Opinion : Achats en ligne

Le Québec exporte sa consommation

Pour Noël, on se souhaite des achats qui soient à la fois sur le web et locaux

Les consommateurs québécois, comme le reste des consommateurs nord-américains, font de plus en plus leurs achats en ligne.

À cet égard et contrairement à ce qui s’était produit dans les années 80, alors que les détaillants leur avaient imposé la formule des power centers, les consommateurs ont, cette fois-ci, été plus rapides que plusieurs détaillants. Ils se renseignent en ligne puis, le cas échéant, ils se rendent chez un marchand afin d’y voir, essayer, sentir ou goûter le produit pour ensuite l’acheter soit en magasin soit en ligne. Beaucoup de détaillants ne l’ont pas vu venir.

Pourquoi se rendre dans un magasin alors que l’on peut tout trouver en ligne et de surcroît se le faire livrer à la maison ?

Cette tendance, significative et toujours en croissance, n’est pas sans conséquences à la fois pour notre économie et pour les assises fiscales de nos gouvernements.

Il y a un peu plus d’un an, de concert avec le CEFRIO, j'ai présenté les résultats d’une étude qui démontrait que les Québécois dépensaient plus de 6 milliards de dollars en ligne, soit près de 5 % de l’ensemble de leurs dépenses de consommation. De cette somme, plus de la moitié était dépensée sur des sites étrangers, la plupart américains. Dit autrement, après avoir exporté, dans les années 60 et 70, notre production manufacturière, voici que nous exportons désormais notre consommation !

À ces pertes de ventes, il nous faut ajouter les pertes fiscales, car toutes les transactions, notamment les transactions transfrontalières, ne sont pas nécessairement taxées.

Selon Revenu Québec, ce seraient plus de 177 millions de dollars qui ne seraient pas prélevés. À ce rythme-là, en guise de comparaison, c’est, année après année, les investissements nécessaires à notre système de santé dont on se prive.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

S’il y a aujourd’hui autant de transactions en ligne, c’est que certains marchands, souvent américains, y ont cru et y ont investi. Or, il faut bien l’avouer, nos détaillants ont été lents à prendre ce virage. On a d’abord tardé parce que l’on n’y croyait pas. Je me rappelle encore cette conférence que j’avais prononcée en 1998 devant un groupe de détaillants. La conférence portait sur le commerce électronique. Amazon.com avait alors quatre ans. La première question que l’on m’avait posée était : « Combien de ménages canadiens achètent des produits en ligne ? La réponse était alors « autour de 2,5 % des ménages ». La seconde question fut plutôt une affirmation : « Pourquoi s’y intéresser, ça ne marchera jamais ! »

Un défi qui donne le vertige

Quelques années plus tard, alors que les consommateurs achetaient de plus en plus sur le web et de moins en moins en magasin, plusieurs détaillants ont eu le vertige devant l’ampleur du défi à relever. Dit simplement, la question que l’on se posait et que l’on pose encore est : « Comment rivaliser avec des géant tels qu’Amazon ou Alibaba qui rejoignent respectivement 300 et 450 millions de consommateurs dans le monde, dont ici même au Québec ? »

Pourtant, rien n’est joué. Beaucoup de nos détaillants y arrivent très bien.

Parmi les meilleures stratégies web, notamment sur le plan de la rentabilité, on retrouve la vente en ligne que déploient les chaînes déjà bien connues des consommateurs. DeSerres, La vie en rose, La Baie, Renaud Bray, Canadian Tire, IGA, Metro, Simons ou encore Sports Experts ; voici autant de détaillants de chez nous qui ont trois choses en commun. 1. Ils sont connus des consommateurs. 2. Ils ont désormais une offre web bien structurée souvent arrimée avec leurs activités en magasin. 3. La croissance de leurs ventes est souvent plus élevée sur le web qu’en magasin.

Si le web a su donner un nouveau souffle à bien des détaillants, il a aussi favorisé l’émergence de nouveaux acteurs. Des firmes plus jeunes, des modèles de revenus souvent audacieux, mais surtout une approche différente au commerce. Tous sont d’emblée sur le web alors que certains ouvrent même des magasins. Frank + Oak, BonLook, Altitude Sports, Ssence.com, Poche et fils, Primeauvelo.com, etc. La liste est longue.

Ce sont des détaillants émergents mais qui ont compris l’art du web.

Ces détaillants tablent sur le fait que de plus en plus de consommateurs, notamment les milléniaux, ne magasinent plus par enseigne ou par magasin mais par mot-clé, par concept, par marque ou par produit.

Pour tenter d’apparaître sur le radar des consommateurs, d’autres détaillants, souvent plus petits et moins versés dans la compréhension du web, se tournent vers des sites intégrés qui jouent en quelque sort le rôle de centres commerciaux virtuels. Que ce soit les Shop.ca, achatscentreville.com, shooopping.com ou autres, ces centres se sont multipliés au cours des dernières années. Un territoire sur lequel s’avancent désormais des géants tels que Pages Jaunes et Google.

Alors qu’un récent sondage du Conseil québécois du commerce de détail nous apprenait qu’un Québécois sur quatre achètera au moins une partie de ses cadeaux en ligne cette année et alors que moins de 15 % le feraient sur des sites d’entreprises locales, ne serait-il pas opportun de se demander si nous ne pourrions pas faire autrement ?

Juste pour le plaisir de la chose, cette année, visitez le site d’un détaillant local. Vous pourriez être grandement impressionné.

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