La politique environnementale la plus détaillée des cinq grandes ligues
Plus tôt cette année, la LNH, par l’entremise de son programme NHL Green, a publié son rapport sur le développement durable (Sustainability Report). Grâce à ce rapport, la LNH est la seule, parmi les cinq grands circuits professionnels masculins nord-américains, à divulguer ses émissions de gaz carbonique.
Karel Mayrand, directeur général de la section Québec et Atlantique de la Fondation David-Suzuki, a lu ledit rapport. Notre intervenant est bien placé pour l’analyser. En 2007, il travaillait pour le mouvement Planetair et avait conclu avec l’Association des joueurs une entente en vertu de laquelle les joueurs s’engageaient à compenser les émissions de CO2 qu’ils généraient. L’ancien joueur Andrew Ference était au cœur des démarches.
Alors, premières réactions ?
« Ils ont fait du chemin ! » s’exclame M. Mayrand au bout du fil.
« La LNH, ce sont 31 équipes qui prennent l’avion, qui jouent des matchs de hockey dans des arénas réfrigérés où on produit de la nourriture et génère des déchets. Ce sont 1500 événements par année. »
Des cinq grandes ligues, la LNH est de loin celle qui présente la politique environnementale la plus complète et la plus détaillée.
La Ligue chiffre en effet ses émissions, cible des objectifs et énumère ses initiatives. Ce qui permet donc de souligner les bons coups, mais aussi de constater où des efforts peuvent être faits.
Les principaux chiffres qui ressortent sont les suivants :
126 000
Nombre de tonnes métriques de CO2 achetées par la Ligue pour compenser ses émissions de la saison 2016-2017
235 000
Nombre de mégawattheures d’énergies renouvelables achetées par la Ligue pour compenser la consommation totale pour la campagne 2016-2017
379 millions
Nombre de gallons d’eau consommés pour la saison 2015-2016
« Je trouve ça intéressant, car ils essaient de réduire de 50 % les déchets des amphithéâtres qui finissent à l’enfouissement, indique M. Mayrand. C’est un bon premier pas, mais ultimement, on devrait vouloir tout composter : les déchets alimentaires, les emballages recyclables. Les restaurants A&W sont rendus loin sur ce plan.
« Pour le climat, ils ne peuvent pas faire de miracles. Les déplacements en avion, il y en aura toujours, à moins de changer complètement le calendrier ! Donc, la Ligue n’a pas le choix d’y aller avec des compensations. Les arénas, les équipes n’en sont pas toujours propriétaires, donc c’est plus difficile à analyser. »
Mayrand salue l’initiative de la LNH d’inclure les déplacements aériens dans son empreinte environnementale.
« Elle pourrait s’en laver les mains en disant que ce sont les émissions des compagnies aériennes. La Ligue mesure son empreinte beaucoup plus largement que d’autres entreprises », précise-t-il.
Comment ces émissions sont-elles compensées ?
Pour la période allant de 2014 à 2016, la Ligue souligne notamment des investissements dans le parc d’éoliennes Crow Lake, au Dakota du Sud, de même que dans la forêt Great Bear, en Colombie-Britannique.
« Ils utilisent deux choses : les crédits de carbone et les certificats d’énergies renouvelables. Ce sont deux choses bien différentes, rappelle M. Mayrand. Un crédit carbone, c’est l’achat d’une tonne de CO2. Un certificat d’énergies renouvelables, c’est un certain nombre de kilowattheures que tu achètes.
« La forêt, c’est un très bon projet, fait selon les meilleures normes. On sait que les crédits carbone achetés là ne sont pas du vent et ne sont pas comptés trois ou quatre fois. »
— Karel Mayrand, directeur général de la section Québec et Atlantique de la Fondation David-Suzuki
Bref, avec ces certificats, la Ligue agit, mais ne peut pas prétendre être carboneutre. D’ailleurs, nulle part dans le rapport la LNH ne se targue d’être carboneutre, souligne M. Mayrand.
« L’autre endroit où ils pourraient mettre plus d’efforts, ce serait l’éducation auprès des partisans. Je sais que ce n’est pas la mission première de la Ligue, mais on parle d’un sport qui est menacé par les changements climatiques », déplore notre expert.
Le sport professionnel est une industrie hautement énergivore, et on ne parle pas ici des milliers de calories que les athlètes engloutissent pour être performants !
Chacune des 31 équipes de la LNH parcourt grosso modo 40 000 km en avion par année, sans compter les séries éliminatoires, et ces chiffres sont encore plus élevés pour la NBA (voir autre texte). Mais il y a plus.
« C’est que c’est une ligue qui est soutenue par des vendeurs de fast-food et des constructeurs de pick-up, image M. Mayrand. Comme tous les sports, la LNH est un véhicule de publicité pour permettre à des entreprises de vendre plus. Ça pousse vers plus de consommation, ça augmente la dette énergétique. Le spectateur est bombardé de publicités pour consommer plus, pour consommer des véhicules énergivores. Ces publicités assurent une partie des revenus publicitaires. La Ligue est face à un dilemme entre la nature même de l’industrie et ses objectifs environnementaux. Et c’est un peu insoluble comme dilemme.
« La Ligue fait néanmoins de bons efforts. Dans toute l’industrie du divertissement, on exige que les gens produisent moins de déchets, qu’ils utilisent de l’éclairage plus efficace sur le plan énergétique, et je sens que la Ligue est dans la mouvance. Peuvent-ils en faire plus ? Oui. Mais c’est dur de jeter la pierre à une ligue qui fait des efforts. Je donnerais un bon B+. »