Le train électrique de la Caisse

Pourquoi la grande efficacité du REM ne sera pas suffisante

Le Réseau électrique métropolitain (REM) sera deux fois moins coûteux que les modes de transport actuels. L’écart ne sera toutefois pas suffisant pour éviter un manque à gagner annuel important, selon nos estimations. Voici pourquoi.

D’abord, il faut savoir que le métro et les autobus de la région de Montréal de même que tous les trains de banlieue totalisent environ 4,4 milliards de passagers-kilomètre par année (1). L’unité passager-kilomètre est une mesure qui combine l’achalandage et la distance parcourue par chaque usager. Par exemple, un usager qui fait 4 kilomètres dans un autobus équivaut à 4 passagers-kilomètre.

En moyenne, chaque passager-kilomètre coûte 39 cents aux diverses sociétés de transport, selon nos estimations, basées sur leurs documents publics. Il s’agit du coût d’exploitation, qui exclut le paiement des intérêts sur la dette, notamment.

Deux fois moins coûteux

En comparaison, le REM coûtera moins de 20 cents par passager-kilomètre, espère la Caisse de dépôt et placement, soit deux fois moins. Cette efficacité tient au fait que le réseau sera entièrement automatisé. À Vancouver, le réseau TransLink, très semblable à celui du futur REM, a eu un coût d’exploitation de quelque 19 cents le passager-kilomètre en 2015.

Actuellement, les usagers paient environ 19 cents par passager-kilomètre avec leurs différents titres de transport. 

Ainsi, si le REM ouvrait demain matin, les recettes actuelles des usagers seraient suffisantes pour couvrir les coûts d’exploitation prévus par la Caisse. En soi, il s’agirait d’un exploit, puisqu’il est rare qu’un mode de transport en commun finance son exploitation presque exclusivement avec les recettes des usagers.

Toutefois, le REM aura quand même un important manque à gagner, puisqu’il faudra assumer le rendement annuel exigé par la Caisse, possiblement de 10 %, soit 310 millions par an (10 % de 3,1 milliards). Ces frais financiers transforment le profit de 66 millions (en incluant les contributions municipales et autres) en un manque à gagner de 244 millions (2).

Selon nos estimations, environ le tiers de ce manque à gagner s’explique par la venue de nouveaux usagers et le reste, par l’amélioration que constitue le REM par rapport au réseau actuel, en quelque sorte.

Moins d’embouteillages

Ce manque à gagner important ne signifie pas que le REM est un mauvais projet. Si les prévisions d’achalandage se réalisent – et elles sont ambitieuses –, le réseau autoroutier sera passablement moins engorgé qu’il ne l’aurait été autrement. La Caisse espère augmenter l’achalandage de 57 %, le faisant passer à environ 161 000 passagers par jour (621 millions de passagers-kilomètre).

De plus, les usagers du REM se déplaceront plus rapidement. Le REM améliorera donc l’efficacité des transports dans la région et, par ricochet, la rentabilité économique pour la société.

Qui plus est, les 240 millions qu’il faudra ajouter chaque année ne seront pas empochés par un promoteur privé, mais par la Caisse de dépôt, dont les profits bénéficient ultimement à presque tous les Québécois pour leur retraite.

Il reste qu’avant de se lancer dans l’aventure, les Québécois ont tout intérêt à être conscients de la facture…

1. Cet achalandage englobe l’ensemble des 16 sociétés de transport de la région

2. Dans les faits, le coût en capital pourrait être plus élevé si la Caisse considère ses pertes durant les premières années d’exploitation comme un ajout à son injection de capital. Il serait plus bas si la Caisse exige un rendement moins élevé que 10 %.

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