En chair et en os, de Quentin Garel

Des gueules de bois qui n’en sont pas !

Dans le Vieux-Montréal, la galerie GOT présente, jusqu’au 30 avril, la première expo solo au Canada du sculpteur français Quentin Garel, un mois avant qu’il n’expose ses sculptures à la Biennale de Venise. De grand format, les 20 œuvres animalières en bronze évoquent les liens entre art et science. 

Vous n’y verrez que du feu… Les grandes sculptures d’animaux de Quentin Garel ont beau avoir l’air d’être en bois, elles sont toutes en bronze, sauf une. Trouvez-la ! Voilà une exposition bien attrayante présentée dans la galerie ouverte par Sébastien Pronovost l’an dernier, rue Saint-Paul. Une expo plaisante de sculptures à la qualité impressionnante. 

Il faut dire que Quentin Garel a de qui tenir. Fils de Philippe Garel, peintre français membre de l’Académie des beaux-arts, à Paris, il a travaillé à l’âge de 16 ans auprès de son père avant d’étudier à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. 

Jeune, Quentin Garel était attiré par l’architecture. Cela transparaît dans son œuvre. Dans ses représentations réalistes de vertébrés, on reconnaît son attrait pour la morphologie et les structures. Une attirance qui lui vient aussi de ses incursions naguère dans les musées d’histoire naturelle.

« Je me suis toujours beaucoup intéressé à la science, dit l’artiste aujourd’hui âgé de 41 ans. J’ai développé l’envie de sculpter des animaux sans vraiment me poser de questions liées au sens. On m’a tellement ennuyé avec le sens aux Beaux-Arts, à Paris ! Il fallait donner du sens à tout ce qu’on faisait ! Moi, j’avais envie d’être instinctif, intuitif et de donner de la matière, du corps à la sculpture sans me poser de questions sur le pourquoi ou le comment. » 

Après des débuts en céramique, Garel a passé deux ans à la Casa de Velázquez, à Madrid, école française de création artistique où il a découvert lasculpture sur bois qu’il a appliquée à son appétit de bestiaire. D’abord avec les animaux domestiques avant de passer aux bêtes sauvages. 

Magicien d’os 

La galerie GOT expose des œuvres qu’il a créées depuis cinq ans : une grande girafe, des têtes d’éléphant, de singe, de porc, de poulet, de grenouille ou de rhinocéros, des crânes d’oiseau ou d’alligator, etc. Des ossatures, des squelettes et des parties d’animaux en chair extrêmement détaillés et qui répondent à un besoin, chez lui, de montrer le côté dérisoire et vaniteux des trophées de chasse. Une façon de sculpter l’animal pour parler, de façon détournée, de l’homme et d’ethnologie. 

Quentin Garel travaille avec du bois de résineux, souvent recyclé, qu’il fait sécher avant de l’attaquer à la tronçonneuse ! Dans son atelier normand, il assemble souvent une quinzaine de morceaux de bois pour former ses sculptures avant de les porter à la fonderie. On distingue sur ses bronzes les points de jonction des pièces de bois et les nervures de l’arbre qu’il accentue en sablant puis en brûlant sa création.

Belle patine 

Ses sculptures ont une patine savamment réalisée. Avec un léger polissage, Quentin Garel transmet de la vie à ses animaux métalliques en ajoutant de la brillance au niveau des yeux, du nez et de la bouche. Du coup, sa technique donne aux œuvres un aspect XIXe siècle. 

« On ne sait plus si l’objet a été patiné par la nature et s’il est ancien ou contemporain, dit Quentin Garel. Je joue avec tout ça pour perdre le spectateur. » 

Ses talents de dessinateur et son travail de conception sont illustrés dans la galerie avec d’immenses dessins au fusain et à la craie. « Avant de sculpter, il faut étudier le comportement de l’animal, son anatomie, comprendre les volumes, et on traduit tout ça par le dessin, dit-il. Ceux que je montre ici sont un peu plus aboutis que d’ordinaire. » 

Dans quelques semaines, Quentin Garel exposera dans un prestigieux palais vénitien, le Palazzo Tiepolo Passi, une douzaine d’œuvres monumentales et de grands dessins, dans le cadre de la 57e Biennale de Venise. Très recherché, il produit une cinquantaine de sculptures par année, commence à être collectionné par les musées et s’interroge sur son envie de sculpter le plus célèbre des vertébrés, l’homme. 

« Ça me taraude depuis quelques années, dit-il. Je m’étais interdit de toucher à la figure humaine à cause de mon père, mais je pense que j’y viens, à 40 ans passés ! » 

En chair et en os, de Quentin Garel, à la galerie GOT (50, rue Saint-Paul Ouest, Montréal), jusqu’au 30 avril

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.