Opinion : Élections provinciales

Penser le Québec de 2030

Après seulement une semaine de campagne, le PLQ, la CAQ, le PQ et QS ont déjà annoncé plusieurs milliards de dollars de promesses visant à remettre de l’argent dans vos poches et à libérer du temps dans votre horaire. C’est concret et ça parle au monde. C’est de bonne guerre en campagne électorale, j’en conviens. Mais il faut surtout espérer que les différentes équipes présenteront bientôt leur vision du Québec de demain et le chemin pour s’y rendre. Sinon, on aura perdu cinq ans.

Cette campagne électorale pourrait être différente des précédentes pour deux raisons. D’abord, les citoyens ne semblent plus faire confiance aux politiciens et les écoutent de moins en moins.

Les candidats devront donc trouver des façons de briser le mur de l’indifférence et de rebâtir les ponts avec la population.

Deuxièmement, contrairement à la situation qui prévalait lors des trois dernières élections, le gouvernement dispose enfin d’une certaine marge de manœuvre financière. Sachant que les moyens demeurent limités, il faudra l’utiliser judicieusement pour positionner le Québec pour l’avenir.

Au cours des prochaines semaines, je tenterai de stimuler vos réflexions et vos analyses des plateformes électorales en présentant les enjeux qui me semblent prioritaires pour aligner le Québec de 2018 sur l’horizon de 2030.

À quoi pourrait ressembler le Québec de 2030 ?

Évidemment, personne ne peut prédire l’avenir. Avec la rapidité des changements technologiques, climatiques et migratoires, il est périlleux de s’aventurer. Mais l’exercice est néanmoins utile, voire nécessaire, si l’on veut éviter d’être perpétuellement réactif face aux évolutions qui bouleversent nos habitudes.

Sans prescrire le chemin, voici à quoi pourrait ressembler la destination : plus de mobilité entre les classes sociales et moins de concentration de la richesse au sommet ; une classe moyenne plus prospère qui valorise l’éducation et l’apprentissage en continu ; une économie à la fine pointe de la technologie qui n’a pas eu peur de l’automatisation et de l’intelligence artificielle ; des entreprises responsables et aussi impliquées dans le bien-être collectif que dans celui des actionnaires ; une économie faible en carbone qui achève sa transition énergétique.

La population vieillit et les impacts se font déjà sentir

Pour arriver à destination, il faut connaître le point de départ et trouver l’itinéraire approprié. Le grand défi socioéconomique de la prochaine décennie au Québec sera le vieillissement accéléré de la population. Les baby-boomers quittent le marché du travail en grand nombre, et le groupe des 20-64 ans est en décroissance. Les impacts de ce vieillissement touchent tous les aspects de la société – main-d’œuvre, régimes de retraite, urbanisme et infrastructures, réseau de la santé – et font naître des tensions intergénérationnelles. On répète depuis des années qu’il faut s’y préparer, mais on bouge encore trop lentement.

Le vieillissement que vit le Québec inverse plusieurs paradigmes traditionnels.

La création d’emplois n’est plus l’enjeu économique prioritaire ; le manque de main-d’œuvre est désormais le principal frein à la croissance des entreprises.

La qualité des soins de santé est moins menacée par le manque d’argent public que par le manque d’infirmières et de préposés dans plusieurs régions.

La prolifération des classes de maternelle dès 4 ans est certainement une bonne nouvelle, mais où trouverons-nous les enseignants alors qu’on se les arrache déjà pour pourvoir les postes vacants dans le système ?

Bien que le gouvernement du Québec dispose présentement d’une certaine marge de manœuvre financière (entre 500 millions et 1 milliard de dollars annuellement), elle demeure bien maigre face aux pressions démographiques. Une population qui vieillit annonce des choix politiques difficiles, alors qu’il y aura relativement moins de travailleurs pour financer des besoins grandissants, notamment en soins de santé. Il sera difficile d’assurer une croissance moyenne des dépenses en santé au-delà de 4 % à 4,5 % par année sans compromettre le financement du système d’éducation et les autres missions de l’État.

Les cinq prochaines années seront cruciales pour façonner le Québec audacieux, responsable et avant-gardiste qui nous attend. Si nous – et les hommes et femmes qui nous représentent – faisons les bons choix maintenant, nous en ressortirons beaucoup plus forts.

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