évidemment, je suis en réserve de la République, a-t-il laissé tomber. Je dirige Québecor. Nous avons beaucoup de projets et j’entends bien pouvoir les poursuivre. C’est sûr que comme citoyen, je vais participer au débat, a souligné M. Péladeau, qui commente fréquemment l’actualité politique sur Twitter.

« Je l’ai dit au dernier conseil. Vous savez que j’ai quitté la politique. Ce n’était pas mon souhait, bien au contraire », a-t-il dit à l’animatrice Catherine Perrin. Quand elle lui a demandé s’il reviendrait, il a répliqué, comme il l’avait fait au congrès péquiste de septembre dernier : « Dieu seul le sait ! »

« Je me sentais très bien »

Propulsé rapidement de backbencher à chef de l’opposition, il rappelle avoir dû faire un apprentissage rapide devant des politiciens aguerris comme Philippe Couillard, Pierre Moreau et Martin Coiteux. « Ça n’a pas été nécessairement toujours facile au départ, mais après ça, je pense que je me suis bien acclimaté. Je me sentais très bien. »

Lisée, hier, ne laissait pas de doute sur son intention de demeurer chef même si le joueur étoile reprenait du service, des conjectures « divertissantes », a-t-il dit. Dans l’équipe actuelle, « il y a plusieurs chefs potentiels du Parti québécois, moi, je ne serai pas là pour plus que trois mandats », a-t-il lancé à la blague.

« On est dans une situation où il serait député, peut-être ministre […], il faut que Pierre Karl prenne une décision : va-t-il participer à l’élection cruciale cette année ou, pour des raisons parfaitement respectables, il préfère revenir plus tard en politique ? Ce sera toujours un bon moment », a souligné le chef péquiste.

Un reporter risqua même une question sur la circonscription que pourrait éventuellement occuper M. Péladeau. « Ce ne sera pas un problème, si Pierre Karl Péladeau revient… ce ne sera pas un problème », a répondu, amusé, M. Lisée.

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