Abolition des frais accessoires

« Les gens auront moins d’accès aux soins »

Prélèvements, plâtre, infiltration, traitement à l’azote… Les médecins de la province offrent depuis des années des dizaines de services dans leur cabinet pour lesquels ils demandent des frais. Mais dès jeudi, cette façon de faire ne sera plus permise. La situation inquiète grandement la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), qui craint que les patients n’en paient le prix.

« Depuis l’automne, on demandait au ministère de s’asseoir pour régler la question pour toutes ces petites choses qui sont faites en cabinet. Rien n’a été fait. Là, on a jusqu’à jeudi pour tout régler. C’est impensable ! On a des dizaines de situations pour lesquelles on n’a pas encore de réponse claire », déplore le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin.

Ouverte sept jours sur sept, notamment de 8 h à 16 h la fin de semaine, la Polyclinique médicale Pierre-Le Gardeur sert plus de 35 000 patients par année. Chaque jour, environ 100 patients sont vus à la clinique sans rendez-vous. De ce nombre, une vingtaine sont des cas qui viennent directement des urgences de l’hôpital Pierre-Le Gardeur.

Plusieurs services sont offerts aux patients depuis 10 ans à la Polyclinique, moyennant des frais.

Par exemple, la Polyclinique médicale Pierre-Le Gardeur offrait un service de prélèvement sanguin. Moyennant 45 $, les patients pouvaient faire leurs prises de sang sur place, sans devoir attendre au CLSC ou à l’hôpital.

Dès jeudi, les médecins en cabinet ne pourront demander plus de 15 $ pour une prise de sang. 

« Le problème, c’est qu’on envoie ces prélèvements se faire analyser à l’hôpital, qui nous charge 12 $ par analyse. Donc, pour chaque prélèvement, ça nous laissera maintenant 3 $ pour payer le loyer, les équipements, les employés de notre centre de prélèvement… On n’arrivera plus. »

— Fabienne Dionne, directrice générale de la Polyclinique médicale Pierre-Le Gardeur

Le Dr Godin confirme que si la situation n’est pas clarifiée, des cliniques cesseront de faire des prélèvements.

Les cliniques qui réalisaient des plâtres ne pourront également plus demander de contribution au patient. Le Dr Godin ajoute que beaucoup d’incertitude plane sur les traitements à l’azote, utiles pour traiter les verrues. Les cliniques demandaient des frais aux patients pour ce soin, ce qui ne sera plus permis. « À force de questionner le Ministère, on a fini par apprendre que les hôpitaux fourniront les bonbonnes d’azote aux cliniques. Mais dès vendredi, où ira-t-on pour obtenir ces bonbonnes ? Il faut établir des procédures d’approvisionnement. Mais que fait-on avec nos patients dès jeudi ? », demande le Dr Godin, qui accuse le gouvernement de faire preuve d’improvisation dans ce dossier.

Un équilibre à préserver

Bilan financier à l’appui, Mme Dionne explique que la marge de profit de sa clinique est très mince : à peine 100 000 $, qui servent principalement à éponger des dettes.

« Ce sont les frais totaux de la clinique qui faisaient qu’on arrivait. Dès jeudi, tout va être débalancé. Ça met en péril notre clinique. C’est choquant, parce que quand on a ouvert, il y a 10 ans, ce qu’on voulait, c’est offrir du service aux patients. Là, ils devront aller à l’hôpital ou au CLSC pour plusieurs services, dit-elle. Les gens sont contents de ne plus avoir à payer. Mais l’enjeu, c’est qu’ils auront moins d’accès aux soins. »

Pour le Dr Godin, l’objectif de l’abolition des frais accessoires était de mettre fin aux pratiques scandaleuses, comme demander plus de 500 $ pour des gouttes ophtalmiques. « Pour les petits frais, il n’y a jamais eu de scandale, note-t-il. On est excessivement préoccupés par ce qui arrivera jeudi. »

Au cabinet du ministre de la Santé, Gaétan Barrette, on dit être actuellement en discussion avec les fédérations médicales sur la question des frais accessoires. Et on assure que « l’ensemble des questionnements seront réglés pour l’entrée en vigueur de l’interdiction des frais accessoires le 26 janvier ».

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