PRIMAIRES AMÉRICAINES

TED CRUZ, LE TAUREAU TEXAN

Il est jeune, il est le favori des membres du Tea Party et il a battu le flamboyant Donald Trump cette semaine dans la première manche des primaires républicaines. Qui est Ted Cruz, ce sénateur texan de 45 ans qui fonce tête baissée vers la Maison-Blanche, bousculant au passage la vieille garde républicaine ? 

UN DOSSIER DE LAURA-JULIE PERRERAULT

Primaires américaines

DÉTESTÉ PAR L’ÉLITE, ADULÉ PAR L’ÉLECTORAT

AUSTIN ET HOUSTON — Il faut chercher pendant un certain temps la plaque sur laquelle sont inscrits les dix commandements de la Bible. Situé juste derrière l’édifice principal du Capitole du Texas, ce petit monument de granite a pourtant fait beaucoup de bruit en 2005. Plaidant devant la Cour suprême en bottes de cowboy, un jeune avocat de 34 ans du nom de Ted Cruz a réussi à convaincre la Cour suprême que la plaque ne contrevenait pas au principe de la séparation de l’Église et de l’État. Il a gagné haut la main.

Onze ans plus tard, Ted Cruz est en tête de la course à l’investiture républicaine et espère devenir le 45e président des États-Unis. Même ses pires ennemis reconnaissent que le Texan de 45 ans est doté d’une force de persuasion hors du commun. Un talent qui lui a été utile devant la Cour suprême (il y a remporté quatre causes en cinq ans) ainsi que lundi dernier, lors des caucus de l’Iowa où il est arrivé bon premier.

« Comme avocat, quand il était solliciteur général du Texas, il a fait un super boulot. Il a défendu les intérêts de l’État. Et je dis ça même si j’étais en désaccord avec presque tout ce qu’il a défendu », dit Newton Schwartz, un avocat de Houston qui a remarqué Ted Cruz dès 2003. 

LE MOUTON NOIR

Newton Schwartz – qui compte accorder son soutien au démocrate Bernie Sanders – ne cache pas qu’il a peu d’affection pour Ted Cruz, dont l’ascension politique est, selon lui, aussi surprenante que fulgurante. Il y a cinq ans, hormis au sein des cercles juridiques, l’avocat texan, diplômé des prestigieuses universités de Princeton et de Harvard, était un pur inconnu de l’électorat. « Il a écrasé beaucoup d’orteils pour arriver là où il est », dit l’avocat.

En 2012, quand le siège de sénateur du Texas s’est libéré, Ted Cruz, malgré son manque d’expérience politique, a décidé de se mesurer au lieutenant-gouverneur de l’État, David Dewhurst, un multimillionnaire.

« Sa très grande confiance en lui l’a convaincu de se lancer dans une course dans laquelle c’était impensable qu’il se lance. Et il a gagné. »

– Ray Sullivan

M. Sullivan a connu Ted Cruz en 2000, alors que les deux hommes travaillaient pour la campagne de George W. Bush. « Aujourd’hui, c’est l’élu le plus populaire de l’État et ça fait quelques années que ça dure », dit M. Sullivan, de son bureau qui surplombe le siège du gouvernement texan.

Ray Sullivan préfère de loin Jeb Bush à Ted Cruz, mais reconnaît que le sénateur a un potentiel de séduction indéniable auprès des électeurs. « Ted Cruz n’a pas beaucoup d’amis au sein des élites d’affaires et politiques, mais son message passe auprès de l’électorat. Quand les électeurs entendent parler Ted, ils le trouvent authentique et intelligent », ajoute-t-il.

LA HAINE PAYANTE

Facile de confirmer ses dires au Texas. Il s’agit de parler avec monsieur et madame Tout-le-Monde pour voir que le candidat à l’investiture a la cote chez les électeurs républicains. « C’est un vrai conservateur. Il ferait un excellent leader et un grand commandant en chef », dit Allan Miller, un vétéran, qui fait aujourd’hui des petits boulots à droite et à gauche pour joindre les deux bouts. Il aime notamment que Ted Cruz soit un homme de foi, fils d’un pasteur évangélique. Il aime aussi que Ted Cruz ait cassé bien des pots pendant son passage au Sénat, où il s’est mis les républicains de la vieille garde à dos en pratiquant l’obstruction systématique.

Ses partisans aiment aussi que Ted Cruz soit détesté par les médias traditionnels. « Les médias lui donnent l’image du méchant, mais ce n’est pas le cas du tout. Il est drôle, il n’est jamais en train de japper des ordres et il est patient avec les gens qui l’entourent. Mais c’est un homme avec des principes forts et ça dérange certaines personnes », a dit à La Presse Konni Burton, une sénatrice de l’État de Texas qui soutient Ted Cruz depuis sa campagne de 2012.

L’ARMÉE DU TEA PARTY

Au Texas, Ted Cruz dispose d’une petite armée issue des rangs de l’Église évangélique et du Tea Party, ce mouvement de la droite radicale qui demande le rétrécissement de l’État. « Il y a une véritable colère dans les rangs des conservateurs depuis 12 ans. Ça a débuté avec George W. Bush. Il s’est mis beaucoup de gens à dos avec les plans de sauvetage de banques et de grandes entreprises », explique Dean Wright, une des figures de proue du mouvement au Texas, en croquant dans un sandwich au steak. L’arrivée d’Obama a été pour eux la bougie d’allumage. « En 2009, nous avons commencé à organiser des événements, à déranger. Nous ne voulions pas d’Obamacare, ni d’un gouvernement socialiste », dit-il.

C’est à ce moment que Ted Cruz est apparu sur leur écran radar. « La première fois que j’ai entendu Ted Cruz prononcer un discours, c’était un inconnu, mais il a réussi à plaider sa cause, dit Dean Wright. Il est venu à tous les forums que nous avons organisés. Au début, il ne nous paraissait pas très sympathique, il a un trop gros vernis, mais nous avons fini par connaître ce drôle de gars. Nous avons vu qu’il se dévouait vraiment à notre cause. »

Aujourd’hui, Ted Cruz est le choix de la majorité des adhérents au Tea Party. Des milliers d’entre eux se sont rendus en Iowa pour l’aider dans sa campagne. Bête de terrain, leur candidat a visité plus de 200 villes et villages en Iowa avant le caucus de lundi, plus que tous ses rivaux.

Les troupes de Cruz sont maintenant au New Hampshire, en préparation des primaires de mardi et se préparent déjà pour la Caroline-du-Nord. « Il dispose d’une armée de 300 000 à travers le pays », dit Dean Wright.

Si le favori du Tea Party est un jour élu à la Maison-Blanche, ses partisans auront beaucoup d’attentes. « Nous avons envoyé Ted au Sénat pour qu’il soit comme un taureau qui fonce sur un palais de verre. Il a fait exactement ce que le Tea Party voulait qu’il fasse. Pour la Maison-Blanche, c’est notre homme. »

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