Aide médicale à mourir

Des médecins hésitants

Selon Rita Mainville, le seul accroc dans le parcours de son fils avec l’aide médicale à mourir aura été la difficulté de trouver des médecins acceptant d’être responsables de l’intervention. « Certains médecins refusent de s’impliquer parce que la loi n’est pas assez claire. D’autres ont peur de se faire poser trop de questions par après », affirme-t-elle.

Combien de médecins doivent approuver la procédure pour qu’une aide médicale à mourir puisse être administrée ?

Deux. La loi exige que le médecin qui administrera l’aide médicale à mourir s’assure d’abord de l’admissibilité de son patient, puis qu’un deuxième médecin indépendant autorise l’acte.

Est-ce compliqué de trouver deux médecins acceptant de pratiquer l’aide médicale à mourir au Québec ?

Mme Mainville estime que la tâche n’a pas été facile, mais que l’administration du CHSLD où était hébergé son fils y est parvenue.

Le Dr Alain Naud, omnipraticien au CHU de Québec, explique que ce n’est pas tous les médecins qui veulent pratiquer l’aide médicale à mourir. Souvent pour une question de manque de compétences ou de connaissances. Occasionnellement pour des raisons de convictions. « Mais il y en a qui le font. Ici, à Québec, nous pouvons répondre aux demandes », assure-t-il. Le secrétaire du Collège des médecins, le Dr Yves Robert, indique que l’important est que l’aide médicale à mourir soit accessible aux patients qui le demandent, ce qui est le cas actuellement.

Au cours des dernières semaines, certains médecins du Québec ont dit subir des pressions de la part de la Commission des soins de fin de vie. Sentant leur travail remis en question, certains médecins ont cessé de pratiquer l’aide médicale à mourir. Que se passe-t-il ?

Le Dr Naud estime que la Commission sur les soins de fin de vie exerce une pression sur les médecins qui font ce geste en remettant en question les diagnostics médicaux. « Le rôle de la Commission est à revoir complètement », dit-il. Le Dr Robert rappelle que la Commission est nouvelle et « qu’on s’apprivoise lentement ». Il précise que la Commission n’a « pas de pouvoirs sur les médecins » et que ceux-ci ont peut-être mal interprété la mission de l’organisme.

Justement, quelle est la mission de la Commission des soins de fin de vie ?

Elle a le mandat d’examiner toute question relative aux soins de fin de vie. La Commission doit aussi surveiller l’application des exigences de la loi, explique sa présidente, Mireille Lavoie. « On détermine, à partir du formulaire rempli par le médecin qui a administré l’aide médicale à mourir, si les exigences de la loi ont été respectées », indique-t-elle. Mme Lavoie précise qu’en aucun temps, la Commission n’évalue l’acte médical. Au cours des dernières semaines, la Commission a d’ailleurs rencontré le Collège des médecins pour « clarifier le mandat de l’un et l’autre » et pour « clarifier les voies de communication » des deux organismes, explique Mme Lavoie.

Comment l’introduction de cette nouvelle pratique se déroule-t-elle au Québec ?

« Je dirais que ça va bien, affirme Mme Lavoie. C’est nouveau pour tout le monde. C’est une nouvelle loi qui demande des ajustements de la part de tous. » La Commission des soins de fin de vie a déposé son premier rapport d’activité au gouvernement le 30 septembre. Dans le document qui sera diffusé au cours des prochains jours, la Commission exposera notamment les statistiques de la dernière année.

Aide médicale à mourir

La Commission sur les soins de fin de vie en bref

Adoptée en décembre 2015, la Loi québécoise sur les soins de fin de vie a entraîné la création d'une commission qui examine toute question relative aux soins de fin de vie dans la province. La Commission doit notamment évaluer si chaque cas d’aide médicale à mourir est conforme à la loi. La Commission sur les soins de fin de vie doit déposer chaque année un rapport d'activité au gouvernement. D'ici deux ans, elle devra également produire un rapport de situation sur les soins de fin de vie au Québec.

La Commission est composée de 11 membres nommés par le gouvernement :

Mireille Lavoie, présidente (doyenne de la faculté des sciences infirmières de l’Université Laval);

La Dre Josée Courchesne, vice-présidente (coordonnatrice médicale de la maison de soins palliatifs Source Bleue)

Maryse Carignan (infirmière)

Marielle Philibert (présidente du comité des usagers du CHU de Québec)

Bilkis Vissandjée (professeure de sciences infirmières à l'Université de Montréal)

Pierre Deschamps (avocat spécialisé en droit de la santé)

Richard Deschamps (PDG du CISSS Montérégie-Centre)

Patrick Durivage (travailleur social)

Jean Lambert (notaire)

Le Dr David Lussier (gériatre)

Robert Thiffault (pharmacien)

santé

L’aide médicale à mourir et la loi

6 février 2015

La Cour suprême rend son arrêt dans l’affaire Carter et invalide l’article du Code criminel qui empêche les médecins d’aider à la mort par consentement d’une autre personne.

10 décembre 2015

La loi québécoise sur l’aide médicale à mourir est adoptée. Les personnes réclamant l’aide médicale à mourir doivent respecter une série d’exigences, dont être majeures, être aptes à consentir aux soins, être en fin de vie, être atteintes d’une maladie grave et incurable, et éprouver des souffrances physiques et psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions jugées tolérables.

17 juin 2016

Le gouvernement fédéral adopte le projet de loi C-14 sur l’aide médicale à mourir. Pour qu’une personne puisse recevoir l’aide médicale à mourir, sa mort doit notamment être « raisonnablement prévisible ».

18 juin 2016

Un groupe conteste la loi fédérale sur l’aide médicale à mourir devant la Cour suprême de Colombie-Britannique en affirmant que cette loi est anticonstitutionnelle car elle ne respecte pas l’arrêt Carter. Les démarches sont actuellement en cours.

— Ariane Lacoursière, La Presse

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